À Silvéphile
Ils marchaient à présent dans une montagne irrégulière et chaotique. Aucune pierre du chemin — quand il y en avait un — ne semblait stable. Et comme la luminosité baissait, il leur fallut bientôt poser leurs tentes quelque part ; les Nowakan étaient nyctalopes, mais tout le monde avait besoin de sommeil.
Une fois à l'intérieur, Frank regarda Taròn. Il était pâle et gêné. Frank fut pris de compassion.
« Elle t'a pardonné, tu sais.
— Oui, mais c'est plus comme avant... »
Frank ouvrit la bouche. Taròn se livrait à lui. Taròn se mettait à parler comme un ado avec une peine de cœur. Et s'il était plus humain que lui ?
« Elle t'aime. Ça s'voit. Elle te repousse, mais dans sa tête, elle est dingue de toi. Raide dingue.
— Tu penses vraiment ?
— Ouais. »
Durant cinq minutes, ils restèrent sans parler.
Puis Frank dit :
« J'ai peur.
— De quoi ?
— Mes parents. Mon père, si c'était Caleb, ma mère, quelle horreur ça devait être ? Et elle m'a abandonné à la naissance... Et d'un autre côté, j'ai envie de la revoir.
— Chez nous, les Thuatta, personne ne connaît sa mère. Il paraît que nous sommes tous les enfants d'une déesse de la terre. Alors que nous sommes trois cents.
— Oulah, il devait y carrément y avoir des dodécuplés !
— Ne t'inquiète pas. Quoi qu'il arrive, tu n'es pas tes parents. Tu es Frank, et personne d'autre.
— Oui. J'aimerais bien la connaître, quand même... »
Encore un silence.
« Taròn ?
— Oui, Frank ?
— Tu entends ? »
Ils se levèrent tous les deux. Dehors, il faisait froid. Les Nowakan étaient tous aux aguets.
Un museau garni de crocs jaillit de l'obscurité.
Et tous les autres loups bondirent.
« FRANK ! hurla Taròn. Sers-toi de tes pouvoirs !
— Je...
— Dépêche-toi ! »
La magie sortit d'un coup et dévasta plusieurs rangs de loups. Il lança une nouvelle décharge d'énergie dans la direction opposée. Les loups fuyaient, mais se rassemblaient plus loin dans des angles moins accessibles. Frank en lâcha deux de plus avant de devoir en abattre un qui s'était glissé dans son dos.
Frank sentit un crépitement électrique dans ses cheveux : la magie était extraordinairement forte près de la Naelyan. Les choses ne s'arrangeaient pas pour autant : à présent les loups se dispersaient pour les attaquer individuellement. Combien il y en avait, encore ? Bon sang, vingt, au moins... Est-ce qu'il pouvait essayer ? Avec toute la thaumaturgie qu'il y avait dans l'air, ça pouvait marcher... Et de toute façon, au point où il en était...
Son esprit se fractionna, s'introduisit dans les leurs, leur infligea une sensation de peur monstrueuse. Les loups hurlèrent, cessèrent d'avoir des attaques cohérentes, s'enfuirent. Au bout d'une ou deux minutes, le dernier à résister s'écroula à terre, calciné.
Et puis ce fut tout.
*
Le lendemain, ils enterrèrent les quelques Nowakan morts au combat. Ils reprirent la route. Ils marchèrent. Ils marchèrent. Ils marchèrent. Tristes. Épuisés. À bouts de nerfs. Sur le qui-vive. Mais il ne se produisit rien de plus.
*
La Genette émerge de la brèche. Comme après un long réveil, d'un coup, elle parvient à faire plusieurs pensées cohérentes de suite, elle recouvre ses sens, sa volonté, ses émotions. Sa brèche s'agrandit, regroupe chaque compagnon, qui se réveille à son tour. N'intervenez pas, les prévient-elle télépathiquement, priant pour qu'aucun sorcier ne parvienne à l'entendre. Nous ne nous retournerons contre eux que lorsqu'ils nous auront emmenés jusqu'à la source. Elle tente de réveiller aussi Annie, mais elle est impossible à atteindre. Elle s'en doutait. Annie est trop précieuse à cause de son triskèle. Ils ont renforcé la puissance de la destruction de sa volonté.
Tyrioc, si tu nous vois, protège-nous.
Mais désormais, elle sait qu'il reste encore un espoir.
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Annie du Chassezac_La Première Magie
FantasyLA DERNIÈRE AVENTURE D'ANNIE. Taraudée par sa malédiction, mais aussi la disparition successive de nombre de ses proches, elle tente de fuir son destin dont l'idée seule la torture. L'Annie innocente, quoique encore un peu moqueuse, n'est plus là de...