~25~

101 11 0
                                    

Julien rentre chez lui à contre cœur. Il se sentait tellement bien, là-bas, avec Alexandre. Ils étaient juste eux deux, devant ce ciel infini rempli d'étoiles. Plus rien d'autre n'existait autour d'eux. Pas d'éléments perturbateurs, pas de cris ou de coups, juste le calme et la sérénité. Ils étaient comme dans un monde parallèle. Il s'est rarement déjà senti aussi bien...

Malheureusement, le moment est venu de revenir à la réalité. Et le retour est plutôt brutal, puisqu'à peine a-t-il ouvert la porte d'entrée de chez lui, que sa mère lui tombe déjà dessus avec des reproches.

« T'étais passé où encore ? D'où est-ce que tu te crois permis de rentrer si tard ? La prochaine fois je ferme la porte à clé, comme ça tu tu dormiras dehors. Oh, tu m'écoutes ?

- Non. »

Julien reçoit une gifle en réponse à son arrogance, ou plutôt à son honnêteté. Mais il encaisse sans rien dire et part simplement dans sa chambre, sans montrer une quelconque émotion sur son visage. Il ne sait pas ce qui lui donne la force de ne pas pleurer ou crier, mais il ne le fait pas. Il ferme la porte et soupire un grand coup. Il fait quelques pas en avant puis il se laisse tomber sur son lit, et ferme les yeux. Il reste sans bouger pendant quelques instants, prenant plusieurs longues inspirations.

Puis une notification se fait entendre sur son ordinateur. Alors il se lève pour aller s'installer devant son écran, et voit que la notification vient de son jeu. Il l'ouvre donc et se connecte au chat afin de pouvoir lire le message :

------------------ 

[ Game chat ]

- gallium.yttrium –

Hello le people

- unknown.spaceboy –

On est pas ton peuple

- gallium.yttrium –

OOOOh Julien !

- unknown.spaceboy –

C'est moi.

- gallium.yttrium –

Comment vas-tu dis moi ? Tu nous parles plus bcp depuis la rentrée

- unknown.spaceboy –

Bah ca va écoute, je sais désolé pas le time !!

- gallium.yttrium –

Ah, tu t'es fait des potes ?

- unknown.spaceboy –

Un pote. Un très bon pote.

- gallium.yttrium –

T'as confiance en lui ?

- unknown.spaceboy –

Ouais.

- gallium.yttrium –

Ca doit vraiment être un bon pote alors.

- unknown.spaceboy –

Oui

- gallium.yttrium –

Prends-en soin alors, et fais gaffe à toi hein.

- player666 –

Un pote hein ? Juste un pote ?

- unknown.spaceboy –

Salut Eli. Oui, juste un pote

- player666 –

T'es sur ? T'es pas en train de rougir comme un con parce qu'on parle de lui ? C'est quoi son nom ???

- unknown.spaceboy –

Haha, très drôle. T'emballe pas, je suis sûr. Et il s'appelle Alexandre.

- gallium.yttrium –

Arrête de le faire chier Eli XD toi et tes théories à la con...

- player666 –

C'est plus fort que moi. Je suis un shippeur. J'ai besoin de shipper.

- gallium.yttrium –

Ptdrrr on a pas tous pensé à Dora là ?

- unknown.spaceboy –

Si xDD

- player666 –

Oh chut c'est bon xD

- gallium.yttrium –

Ouais ouais c'est ça. Bon on fait une game ?

- unknown.spaceboy –

Yup.

- player666 –

Go

------------------

Ils commencent donc à jouer ensemble, tout en continuant à discuter. 

Ces gens sont les premiers à qui il a fait son coming out, quand il a su qu'il était gay. Ce sont en fait les seuls à le savoir, enfin, c'était, avant Alexandre, quoi. C'est les seules personnes avec qui il a osé être lui-même, là encore, avant qu'Alexandre n'arrive... La barrière du virtuel lui donne cette liberté que ne donne pas la vie réelle : l'anonymat. Ces amis ne le connaissent pas et ne l'ont jamais vu dans la vraie vie, ils ne savent pas à quoi il ressemble. Même s'ils se croisent, impossible pour eux de le reconnaître. Il peut donc être parfaitement transparent quant à lui-même, il ne risque rien. C'est les seules personnes à qui il a accordé un tant soit peu confiance pendant longtemps. Et il se rend compte d'une chose : aujourd'hui Alexandre lui permet d'être lui-même, mais dans la vraie vie. Voilà pourquoi il apprécie tant sa présence. Quand il est avec lui, il peut être qui il est vraiment, et s'assumer sans avoir peur du jugement, ou presque. Dans la vraie vie. En face de quelqu'un de réel. Ça l'impressionne un peu, mais il en est presque fier. Non, en fait, il en est carrément fier. Il est fier d'enfin arriver à assumer sa personnalité, même si c'est devant une seule personne pour l'instant. Peut-être que la prof d'anglais a raison, et qu'il est capable de faire des choses bien. Pour y arriver, il a peut-être tout simplement besoin d'être lui-même et de se faire un peu plus confiance. Mais c'est un défi de taille pour lui...

Il réalise soudain l'ampleur de ce que lui a apporté Alexandre. S'il s'améliore un peu à ce sujet ces derniers temps, c'est grâce à lui. La seule personne sur cette foutue boule bleue qui a daigné lui accorder un peu d'attention, qui a écouté ses problèmes et qui a su quoi dire, qui lui a permis de se sentir en confiance. Il se sent bête, de ne réaliser cela que maintenant. Et, dans un élan de gratitude, de culpabilité ou de il ne sait pas exactement quoi, il attrape son téléphone sur le bord de son bureau, le déverrouille et commence à taper un message. Il n'hésite même pas une seule seconde sur les mots, il n'efface rien pour reformuler, il écrit juste de manière spontanée comme ça lui vient, avant d'appuyer sur « envoyer ». Sans réfléchir.

[ Julien >Alexandre ] 

Salut. Il est peut-être 1h du matin et je sais pas si tu dors ou pas -en tout cas, j'espère que ce message te réveillera pas- mais j'ai tous mes esprits, je suis absolument pas fatigué et parfaitement sobre. J'ai juste un peu réfléchi à combien j'avais changé et évolué depuis la rentrée, que j'allais un peu mieux et que je devenais un peu moins faible, solitaire et renfermé et puis en fait j'ai réalisé un turc : tout ça c'est grâce à toi. T'as bien voulu me prêter un tout petit peu d'attention, t'as accepté de m'écouter me lamenter sur ma vie de merde, t'as pas refusé de passer du temps avec moi. Et grâce à tout ça au moins maintenant je me sens un peu moins nul qu'avant. Même si je me trouve toujours con. Et moche. Et chiant. Mais bref. Merci. En espérant que ce soit pas trop niais ou je sais pas quoi.
Dors bien Alex.

Seul, perdu et anxieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant