Araignée du matin, chagrin

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Les mois ont passé, c'est l'hiver maintenant.
Comme notre dernière mission n'a pas été facile et que le cartel n'a pas vraiment besoin de nous, nous sommes plus ou moins en vacances. C'est bizarre de dire ça...C'est comme si on avait un travail normal, légal, avec un salaire fixe et des congés payés. Enfin je me plains pas : on a pas à se lever le matin, et on gagne bien plus que la plupart des gens.

Ça fait longtemps qu'il n'y a plus de neige naturelle en hiver, mais notre villa est équipée de canons à neige spéciaux qui nous permettent d'admirer chaque matin un magnifique tapis blanc dans le jardin.
Le ventre de Héka s'arrondit de plus en plus, à tel point que j'ai dû mettre au courant le reste de l'équipe...Je m'en souviens encore, je les avais tous réunis solennellement dans le salon en disant que j'avais une nouvelle de la plus haute importance à leur apprendre, qui allait sûrement les surprendre. Une fois tout le monde installé, je me suis raclé la gorge et j'ai pris un air sérieux avant de leur annoncer la nouvelle qui, j'en étais sûr, provoquerait toutes sortes de réactions diverses et variées...Mais je ne m'attendais absolument pas à les voir éclater de rire ! Ouran, qui avait réussi à garder un minimum de sang froid, m'a expliqué que tout le monde était au courant depuis longtemps et qu'il aurait fallu être aveugle pour ne pas le remarquer...Je me suis rarement senti aussi ridicule.

Et j'ai aussi fêté mon anniversaire ! J'ai douze ans maintenant ! Comme j'avais dit aux autres que j'avais treize ans la première fois que je les ai rencontrés, il y a eu un moment très embarrassant pendant lequel j'ai dû leur expliquer que j'avais menti.
Mais pourquoi j'ai été leur raconter que j'avais treize ans ? Déjà que j'ai l'air d'un enfant de huit ans ! Enfin, ils ont au moins eu la gentillesse de faire semblant d'être surpris.
C'était le meilleur anniversaire que j'ai jamais vécu. Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, mes anniversaires ont toujours été pareils : Je discutais poliment avec mes "amis", qui étaient des gamins de mon âge avec qui je traînais au Temple du Savoir (mais qui étaient surtout les enfants des partenaires financiers de mon père), mon père qui discutait dans son bureau avec les parents de mes amis, et ma mère qui apportait l'énorme gâteau commandé chez un traiteur et qui me félicitait avec un grand sourire forcé. Quant à mon frère, il se débrouillait toujours pour avoir un truc à faire dehors.
Mais là, non. Il y avait effectivement un énorme gâteau commandé chez un traiteur, parce qu'aucun d'entre nous ne sait cuisiner, mais l'ambiance était complètement différente.
C'était sans doute grâce aux très nombreuses bouteilles d'alcool que Reyke et Noah étaient allés acheter sans me demander mon avis, mais quand même...Ça m'a fait du bien de les voir heureux, et d'être  heureux avec eux.

Et les journées s'écoulent tranquillement, sans mission à accomplir, sans personne qui nous donne des ordres...J'aimerais passer toute ma vie de cette manière, mais je sais bien que ce n'est pas possible. Un jour, Tristan va débarquer avec une nouvelle mission... Enfin après tout ça ne me gêne pas vraiment mais ça va nous faire bizarre de recommencer à travailler, après cette longue période de calme.
Et puis je ne sais pas, j'ai l'impression que le retour de Tristan va s'accompagner d'une très mauvaise nouvelle.
Je ne sais pas pourquoi, peut être parce que Tristan n'est associé qu'avec des choses déplaisantes dans mon esprit...Peut être qu'il va revenir pour m'annoncer la mort de mon frère, ou peut être qu'il m'apportera les résultats de l'analyse du liquide qu'Asphodèle m'a injecté dans le cou. J'ai fini par lui envoyer par la poste, histoire qu'il donne ça au labo.

Vaas dit toujours que je suis trop inquiet, mais j'ai des très bonnes raisons de l'être.

Quant à la voix dans ma tête, elle ne s'est pas manifestée depuis la dernière fois à la Congrégation de la Vérité. J'ai l'impression qu'"il" ne me parle que quand je suis stressé, en colère, ou quand quelque chose de particulier est en train d'arriver. Dans un sens, je regrette un peu d'avoir tué mon père...Il aurait peut être pu me donner des renseignements à propos de ça, peut être que c'est quelque chose de spécifique à la lignée des Fall ?
Ou alors il m'aurait pris pour un fou, qui sait. Ça ne m'aurait pas vraiment dérangé de passer ma vie dans un asile...enfin disons que si j'avais eu le choix entre ça et devenir PDG de FallTech, j'aurais réfléchi à deux fois.

Le tombeau des mensonges Où les histoires vivent. Découvrez maintenant