Plume

Ein

Dix ans plus tard
Larry Bürger, 17 ans

Ça fait longtemps que je n'écris plus dans ce stupide cahier « videur d'esprit » (selon, toujours, la charrrmante madame Faubourg). Ce sera la dernière fois, car demain en plus d'être mon anniversaire, je quitte cet endroit, cet orphelinat devenu mon chez-moi avec le temps. Quelqu'un m'a adopté. Il paraît que c'est un jeune homme riche. Jeune à quel point? Je ne sais pas. Je ne connais rien d'autre de lui, mais je lui suis reconnaissante de m'offrir un toit. La dernière fois que j'ai écris dans ce journal intime c'était il y deux ans. J'y écrivais que ma seule amie, Camelia une petite brune aux yeux bridés, avait fugué. Elle a été retrouvée morte et je ne veux pas savoir ce qui c'est passé ce soir là. Je sais seulement que vivre dans la rue n'est pas l'idéal, car c'est ce qui m'attendait malheureusement si personne ne m'adoptait.

Demain, je quitte ce trou remplis de gens horribles (autant les enfants que madame Faubourg) pour une nouvelle vie. Une vie incroyable digne de moi, Larry. Juste Larry. Peut-être que mon nouveau père aura un magnifique nom de famille et que je pourrai remplacer celui que j'ai? Stupide. Une chance que ton vrai père n'est pas là pour voir que tu le renies pour des conneries aussi insignifiantes que les enfants de ce minuscule orphelinat minable.

Sors de ma tête petite voix insupportable. Je ne le renies pas, je n'aime simplement pas me faire gâcher l'existence pour un simple nom. Nom qu'ils ont choisi pour toi.

Je me frappe la tête sur le comptoir pour faire taire cette voix horrible. Au même moment, James entre dans la pièce, me regarde étrangement, sort à reculons et je l'entends crier:

- Larry l'hamburger est folle! Elle se cogne la tête sur le comptoir pour attendrir la viande fraîche ! On sait tous qu'elle est calcinée!

Suivie d'une foule de rire et d'applaudissements pour certains. Et je sens les larmes se bousculer sur mes joues en voyant le lien qu'il fait avec la mort de ma famille. C'est horrible.

James. Vous ne le connaissez pas et c'est bien mieux ainsi. C'est le pire ici. Il a environ mon âge et a été abandonné par sa mère trop jeune, quinze ans, il y a environ dix-sept ans. Donc il a mon âge. Heureusement que je ne suis là que depuis que j'ai trois ans! Comment aurais-je survécu à trois ans de plus en sa compagnie! Je suis TRÈS heureuse de ne plus avoir à recroiser ce visage magnifique avec cette mâchoire carrée... je veux dire cette personne odieuse qui a fait de ma vie un enfer. Évidemment, c'est le garçon populaire de la place. Parce qu'il a du charme et qu'il sait à qui s'allier. À l'orphelinat, soit tu es la victime, soit tu es celui qui fait de moi une victime. Il a choisi son camp et j'aurais probablement fait le même choix. La différence est que je l'aurais eu sur ma conscience, contrairement à lui qui y met trop d'enthousiasme à mon goût.

Habituellement, on fait toujours une fête en l'honneur d'une adoption, mais je n'ai que des ennemis ici, donc personne n'est heureux pour moi. Et donc, il n'y a que moi qui fête. Seule, dans la cuisine sombre où j'ai toujours cru qu'il y avait un monstre avant de comprendre qu'il s'agissait de madame Faubourg dans le garde-manger (pas pour rien que son ventre est immense). J'ai un gâteau face à moi que je mange sans appétit et il y a aussi une bougie. Un luxe que seul les adoptés ont le droit d'utiliser. Woaaah quelle chance... (notez le sarcasme, c'est la même bougie depuis vingt ans, il ne faut pas l'allumer plus que deux minutes)

J'inspire profondément en pensant à mon voeux du plus fort que je peux et puis je souffle et j'ouvre les yeux. Je suis seule dans le noir sauf une écriture bleutée qui luit au-dessus du gâteau.

Je souhaite que tout change.

Et tout changea.