Chapitre 28

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Monde de Silvaphile, 24h10


« Hé ! J'aperçois une lumière, là-bas ! »

Le cœur de Frank se mit à battre plus vite. Enfin, ils arrivaient. À quoi pouvait ressembler cet autre monde ? Comme le sien, ou différent dans du tout au tout ?

La lumière s'accrut et ils sortirent de sous un grand dolmen. Ils étaient dans une vaste clairière aux arbres démesurément grands. La nuit venait de tomber.

« La nuit sera courte, ce soir, dit Briggle. Mais ici, les jours comptent vingt minutes de plus. »

Regardant de tous côtés, ils virent un chemin et décidèrent de l'emprunter. Au bout d'un quart d'heure, ils arrivèrent dans une vallée couverte par la lande.

« Surtout, méfiez-vous ! déclara le leprechaun. Cette région m'a l'air remplie de houppoux et de sales lutins maléfiques et esprits de ce genre. »

Déjà des « Hou ! Hou ! » s'élevaient autour d'eux. Ils ressemblaient à des chouettes, mais à y regarder à deux fois, ils étaient nettement plus sifflants, plus hypocrites... plus humains.

« Pressez le pas, » conseilla Briggle.

Cette mise en garde fut inutile.

Bien vite, la vallée de landes disparut pour un terrain plus fangeux. Des chênes décharnés poussaient au-dessus de leurs têtes dans le clair de lune albâtre.

Frank reçut alors quelque chose dans la nuque.

C'était un gland. Il regarda autour de lui et perçut un mouvement : de petits nains imberbes, ridés comme des pommes rainettes et squelettiques les observaient en silence. Et qui semblaient en avoir marre de le faire.

« Des Oakmen ! » cria Briggle.

Très vite, le trio se trouva bombardé. Les Oakmen ne lançaient pas que des glands, mais aussi des pierres de plus en plus grosses. Soudain, l'un d'eux se raidit et poussa un hurlement. L'instant d'après, ils s'enfuirent en criant comme des singes.

Des fougères à côté de l'arbre jaillirent alors plusieurs silhouettes humaines. Elles avaient toutes le teint bronzé, et étaient vêtus d'habits courts sans manche. Néanmoins, sur ces habits de cuir, des formes vertes abstraites avaient été dessinées délicatement, faisant de leurs habits de véritables œuvres d'art.

La femme en tête de troupe avait des yeux violets, qui plus est qui brillaient comme s'ils étaient fluorescents. C'était un violet profond, agrémenté de toutes sortes de nuances, qui sondait les âmes et n'épargnait pas le moindre détail.

Elle prononça un mot, et l'instant d'après, ils étaient dans un campement. Ligotés.

« Vous resterez enfermés ici la nuit, leur dit-elle dans un français emprunt d'un étrange accent.. Nous viendrons vous interroger à l'aube pour savoir si vous êtes amis ou ennemis.
— En voilà des manières de recevoir, marmonna Briggle.

— Et n'essayez pas de vous évader, » ajouta-t-elle en tournant les talons.

Frank comprit à ce moment-là qu'il allait passer la pire nuit de sa vie.


*


Le lendemain, quand il se réveilla, il faisait plein jour. Un petit-déjeuner avait été préparé dans des bols de bois d'apparence rustique mais polis et vernis, aussi lisses que si on les avait trouvés dans un magasin. La jeune femme était en train de discuter avec Taròn. Frank eut un rire nerveux : il n'avait jamais vu le Thuatta aussi embarrassé devant la gent féminine.

Annie du Chassezac_La Première MagieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant