2. Ah, sale cabot

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Pendant qu'elle flânait dans les couloirs, Reann réfléchissait aux moyens d'être recrutée dans le garde des ombres. Elle pouvait s'entretenir seule avec Duncan, après le dîner. Il lui suffisait de trouver la chambre que le garde des ombres occuperait. Elle pouvait aussi lui faire parvenir un mot pour lui donner rendez-vous dans un endroit plus discret afin que son père n'ait pas vent de leur entretien. Des plans bien plus farfelus lui vivent en tête, mais le fil de ses pensées fut bientôt interrompu.

— Je vous trouve enfin !

La jeune femme s'arrêta et soupira. À peine était-elle sortie d'un entretien qu'on demandait à nouveau de son temps. Serait-ce tous les jours ainsi lorsqu'elle sera régente du tienir ? Elle se retourna et fit face à Ser Gilmore qu'elle croisait régulièrement dans les couloirs de Hautecime depuis bien huit années. À son arrivée au domaine, Ser Gilmore n'était que « le petit Roland », fils d'un modeste bann devenu palefrenier au service de la famille Cousland et rêvant d'être un jour chevalier. Malgré ses treize printemps, Roland Gilmore était un garçon chétif et petit pour son âge. Jamais Reann n'aurait imaginé qu'il puisse un jour la dépasser d'une bonne tête et demi, ni qu'il parvienne à développer autant sa musculature.

— J'ai chevauché jusqu'au village pour vous chercher, et à mon retour, vous voilà ! Où étiez-vous donc passé ?

Reann regarda le rouquin monologuer avec un sourire amusé. Le comportement du chevalier était une habitude maladroite, mais elle faisait partit de son charme.

— Bonjour à vous aussi, Ser Gilmore.

— B-bonjour à vous aussi, Lady Reann. Pardonnez-moi, je suis un peu...

— Un peu trop perdu dans vos pensées et vos obligations ?

— C'est cela, Noble Dame.

— Il parait que c'est le lot de tout homme réalisant consciencieusement son travail. Que puis-je pour vous ?

Le chevalier prit une inspiration pour retrouver contenance. Jamais Reann ne le réprimandait quand il se comportait ainsi. Elle se contentait de lui faire remarquer par une taquinerie subtile.

— Et bien votre père souhaitait...

— Je l'ai vu. Autre chose ?

Le chevalier bégaya une demie seconde, le temps de trouver ses mots après cette interruption soudaine.

— Oui, votre chien.

Reann leva les yeux au ciel, ses lèvres s'étirant dans un sourire amusé.

— Laissez-moi deviner, il est dans les cuisines ?

Malgré tous les efforts des domestiques pour empêcher l'accès à cette pièce, le fidèle ami canin de Reann parvenait toujours à s'y faufiler. Il en été ainsi presque tous les mois, mais ce mois ci l'animal en était déjà sa troisième tentative. À croire que cette incorrigible bête ne se lassait jamais de tourmenter les commis et les aides cuisinières.

— Oui, soupira Ser Gilmore. Naan a même menacé de démissionner.

— Vous voulez dire qu'elle a encore menacé de démissionner.

— Elle semblait sérieuse cette fois.

— Naan était ma nourrice. Elle ne quittera jamais le château. Qui plus est, mes parents ne le souhaiteraient pas.

— Quoi qu'il en soit, je vous serez gré de bien vouloir m'accompagner pour régler ce problème.

Reann soupira alors que Ser Gilmore l'invitait à reprendre la marche. Elle appréciait le chevalier, mais elle n'avait nullement besoin d'un chaperon ni d'aucune aide pour sortir son chien des cuisines. Au moins avoir la charge du tiernir mettrait fin à ce statut mi-enfant mi-adulte auquel elle était perpétuellement confrontée.

Dragon Age - A Warden StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant