~5~

210 23 0
                                        

Sur le trajet pour se rendre au lycée ce matin, Julien ne pense qu'à une chose : le rêve qu'il a fait cette nuit. Il le tourne et retourne dans sa tête, ne parvenant pas à penser à autre chose. Il était tellement réel que ça l'obsède. En fait, c'était plus un souvenir qu'un rêve...

Il ne veut pas retourner au lycée. Parce qu'il a peur. Cette peur, qu'il avait presque oublié avec les grandes vacances, revient au grand galop maintenant. Il la connaît bien. Elle est paralysante, au point que parfois elle l'empêche de respirer. Mais il ne veut pas se l'avouer. Non, il a trop honte, parce qu'un gars de 16 ans ne doit pas avoir peur. La peur est un sentiment de faiblesse, il n'a pas le droit de la ressentir. Le problème, c'est que la peur, elle s'en fout de tout ça. Et qu'il le veuille ou non, elle est bien réelle. Tellement réelle qu'elle lui tord le ventre. Il en aurait presque envie de vomir.

Lorsqu'il aperçoit la grille d'entrée du lycée, son cœur se met à battre violemment dans sa poitrine. Si fort qu'il a l'impression que tout le monde peut l'entendre, ce qui ne fait qu'augmenter son stress. Il pénètre dans l'enceinte du bâtiment avant d'adopter un pas rapide pour arriver le plus vite possible devant sa salle. Chaque personne autour de lui semble prête à l'agresser. Chaque élève qui fait un mouvement lui donne l'impression de vouloir le frapper. Tout le monde autour est comme rempli de haine contre lui. Même le professeur, lorsqu'il rentre dans sa salle de cours, semble le regarder de travers. Son cerveau déconne complètement. Il a envie d'exploser, là, tout de suite. De déverser tout la rage, toute la panique, toute l'émotion qu'il a au fond de lui. Il en a marre d'être comme ça. Il voudrait juste être un adolescent normal, qui retrouve ses potes le matin dans la cour de récré, qui fait des soirées et qui a une vie heureuse et tranquille. Mais au lieu de ça, il vit dans un appart miteux, avec sa mère qui ne l'aime même pas, il n'a aucun ami, et est sur le point de faire une crise de panique rien qu'à l'entente du mot "lycée". Il en veut au monde entier, à cet instant précis. Il en veut aux élèves d'être si fermés d'esprit, il en veut à leurs parents de les avoir éduqués ainsi, il en veut aux professeurs de ne pas réagir, à sa mère d'être si méchante, à la société d'être aussi merdique. 

Sa mâchoire et ses poings se resserrent, et il est à deux doigts de faire demi-tour pour sécher cette journée de cours, mais maintenant qu'il est dans la salle, il ne peut pas retourner en arrière. Alors il part simplement s'installer à sa place, comme toujours au fond de la salle.

N'écoutant que d'une oreille les formules de physique, Julien se perd rapidement dans ses pensées. Il repense à toutes ces fois où on l'a mis à terre, toutes ces fois où on l'a insulté, dénigré et au final il se dit que c'est peut être de sa faute. Après tout, tout le monde lui en veut. Peut être que ça ne vient pas des autres, mais de lui. Ce n'est pas la première fois qu'il en vient à ces conclusions, mais la même question se forme à chaque fois : que fait-il de si mal ? Tout le monde lui en veut, mais personne ne lui dit pourquoi.

Il est perdu dans ses méditations quand il sent un coup de coude, venant de sa voisine de classe, se planter dans ses côtes.

« Eh ho, la prof te regarde, tu ferais bien de te mettre à bosser... »

Il lève les yeux vers la prof, qui est en effet en train de le fixer d'un regard insistant. Il sort donc un crayon de sa trousse et fais semblant d'écrire sur une feuille au hasard. Quand il voit qu'elle s'approche, visiblement peu convaincue par son manège, il se dépêche de recopier ne numéro de l'exercice sur la feuille de sa voisine et de jeter un œil au livre ouvert sur la table. Cette fois-ci, elle a l'air d'y croire, puisqu'elle part se rasseoir en silence à son bureau.
Il a intérêt à faire attention. Il ne lui manque plus qu'une observation pour avoir 3h de colle. Et s'il est encore collé, sa mère l'engueulera forcément, mais ce n'est pas le plus grave. Elle l'interdira sûrement de sortie pour plusieurs semaines, et ça, ce serait dramatique. Déjà que rentrer chez lui chaque soir est un supplice, si en plus il ne peut plus faire de détour par le skate park pour avoir un peu de paix, il ne tiendra pas une semaine sans exploser.

Seul, perdu et anxieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant