Seul, perdu et anxieux

~8~

Quand Julien arrive au skate park ce soir, il n'est pas surpris d'y trouver Alexandre. Ce qui le surprend par contre, c'est quand ce dernier s'approche et lui lance :

« Salut toi !
- Hey, répond Julien.
- Toujours pas de skate ?
- Nan, et je sais toujours pas en faire.
- Je viens d'avoir une idée, dit Alexandre avec un sourire en coin. Tu vois, comme... tu m'aides, en escalade... Je pourrais t'apprendre à faire du skate ?
- Quoi ? Nan nan nan nan, s'exclame Julien presque paniqué, ce qui fait rire Alexandre. C'est mort.
- Bah pourquoi ? Demande Alexandre, toujours en riant.
- Mais je vais être ridicule ! Répond-il en mettant son visage dans ses mains.
- J'étais bien ridicule moi sur ce mur d'escalade.
- Non, c'est pas pareil, toi t'es jamais ridicule, lâche Julien sans même s'en rendre compte. »

Alexandre sourit, sincèrement touché par ce début de compliment. Il passe bien 5 minutes à convaincre Julien d'au moins essayer, quand enfin il cède.

« Bon d'accord, d'accord. Mais promet-moi un truc...
- Quoi ?
- Tu te moqueras pas de moi ? Demande timidement Julien en baissant les yeux.
- Quoi ? Évidemment que non !
- Ok, mais j'ai toujours pas de skate...
- Je te prête le mien ! T'inquiète t'y échapperas pas hein. »

Alexandre donne un coup au skate qu'il maintenait du pied jusque là et Julien le rattrape.

« Ok, monte dessus. »

Julien s'exécute, mais c'est évident qu'il n'est pas rassuré. Il pose un pied  après l'autre sur la planche, essayant de se stabiliser du mieux qu'il peut. Une fois qu'il est stable, Alexandre ajoute :

«  Super, maintenant pousse avec ton pied pour avancer. Si tu vas doucement c'est tranquille. »

Il donne quelques petits coups de pied sur le sol et avance doucement. Jusque là, il s'en sort bien. Mais c'est de la suite dont il a peur. Il se donne un peu de vitesse, et repose son pied sur la planche, se laissant aller le long du park. Alexandre le rattrape en disant :

« Bah tu t'en sors pas si mal !
- Mais j'ai rien fait du tout la... »

Ça y'est, le Julien avec zéro confiance en soi est de retour. Alexandre le rassure en lui disant :

« Bah c'est déjà pas mal, tu sais. Si t'arrives pas à faire ça, tu peux rien faire d'autre. C'est la base.
- Pas faux. Merci en tout cas... Je veux dire, t'es pas obligé de faire tout ça...
- Tu rigoles ? J'ai rien fait du tout là ! répond Alexandre sur le même ton que Julien. »

Sur cette phrase, Alexandre récupère son skate avec le bout de son pied, et s'élance sur la rampe située derrière eux. Il prend de l'élan, atteint le haut de la rampe, fait un saut, et retombe les deux pieds sur le skate, parfaitement stabilisé. Il retourne près de Julien, manifestement ébahi par sa petite démonstration à en croire sa tête, et souffle :

« Quand tu sauras faire ça, tu pourras me remercier.
- On a du boulot alors, répond Julien en souriant.
- Je confirme. Mais là, la nuit tombe. Je ferais mieux d'y aller, si je veux pas avoir de problèmes chez moi... »

Il finit sa phrase en prenant un air plus sombre. Il salue Julien, et s'éloigne d'un pas rapide.

Julien le remarque, mais ne dit rien. Il ne connaît que trop bien ce visage : il adopte exactement le même lorsqu'il est temps de rentrer chez lui.

En parlant de ça, lui aussi devrait se mettre en route. Il commence à marcher en direction de chez lui, lentement pour profiter de la tombée de la nuit. C'est son moment préféré de la journée. Tout devient sombre. Beaucoup trouvent ça effrayant, lui, ça l'apaise. Il se sent bien, seul, dans sa bulle, l'air frais lui caressant le visage.

Il arrive chez lui beaucoup trop rapidement à son goût. Il rentre, sa mère ne semble pas être là - Ô miracle - alors il file dans sa chambre. Il balance son sac sous son bureau, posé son téléphone sur la table de chevet, et s'effondre dans son lit. La tête enfoncée dans son oreiller, il attrape son téléphone du bout de ses doigts. Il se retourne afin d'être sur le dos, et commence à pianoter quelque-chose. Puis il s'arrête pour fixer son écran.

Il reste ainsi pendant de longues minutes. Son pouce au dessus du bouton "envoyer", il hésite. Il a passé un bon moment avec Alexandre, et il ne veut pas paraître lourd. En plus, Alexandre n'a peut être pas envie de lui parler maintenant, il est peut être occupé, il ne veut pas paraître intrusif...

Soudain, la porte de sa chambre s'ouvre en grand, le faisant sursauter, et par la même occasion envoyer son message.

[ Julien>Alexandre ]
Tu vas bien ? Ça avait pas l'air d'être la joie quand t'es parti taleur.

Sa mère lui lance sur un ton agressif :

« T'as rien d'autre à foutre que d'être sur ton téléphone toi ? T'as vu ta dernière note ?
- Ou-
T'es vraiment une merde... Tu fais aucun effort.
- Je-
- Qu'es-ce que j'ai fait pour mériter un fils comme ça ? T'es bien comme ton père hein, à t'en foutre de tout.
- Ne. Me. Compare. Jamais. A. Papa. »

Il dit ça d'un ton cinglant, et lance un regard noir à sa mère, qui se montre persuasif, puisqu'elle repart, ne manquant pas de claquer la porte derrière elle. Julien lâche un soupir, et laisse retomber sa tête sur son oreiller. Il commence à en avoir marre des remarques perpétuelles de sa mère. "T'as vu tes notes ?" "Je mérite pas ça..." "T'es bien le fils de ton père !" "Comment tu veux trouver quelqu'un qui t'aime en étant comme ça ?" "T'es qu'un con." Ses yeux se ferment, le plongeant dans un noir total, et se met a imaginer un ciel sans nuages. Toutes les constellations parfaitement visibles, et l'étoile du Berger, brillante parmi les autres, la plus lumineuse de toutes. Le vent frais qui circule dans l'air, la pleine Lune qui inonde le lieu de sa lumière.

Son téléphone vibre, le sortant de ses pensées. Il s'apprête à maudire l'auteur du message, sûrement un ami virtuel voulant faire une partie, quand il s'aperçoit que c'est en fait Alexandre qui lui répond. Il se redresse alors pour lire le message.

[ Alexandre>Julien ]

Yo, je vais bien pas de souci

[ Julien>Alexandre ]

Ok, si ya qui que ce soit tu peux m'en parler stv

[ Alexandre>Julien ]

Tkt j'ai mes problèmes, j'imagine que t'as les tiens aussi, je veux pas t'emmerder avec tout ça c'est pas très important de tte façon
Aller jte laisse Juju, cours à 8h demain :)

Cours d'anglais. Oui, ça, il ne l'a pas oublié. Mais "Juju" ? C'est bien la première fois qu'on lui donne ce surnom...

Il s'endort sur cette pensée, emporté par des rêves sur un skate à la lueur des étoiles avec un garçon aux cheveux bruns...