6h00. Julien se lève douloureusement, son corps endolori et courbaturé de sa journée de la veille. Il s'extirpe du lit lentement et enfile des vêtements au hasard, avant de balancer son sac intact de sa journée de cours de la veille sur son épaule. Il enfile ensuite son éternelle veste panda qu'il ne lâche jamais - cadeau de son père. Les manches sont un peu trop grandes, juste assez pour qu'on ne voit pas ses mains dépasser. La capuche est ornée de deux oreilles noires, rendant le tout plutôt mignon, selon lui. C'est un peu son objet porte-bonheur, il l'a tout le temps avec lui, surtout dans les moments importants. C'est l'un des seuls souvenirs qu'il lui reste de son père. C'est un peu con de s'y attacher à ce point, quand il y pense. Il vaudrait peut-être mieux l'oublier...
Il jette un coup d'œil à son réveil. Il a encore le temps de déjeuner, mais de toute façon il n'a pas faim. Il sort donc de la maison en faisant attention à ne pas claquer la porte. Sa mère dort encore, il ne faudrait pas la réveiller...
Il y a 30 min à pied de chez lui au lycée, et sa mère n'a jamais daigné lui payer un abonnement au bus, il doit donc s'y rendre en marchant. Il met donc ses écouteurs et lance sa musique, prenant le chemin du lycée en marchant au rythme de la chanson qui passe dans ses oreilles.
Lorsqu'il arrive, il a cette impression habituelle que tous les regards sont braqués sur lui. Simple illusion ? Peut-être...
Il est brusquement tiré de ses pensées par une main qui agrippe son sac et le tire en arrière, puis un poing qui atterrit dans son ventre. Il se plie en deux sous la douleur, tandis que l'auteur du coup lui lance :
« Alors Julien, la forme aujourd'hui ? »
Il le lâche et le pousse, de sorte qu'il tombe par terre, puis s'éloigne d'une démarche nonchalante.
Ça recommence... Il pensait pourtant en avoir fini avec eux. Il avait arrêté de se faire harceler. Ils avaient trouvé une nouvelle proie. Ils ont dû réussir à la faire craquer... Et ces gens-là n'aiment pas rester sur une défaite, alors ils vont sûrement pousser Julien à bout jusqu'à ce que lui aussi craque...
Il passe outre cet évènement pour se rendre en cours. Cours d'anglais, précisément. Autrement dit, environ la seule matière qui l'intéresse. Il s'assoit au fond de la classe, comme d'habitude, afin d'être seul et dérangé par personne. Il sort son cahier, un crayon, et tente de se concentrer sur le cours. Il essaye de comprendre le principe du present perfect, quand soudain un élève fait irruption dans la salle. Il dépose un billet de retard sur la table en s'excusant auprès de la prof, et se dirige vers de fond de la salle pour prendre la seule place qu'il reste dans la pièce, c'est à dire à côté de lui. Et merde, lui qui voulait être tranquille...
En le regardant s'approcher, il le reconnait soudainement : l'inconnu au skate. C'est donc de la qu'il le connaît.
« Salut », souffle t-il avant de s'écrouler sur sa chaise. Manifestement, il a couru. Il ne voulait sans doute pas arriver en retard.
Julien ne répond pas, mais met sa feuille au milieu pour qu'il puisse suivre avec lui.
« Merci... »
Toujours aucune réponse de la part de Julien, mais il esquisse un sourire timide, comme pour dire "de rien".
Il remarque que le fameux inconnu a son skate avec lui. C'est donc un adepte de ce mode de transport, puisqu'il semble venir avec au lycée. Jamais Julien ne pourrait faire ça. Il tomberait tous les deux mètres. Il serait tellement ridicule... Il l'est déjà assez comme ça. Pas besoin de ça.
Le reste du cours de déroule sans encombre, et lorsque la sonnerie retentit, chaque élève se dirige vers son prochain cours. Julien s'apprête à suivre le mouvement, mais au moment ou il passe la porte, la prof l'interpelle.
« Julien, tu peux venir deux minutes ?
- Oui madame ?
- Ton niveau en anglais m'inquiète sérieusement. Il va falloir te mettre au travail si tu veux remonter ta moyenne.
- je sais, madame... Excusez-moi.
- Je sais que tu essayes de faire des efforts, et je te faisais confiance jusque là, parce-que tu as toujours montré de l'intérêt dans ma matière, mais là, il va falloir vraiment te secouer... Je dis ça pour toi.
- D'accord...
- Allez file en cours, tu vas être en retard. »Elle lui adresse un sourire que Julien lui rend, et il se dépêche d'atteindre son prochain cours.
Merde.
L'anglais est une de ses matières préférées. C'est d'ailleurs sûrement la seule matière pour laquelle il a de la motivation. Peut-être parce que c'est la seule prof qui croit en lui. Il a quelques facilités, mais malheureusement cette année cela ne suffira manifestement pas : il aura intérêt à bosser un peu. Il va vraiment falloir qu'il se mette au travail s'il veut garder la tête hors de l'eau cette année. La première est vraiment dure, et il rame. C'est pour ça qu'il a redoublé. Mais si il ne se met pas au boulot, ça ne servira à rien... Et en plus, il n'a pas envie de faire des efforts. Il s'est démené pour trop de choses; sans résultats. Alors il va certainement reprendre ses vieilles habitudes, à savoir sécher et ne pas écouter en cours, puisque de toute façon qu'il soit assidu ou pas le résultat sera le même.
En même temps, sa mère ne l'aide pas vraiment. Elle lui fout la pression pour qu'il travaille, ce qui, au final, fait l'effet inverse et le démotive totalement. Elle le coule, et détruit le peu de confiance et d'estime de soi qu'il arrive à se faire, en lui répétant à longueur de journée qu'il n'est qu'une merde. On a bu mieux comme encouragements.
En ce début d'année, tout part déjà en vrille, et pas seulement en cours. Entre sa mère qui lui hurlera dessus quoi qu'il fasse, les amis qu'il n'a toujours pas, et sa moyenne qui est en chute libre, il ne sait même pas comment il fait pour encore survivre. C'est terrible, cette sensation de ne rien contrôler sur sa vie. Il est prisonnier. Il n'a plus le pouvoir. Tout dérive sans qu'il ne puisse rien retenir. Ce n'est pas la première fois qu'il a cette sensation, mais c'est une chose à laquelle on ne s'habitue pas... La vie est dure, c'est comme ça, et il le sait. C'est une fatalité chez lui, tout tourne toujours mal. Malheureusement, il sait aussi qu'un jour il finira par craquer. Toute cette merde lui pèse sur les épaules depuis bien trop longtemps. Un jour ou l'autre, il s'en libèrera définitivement. La seule chose qui le retient aujourd'hui est sa faiblesse. Parce que, oui, il est lâche. Il n'aura jamais le courage de faire le pas pour tomber. Pour basculer dans l'autre monde et avoir une opportunité de recommencer à zéro. C'est un éternel faible. Encore une chose qu'il ne contrôle pas...

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Seul, perdu et anxieux
Teen Fiction/// ALLEZ LIRE LE GRONDEMENT DU TONNERRE, c'est la NOUVELLE VERSION de cette histoire :)) /// Derrière les plus solides armures se cachent les cœurs les plus tendres. Un adolescent rempli de timidité, peur, incertitudes, insécurité, confusion, méfia...