Plume

Zwei

C'est le grand jour. Le jour de mon adoption. J'espère qu'il ne me fera pas faux bond ou bien que ce n'était pas une plaisanterie de plus de mes « chers camarades qui ne veulent que mon bien » (toujours de bon conseil, cette madame Faubourg n'est-ce pas?). Il devrait arriver d'une minute à l'autre. En fait non... dans une heure. J'attends tout de même sur le bord de l'unique fenêtre propre de l'établissement, celle juste à côté de la porte. Je suis là, à attendre avec mon unique valise, tout ce qu'il me reste. Je suis prête à bondir dès qu'il arrivera.

James entre dans la pièce. Je roule des yeux et il rit en me voyant faire.

- Personne ne veut de toi Hamburger, pas même cet étranger qui t'adopte. Peut-être qu'il ne viendra pas. Ou bien peut-être que c'est lui qui a fait cuire trop longtemps tes parents et ta maison.

- ÇA SUFFIT JAMES. J'en ai assez. Tu es seulement jaloux que je sois adoptée et pas toi. Toi, on t'a rejeté. Pas moi. Alors cesse de rire de moi, c'est la dernière fois qu'on se verra. Tu peux faire un effort même si tu ne m'aimes pas et que moi non plus.

Son regard se durcit. Il ne rit plus.

- Va pourrir en enfer Larry.

C'est déjà mieux. Je suis fière de lui avoir tenue tête pour une fois. Cette adoption me donne plus confiance en moi. J'ai été choisis. Parmi tous, c'est moi qui part. Reste le doute qu'il vient d'installer dans ma tête... Et si c'était mon meurtrier?

Soudainement, un crissement de pneus se fait entendre. Je regarde à l'extérieur et voit un jeune homme qui semble riche. Ça doit être lui. C'est étrange. Ses cheveux noirs semblent bleus et même qu'on dirait qu'ils flottent dans l'air. En le voyant avancer, on dirait que le soleil le suit. Hey! Il pleuvait il y a à peine deux minutes! En tout cas, il n'a pas l'air méchant.

Il cogne à la porte. Je saute sur mes pieds et me précipite à la porte. Trop tard, madame Faubourg y est déjà. Tous les enfants aussi. Ils regardent avec qui je pars et je suis certaine qu'ils trouveront de quoi rire de moi encore et toujours une fois que je serai partie. Il me faudrait une sortie remarquée qui laisse une bonne dernière impression... mais quoi?

- Il est temps de partir Larry.

Madame Faubourg me regarde avec un sourire qui crie « bon débarras ». À cet instant, je vois un immense gâteau derrière elle et des assiettes pour tous, sauf moi. Ils vont célébrer mon départ sans moi. Car ils célèbreront mon absence, pas mon adoption. Je sais que je ne peux pas les laisser s'en tirer comme ça.

- Alors je voulais mettre certaines choses au clair avant de partir.

Je vois leurs visages se décomposer.

- Pour toutes ces fois, où vous avez été gentils avec moi, je vous remercie. Pour toutes ces fois où vous ne m'intimidez pas pour mon nom, merci. Pour toutes ces fois où vous ne vous êtes pas moqués de moi en utilisant le décès de ma famille merci. J'espère que vous aurez du plaisir à célébrer mon départ sans moi.

Je pointe le gâteau.

- Bon eh bien moi je suis adoptée et pas vous alors je vous laisse continuer vos conneries. Bye.

Je sors et mon père adoptif me suit. Il éclate de rire.

- Bien joué.

Il me tend la main pour que je frappe dedans. Je souris. Il y a longtemps qu'on avait pas été si gentil avec moi.

Il m'ouvre la portière de sa toute nouvelle Audi noire deux portes côté passager. Galant.

Une fois qu'il fut assis à son tour dans la voiture, il enlève ses lunettes de soleil.

Il a les yeux comme moi. Je fronce les sourcils. C'est vrai qu'on a l'impression de se noyer dedans. Ou bien que les vagues bougent dans ses yeux.

- Premièrement, je m'appelle Leo et non je suis pas trop jeune pour t'adopter, j'ai trente ans. Et toi quel est ton nom?

Il insiste du regard. Je ne réponds pas.

- Tu n'as qu'à le changer.

Je réfléchis.

- Camelia Tremblay.

Il me regarde étrangement.

- Tu n'as rien d'une Camelia Tremblay. Que dirais-tu de Plume?

- C'est pas vraiment mieux que Larry Bürger...

- Mais ça te représente aujourd'hui. Dis-moi Plume, que connais-tu de la magie?