6. Le Massacre

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— Prend cette épée.

Reann leva les yeux vers sa mère alors qu'elle terminait de rentrer sa chemise propre dans son pantalon. Elle lui tendait une ceinture sur laquelle était fixée une épée dans son étui. Des feuilles de laurier en relief soulignées de fines dorures décoraient la garde forgée dans un alliage de fer et d'argentite. Une topaze bleue-verte était sertie sur le pommeau.

— C'est l'épée de Père, marmonna Reann en reconnaissant la poignée de l'arme.

— Et tu vas en avoir besoin pour te défendre, alors prend là. Je vais chercher les autres.

Reann tendit une main hésitante et saisi le tout. Elle attacha soigneusement la ceinture à sa taille, puis enfila la première paire de bottes à sa portée. Soudain, sa mère hurla. Reann accourus aussitôt, ne s'apercevant pas tout de suite que sa voix la guidait jusqu'à la chambre de son neveu. Face au spectacle macabre devant ses yeux, elle s'arrêta net : Oriana, en tenue de nuit, était allongée sur son fils, leurs corps liés par une épée les transperçant tout deux. La mère entourait son précieux et unique enfant de ses bras : un geste désespéré pour tenter de le protéger de l'attaque. Les yeux d'Oren étaient rivés au plafond, son expression, figée, témoignait de la peur qu'il avait éprouvé avant que la vie ne le quitte définitivement.

— Mes enfants ! s'exclama la tierna dans un sanglot rauque. Mes pauvres enfants...

Elle s'avança vers les corps et tenta de retirer l'épée plantée dans le dos de sa belle-fille non sans difficulté.

« Aide là ! » , se dit Reann à elle-même. Mais elle était pétrifiée. Impossible de faire un pas de plus dans la chambre de son neveu, ni même de sortir le moindre de son de sa bouche pourtant ouverte. Seuls ses yeux acceptaient de laisser couler des flots de larmes incontrôlables sur ses joues. Ses oreilles sifflèrent et sa vue se brouilla légèrement. Elle tituba tout en reculant, puis s'appuya d'une main contre le mur et expulsa la bile acide remontant de son estomac et brûlant son œsophage. En se redressant et en essuyant ses lèvres du revers de sa manche, son regard se porta vers les autres pièces. Malgré ses jambes aussi lourdes que de la pierre, elle se mut le long du couloir jusqu'à la chambre de Dairren. Le cœur battant, elle poussa la porte déjà entrouverte. Craignant ce qu'elle pouvait découvrir, elle regarda d'abord le sol devant elle. En relevant lentement les yeux, elle vit progressivement les pieds de Dairren, le pantalon qu'il portait, puis son torse nu, recouvert d'un liquide vermeil coulant encore de sa gorge tranchée. Il se tenait là, inerte, adossé à son lit et assis dans son propre sang. Le regard éteint de Dairren était figé sur l'entrée de la chambre. Il avait sûrement rendu son dernier souffle en priant le Créateur qu'une personne vienne l'aider. Ou peut-être avait-il maudit l'ordure qui l'avait laissé agoniser là. Reann eut l'impression qu'à présent, c'était elle qu'il dévisageait. Il l'accusait de sa mort, et lui reprochait d'être toujours en vie. La culpabilité étant trop pesante, elle s'approcha et lui ferma doucement les yeux.

Elle referma la porte doucement alors que les larmes coulaient de plus belle sur ses joues, et partit vers la chambre de Dame Landra. En passant la tête par la porte, Reann ne s'étonna pas de la trouver morte elle aussi. Sans le poignard planté dans son buste, on aurait pu croire qu'elle dormait paisiblement. Puis elle vérifia la chambre de Duncan, mais cette dernière était vide. Les draps du lit n'avaient aucun pli et la chambre était parfaitement rangée, exactement comme les domestiques l'avaient laissée en terminant leur travaille.
Reann rejoignit sa mère. Cette dernière avait réussi à séparer les deux corps d'Oren et d'Oriana. Assise sur le bord du lit, elle serrait son petit-fils contre elle tout en leur demandant pardon.
— Dairren et Dame Landra n'ont pas survécu, annonça Reann qui s'efforçait de garder contenance. Duncan n'était pas dans sa chambre.
— Ma pauvre Landra, murmura Eleanor. Dire que j'avais insisté pour qu'elle vienne ici... Je n'aurais jamais dû...
Elle serra Oren plus fort contre elle, et Reann détourna le regard. Après un bref silence, elle reprit :
— Mère, nous devons partir...
— Oui. Nous allons retrouver ton père, regagner les souterrains, et lorsque nous serons remis... Nous nous vengerons.
La rage et la haine se ressentir dans ses derniers mots. Howe et sa famille paieraient cet affront de leurs vies. Eleanor baisa le front d'Oren, puis pris soin de couvrir les deux corps d'un drap. « Puisse le Créateur vous accueillir dans sa lumière » murmura-t-elle en fermant la porte.
À présent, il fallait retrouver le tiern au plus vite.

Dragon Age - A Warden StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant