Lorsqu’Élizabeth surprit une dispute entre ses parents, la demeure des Melvile se préparait pour, comme toujours, accueillir un festin en l’honneur du roi Richard. Ces disputes étaient devenues très courantes depuis le début de la guerre. La mère d’Élizabeth, Éléonore de Melvile, reprochait de plus en plus souvent à George, son mari, de dilapider leur héritage, et, par conséquent, la dot de leur Liza.
— Mais George, quand finiras-tu par te rendre compte qu’avec toutes ces réceptions, nous n’aurons plus rien pour la dot de notre fille ? se récria Éléonore une nouvelle fois.
— Nora, cesse donc d’exagérer, s’il te plaît… Tu sais pourquoi je fais ceci : à cause de ma santé, je ne peux pas seconder le roi Richard au combat et je n’ai même pas d’hommes à lui proposer pour enrichir son armée ! C’est le moins que je puisse faire pour lui prouver ma loyauté et mon soutien, répliqua le baron.
— Ainsi, tu ne peux même pas faire moins fastueux afin de penser à l’avenir de ton unique fille ? Nos coffres sont presque vides, et après cette dernière réception, nous serons ruinés : si tu faisais plus sobre, nous pourrions assurer l’avenir de Liza et témoigner notre soutien au roi, affirma Éléonore, au bord des larmes.
— Arrête de t’inquiéter, Nora. Le moment venu, Liza aura sa dot, promit George.
Élizabeth, qui écoutait secrètement cette conversation, rejoignit sa mère une fois son père sorti. Éléonore, qui connaissait bien sa fille, savait qu’elle avait déjà écouté ces conversations ; c’est pourquoi elle tentait de la rassurer :
— Liza, ma fille, ne te fais point de souci. Tant que moi, Éléonore de Melvile, née De Fleurbleu, serait vivante, tu auras toujours une dot honorable. Maintenant, va, ma fille.
Sur ces mots, Liza quitta les appartements de ses parents. À tout juste quatorze ans, elle connaissait déjà les problèmes financiers de sa famille. Éduquée par sa mère, elle avait appris à lire et à écrire ; elle aidait donc à remplir les registres d’impôts et à gérer l’intendance de leur manoir. Pendant la soirée, elle resta éloignée des convives, jusqu’au moment où elle entendit le miaulement horrifié de son chaton. Elle accourut jusqu’à l’endroit où il se trouvait, et le découvrit devant l’énorme chien du roi, menaçant. Élizabeth voulait protéger son animal de géant qui lui faisait face, mais ce dernier ne la considéra pas, et amorça un mouvement pour foncer sur la demoiselle fin d’atteindre le chaton. C’est alors qu’un jeune homme vint à son secours, en maîtrisant le chien. Railleur, il lui dit :
— Vous préfériez vous faire mordre par ce chien plutôt que de fuir ? Êtes-vous téméraire ou folle ?
— Oh, je voulais fuir, mais il s’apprêtait à manger mon chaton, répondit-elle, toujours sous le choc de l’instant.
— La bienséance voudrait que je vous aide à vous relever, mais malheureusement, je m’occupe déjà de votre assaillant, mademoiselle… reprit-il plus gentiment, en simulant une révérance.
— Mademoiselle Élizabeth de Melvile, répondit-elle plus dignement à sa question muette.
— C’est un honneur… Vous êtes donc la fille du baron ; votre festin est réussi, comme toujours. Avec votre permission, je m’en vais m’occuper de ce chien, avant qu’il n’attaque de nouveau quelqu’un, sourit-il.
— Attendez, pourriez-vous vous présenter ? demanda-t-elle, curieuse.
— Bien sûr. Je m’appelle Alexandre et je me suis mis au service de notre roi Richard, pour combattre à ses côtés, pour la plupart du temps.
— N’avez-vous donc pas peur de la guerre ? Car il est dangereux d’y aller, s’enquit-elle.
— Je suis un homme, et je n’ai pas peur, répondit-il. Mais pour l’instant, je m’occupe seulement des chevaux de Sa Majesté.
À ces mots, il laissa Liza, stupéfaite, dans ce couloir. Elle remonta alors dans ses appartements, et pria pour qu’Alexandre revienne sain et sauf de cette guerre, rêvant qu’il puisse l’épouser plus tard. En effet, elle était tombée sous le charme de ce beau jeune homme, plus âgé qu’elle de seulement trois printemps. Elle pria aussi pour qu’il ne l’oublie pas, car pour l’instant, elle n’est qu’une petite fille effrayée, à ses yeux.
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Prisonnière et Promise
RomanceÉlizabeth de Melvile, jeune aristocrate sans dot, est sacrifiée par sa cousine pour sauver son oncle. Ainsi, elle se retrouve captive et promise au jeune Comte Alexandre de Montay, celui qui l'avait fait chavirer, quatre ans auparavant... Mais ce de...