12. La Tour d'Ishal

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— C'est absurde !

Telle fut la réaction d'Alistair lorsque Duncan lui annonça qu'il ne serait pas sur le champ de bataille. Le jeune homme était d'ailleurs plus déçu qu'outré, et ne comprenait pas l'intérêt de cette décision, tout comme Reann.

— Pourquoi faut-il deux Gardes des Ombres pour embraser une torche ? Un seul suffit.

— Alistair a raison, soupira Reann. Nous avons aussi le droit de nous battre.

— Vous n'avez guère le choix. Le roi l'exige, et nous devons obéir. Si vous n'allumez pas le fanal lorsqu'on vous en donnera le signal, le tiern Loghain ne saura pas quand lancer l'assaut.

Duncan regarda ses deux cadets alternativement, et ajouta en sentant toujours leur réticence :

— Si nous voulons vaincre l'ennemi, chacun doit jouer son rôle, qu'il vous agrée ou non.

— Oui oui, j'ai compris, ronchonna Alistair. Mais autant vous prévenir : si le roi me demandait d'enfiler une robe et de danser la caracole, je refuse tout net. Engeance ou pas.

— Cela devrait faire une bonne distraction, sourit Reann.

— Moi, agitant mes jupons devant ces créatures ? ricana Alistair.

— Oui, j'aimerai bien voir ça.

— Je crois que je préfèrerai vous y voir.

Alistair prononça cette dernière phrase avec un sourire en coin et une voix plus suave. Reann leva les yeux au ciel en souriant néanmoins, espérant ainsi détourner l'attention du rose qui teintait ses joues malgré elle. En les voyant badiner ainsi, Duncan soupira. Il leur répéta de suivre le plan, et ajouta qu'il serait en première ligne, aux côtés du roi Cailan et des autres membres de la Garde des Ombres. Il continua ses explications, notamment sur le fait que la tour dominait toute la vallée, et qu'ils n'auraient aucun mal, une fois là-haut, à suivre les combats et savoir quand allumer le fanal. Parmi tous les points que Duncan soulevait, un seul n'était pas évoquer. Aussi, en dépit de son hésitation, Reann posa la question qui brûlait ses lèvres :

— Et si l'Archidémon se montre ?

— Là, on peut faire nos prières... marmonna Alistair.

— Si cela arrive, ne tentez rien d'irraisonnable. Les autres Gardes et moi nous en occuperons.

Duncan s'assura une nouvelle fois qu'Alistair et Reann avaient bien compris leurs instructions, et, après un dernier encouragement, les laissa. Il n'était qu'à quelques mètres lorsqu'Alistair l'interpella. Le jeune homme se pressa pour le rejoindre. Ses lèvres articulèrent des mots que Reann n'entendit pas, puis tous deux se serrèrent la main. Duncan posa son autre main sur l'épaule d'Alistair dans un geste paternel. Ils échangèrent un long regard, puis ils se détournèrent l'un de l'autre.

Avant qu'il ne s'éloigne définitivement, les yeux de Reann croisèrent ceux de Duncan. Dans ses iris ténébreuses et hantées de mystères vacillait une lueur, certes discrète, mais familière à la jeune femme : un mélange de tristesse, de doute et de crainte. Le visage de son défunt père se reflétait dans l'expression de Duncan, et Reann sentit son cœur s'alourdir.

Fenris manifesta sa présence à ses côtés en poussant de petits couinements, et pour le rassurer, Reann caressa sa tête.

— Tout ira bien Fenris.

Le regard fixé sur la silhouette lointaine de Duncan, elle répéta à mi-voix :

— Tout ira bien.

Dragon Age - A Warden StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant