Seul, perdu et anxieux

~7~

Julien marche seul dans le couloir interminable du lycée. Il a enfin fini sa journée de cours et s'apprête à sortir quand soudain, il entend une voix l'appeler au loin. Il s'arrête brusquement. Les battements de son cœur s'accélèrent, et, limite tremblant, il se retourne lentement. Mais il lâche un soupir de soulagement quand il s'aperçoit que ce n'est qu'Alexandre. Ce dernier s'approche et lui demande :

« Eh, je t'ai fait peur ?
- Quoi ? Nan nan t'inquiète, répond Julien.
- T'es tout pâle... ça va ?
- Ouais, juste un peu fatigué... Et j'ai faim, ment-il.
- Ah, j'allais te demander pour l'escalade... mais si tu veux rentrer chez toi vas-y, c'est pas grave, on fera ça une autre-
- Nan nan nan c'est bon ! S'exclame-t-il un peu trop fort. Je veux dire... c'est bon, pas de souci !
- C'est vrai ? Super merci ! Et pour ta faim... Je peux peut être arranger ça, dit-il en secouant le paquet d'oréos qu'il tient dans la main.
- Comment t'as su ? Dit Julien d'un ton méfiant.
- Su quoi ?
- Que c'est mes biscuits préférés.
- Haha, je sais tout, répond Alexandre. »
Voyant que Julien ne rigole pas, il ajoute :
« Nan, je déconne, en vrai j'en savais rien du tout. Bon, on y va ?
- Ouais... Attend, comment tu comptes rentrer dans le gymnase ?
- J'ai des contacts, répond-il avec un clin d'œil.
- Tu comptes commettre une infraction ?
- T'inquiète, je prévois d'enfreindre aucune règle. »

Alexandre sourit mais Julien a du mal à être en confiance. Il faut dire qu'il ne l'accorde plus aussi facilement. Il n'est plus aussi naïf qu'avant.

Ah la confiance. Julien a une longue histoire avec elle. La sienne a déjà été trahie plus d'une fois. De nombreuses fois, même. Et chaque jour, il protège un peu plus ce précieux trésor, pour que personne n'y touche plus jamais. Il s'est fait beaucoup trop de fois poignarder dans le dos parce qu'il a ouvert la porte de son coeur un peu trop vite. Il a souffert. Il a failli ne pas se relever. Il appris d'eux. De ces traîtres. Il a appris que la confiance ne se donne pas à n'importe qui. Et depuis sa dernière trahison l'année dernière, il ne l'a plus jamais redonné.

« Eh ho, Julien ? »

Il secoue la tête pour chasser toute ces pensées négatives et se concentre à nouveau sur son ami.

« Pardon. Quoi ?
- Je te jure, tu fais peur des fois, dit Alexandre en rigolant. Je disais, tu veux un Oréo ?
- Ah, euh, ouais, je veux bien, merci.
- Bon. »

Alexandre sort un objet de sa poche. Julien comprend que c'est une clé lorsqu'il ouvre en grand la porte du gymnase.

« Oh, okay...
- Après vous, souffle Alexandre.
- D'accord...»

Julien pénètre alors dans la pièce, suivi d'Alexandre, qui referme à clé derrière eux.
Julien demande alors :

« Comment t'as eu cette clé ? ...Nan, en fait, me dit pas, je suis pas sûr de vouloir savoir...
- Comme tu voudras. »

Il est impressionné. Il n'a jamais vu ce lieu vide, ce mur d'escalade immense sans personne dessus. Il est devant lui, dans toute sa grandeur, rien que pour lui. Il doit être un peu trop en admiration, car Alexandre le ramène à la réalité :

« C'est beau hein ? Bon je vais chercher les équipements. »

Julien le regarde partir, puis revenir avec deux baudriers.
Mais une idée lui traverse l'esprit.

« Attends, pas besoins de ça.
- Euh... je remet pas en cause tes talents de sportif hors norme mais, t'es sur ?
- Ouais, si je veux pouvoir t'aider on va pas monter très haut. On va juste installer les tapis en dessous...
- Ok, c'est toi le chef ! »

Cette remarque fait rougir Julien. Pourquoi il rougit, bordel ? C'est dans ces moments là qu'il déteste son corps. Il a des réactions qu'il ne maîtrise pas, et qu'il ne comprend même pas, d'ailleurs.

Ils installent ensemble les tapis, et Julien donne quelques conseils à Alexandre sur la manière dont il doit attraper les prises. Alexandre est quelque peu surpris de la confiance de Julien : il ne bégaye pas, sait exactement ce qu'il dit, et semble parfaitement sûr de lui. Ils échangent encore quelques paroles, avant qu'Alexandre ne commence à grimper. Julien observe attentivement ses gestes, et essaye de le corriger. Alexandre ne l'a jamais vu comme ça.

« Faudrait que tu attrapes des prises un peu plus loin, sinon tes mains se retrouvent trop près de tes jambes et ça te gêne.
- Ok... »

Alexandre glisse et retombe sur le tapis. Julien lui tend la main pour l'aider à se relever :

« Ça va ?
- Ouais, J'ai glissé...
- J'ai vu. Mais bon, t'y arrives déjà un peu mieux, non ?
- Ouais. Merci.
- De rien...
- C'est super sympa de ta part d'accepter de m'aider.
- pas de souci... Et, euh, tu voudrais... Remettre ça ?
- Ouais, ca marche ! On se tient au courant pour le jour ?
- Euh...
- Ouais, passe ton tel, je t'te donne mon num. »

Julien regarde Alexandre faire. Et ce qu'il ressent à ce moment, c'est de la fierté. Ça faisait un moment qu'il n'avait pas ressenti ça. Il est fier. Fier d'avoir un ami, fier de l'aider, fier de lui. Alexandre lui rend son téléphone, ils rangent les tapis, referment la salle et s'en vont, chacun retournant chez lui.