Dragon Age - A Warden Story

9. Les Terres Sauvages

Ils avaient fait plusieurs fois le tour du camp avant de finalement regagner le campement des Gardes des Ombres. Sans grande surprise, les recrues qu'ils avaient cherchées durant leur escapade s'y trouvaient déjà, en compagnie du Commandeur-Garde.

Duncan les regarda s'approcher. Bien qu'en apparence imperturbable, ses yeux noirs trahissaient son impatience. Reann se rangea aux côtés des trois autres conscrits, alors qu'Alistair prenait place à la gauche de Duncan. Pendant que ce dernier s'occupait des présentations, Reann observait ses nouveaux camarades du coin de l'œil. Le premier, Ser Jory, était un grand gaillard d'une trentaine d'année avec une calvitie précoce et un bouc court. L'expression naïve de son visage rectangulaire au nez tombant et ses sourcils broussailleux cachant un regard doux tranchaient avec son impressionnante carrure. Le second, Daveth, un jeune homme élancé à la peau matte et au physique plaisant, avait une barbe de quelques jours et des cheveux courts et bouclés. Ses yeux ambrés et fourbes observaient Reann sans discrétion, et ses lèvres s'étirèrent dans un sourire charmeur lorsque leurs regards se croisèrent. Mais la jeune femme n'y prêta aucune attention, bien trop intriguée par le troisième individu : un elfe à l'air peu commode dénommé Yevren Mahariel.

Reann avait déjà vu des elfes, mais Yevren dégageait quelque chose de différent. Sa chevelure blonde foncée tombant sur ses épaules était laissée libre à l'exception de deux tresses partant de ses tempes qui encadraient son visage anguleux et pâle. Un tatouage à l'encre noire fait de lignes d'épaisseurs diverses était dessiné sur sa face : il soulignait ses pommettes saillantes jusqu'au coin de sa bouche fine, entourait son menton imberbe et fin dans de multiples losanges, et soulignait la délicatesse de son nez aquilin. Un dernier élément s'étendait sur son front en prenant une forme arquée et s'étendait jusqu'au dessus de ses pommettes croisé perpendiculairement par une flèche, laissant imaginer que l'ensemble du motif pouvait évoquer un arc bandé. Il fixait Duncan de ses yeux d'un gris soutenu, cernés par la fatigue, attendant d'une patience forcée la suite des évènements.

Après avoir donné à chacun des conscrits un brassard brodé de l'écusson des Garde des Ombres, le Commandeur-Garde leur expliqua ce qu'il attendait d'eux. Dans un premier temps, ils devraient se rendre dans les Terres Sauvages de Korcari, grand territoire forestier bordant les ruines d'Ostagar peuplé de barbares Chasinds depuis la présence de l'humanité dans Thédas, et ramener une fiole de sang d'engeance chacun. Le petit groupe se devait également de retrouver un ancien avant-poste de la Garde des Ombres, abandonné depuis longtemps, et y récupérer des documents précieusement enfermés dans un coffre. Après que Duncan ait confié une carte avec un emplacement imprécis du lieu, le petit groupe quitta Ostagar et s'engouffra dans les Terres Sauvages.

— C'est donc vous qu'on attend depuis tout ce temps ? , demanda Daveth à Reann après une bonne demi-heure alors qu'il marchait juste derrière elle le long d'un chemin escarpé.

— Il semblerait ? dit-elle sans savoir où le jeune homme voulait en venir.

— Et bien je ne m'attendais pas à ça. Enfin, à une femme. J'avais parié sur un autre elfe, avec notre Ser chevalier. Ou un nain.

Reann expira pour retenir la phrase désagréable qui se tenait au bord de ses lèvres. C'était la seconde fois en quelques heures qu'on lui faisait remarquer sa condition de femme et la surprise que suscitait sa présence parmi les Garde des Ombres. Elle voulu arrêter la discussion ici, mais Daveth, sur ses talons, et trop proche à son goût, enchaîna avec une nouvelle question.

— Et où Duncan vous a-t-il trouvé ? Vous avez du lui faire forte impression.

La jeune femme se mordit la langue avant de répondre. Duncan avait volontairement omis de mentionner son nom de famille lors des présentations. Même si elle voulait garder ses origines secrètes, elle ne souhaitait pas s'inventer un passé de toute pièce. Ce petit groupe allait devenir sa nouvelle « famille », et si elle voulait espérer tisser des liens de confiance, les mensonges devaient être évités.