3. Les Cousland

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Des voix tirèrent la jeune femme de ses pensées. Elles provenaient des appartements de son frère. Reann s'approcha à pas de loup de la porte entrouverte et y jeta un œil. Oriana, sa belle-sœur, pleurait dans les bras de Fergus déjà équipé de son amure frappée du blason des Cousland et de celui du tiernir de Hautecime : une couronne de laurier encerclant deux lances croisées sur une goute d'eau.

— Êtes-vous obligé de nous quitter, Fergus ? Ne peuvent-ils pas envoyer quelqu'un d'autre combattre ?

— Nous en avons déjà discuté, je ne laisserai pas mon père aller seul au combat.

— Mais votre place est ici, et c'est à vous de prendre en charge le tiernir.

— Reann s'accommodera de cette tâche très bien. J'ai confiance en elle pour prendre soin d'Oren et de vous pendant mon absence.
Silence, puis nouveau sanglot.

— Allons, mon amour. Tout ira bien. Je serai de retour très vite.

Reann tiqua en entendant Fergus appeler son épouse « mon amour ». Elle avait l'habitude d'entendre ses parents se donner ce petit surnom, mais dans la bouche de son frère, ces mots avaient une consonance étrange, d'autant qu'il appelait rarement Oriana ainsi.

Cela faisait cinq ans que Fergus et Oriana étaient mariés. Ils s'étaient rencontré lors d'un voyage « entre père et fils » en Antiva, une nation ploutocratique au nord-est de Thédas, réputée pour son vin et ses assassins professionnels.

À l'époque, Reann fut surprise de voir son frère revenir d'Antiva avec une épouse. Certes, Oriana était jolie – une chevelure couleur châtain aux reflets acajou entourant un visage d'ange dont le teint de porcelaine et les yeux gris avaient attiré la jalousie de nombreuses femmes – mais au-delà de ça, elle n'avait jamais compris ce que Fergus pouvait bien trouver à la demoiselle. Les motivations de son engagement lui avaient également échappé ; jamais elle n'aurait imaginé son frère s'enchaîner à seulement vingt ans alors qu'il avait toujours eu un large choix de prétendantes. Nombre de iarl et de bann auraient souhaités pouvoir marier leur fille à Fergus : le jeune homme brun aux yeux sombres et espiègles, en plus d'avoir hérité du visage carré et de la stature musclée de son père, était celui qui hériterait du titre de tiern et de toute la notoriété qui en découlait. Le meilleur partit de Férelden après le roi lui-même.

La noblesse féreldienne avait donc mal accueilli la nouvelle de cette union soudaine. Reann se souvenait même avoir entendu le iarl Howe qualifier sa belle-sœur de « catin antivane ». Un propos que beaucoup pensaient, mais que seul Howe avait le courage – ou la bêtise – de dire tout haut. La naissance d'un fils quelques mois seulement après leur retour en Férelden n'avait d'ailleurs pas aidé à calmer les ragots.

Malgré ses questionnements, Reann n'avait jamais cherché à démêler le vrai du faux dans cette histoire. Sûrement Fergus s'était-il laissé aller une fois de trop aux jeux de la séduction et aux comportements fougueux et volages sans se méfier des conséquences de ses actes. De plus, Oriana avait toujours rendu Fergus heureux, et la scène se jouant devant ses yeux prouvait à Reann l'attachement qu'ils avaient l'un pour l'autre.

— Est-ce que je dérange ?, se risqua à demander Reann tout en frappant à la porte.

— Bien sûr que non. Entre, petite sœur !

Le couple se sépara alors que Reann s'exécutait. Elle regarda sa belle-sœur essuyer soigneusement les coins de ses yeux d'un mouchoir de soie. La situation la mise mal à l'aise. Elle avait l'impression d'assister à quelque chose qu'elle ne devait pas voir.

— Je peux attendre dehors si vous préférez.

— Ne sois pas sotte. Reste.

Il ouvrit grand ses bras, et elle s'y réfugia sans attendre. Leur étreinte dura de longues secondes, puis elle se résigna à libérer son frère. Prolonger ce moment ne rendrait pas le départ de Fergus moins douloureux.

Dragon Age - A Warden StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant