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Julien a laissé Alexandre s'en aller, et il n'a même pas essayé de le rattraper. Mais quel con. Il va vraiment réussir à perdre son seul ami... En même temps, il n'allait pas non plus lui raconter sa vie, sinon il aurait très certainement fui en courant et ne lui aurait plus jamais adressé la parole...

Il passe donc le reste de sa journée sans le recroiser, retrouvant son habituelle solitude. C'est un peu une routine pour lui de toute façon, mais cela faisait quelques jours que grâce à Alexandre, il n'était plus si seul.

Lorsque sa journée touche enfin à sa fin, à 16 heures, une idée lui vient pour rattraper son erreur de ce matin, et peut être essayer de se faire pardonner de sa réaction. Une fois sorti de son dernier cours, il prend son téléphone, et envoie un message à Alexandre :

[ Julien > Alexandre ]
J'ai fini les cours, et j'ai rien à faire ce soir de toute façon, alors je serai devant la porte du gymnase. Rejoins-moi si jamais t'as envie...

Une fois le message envoyé, il se met en route vers le gymnase. Lorsqu'il y arrive, il dépose son sac au sol, avant de s'asseoir par terre dans le couloir désert. Il branche ses écouteurs et met en marche sa musique, avant de rabattre sa capuche sur sa tête, doutant de toute façon très fortement qu'Alexandre ne se montre. De toute façon, lui n'à rien à perdre. L'idée de rentrer chez lui n'étant même pas envisageable, c'est ça ou le skate park, et il fait bien trop froid pour rester plus d'une heure dehors. Alors il se pose, et attend.

Au bout d'un certain temps, il ferme les yeux, entraîné par sa musique. Il est transporté dans un autre monde, rythmé par le tempo de la musique. Il voyage loin, très loin, si bien qu'il sursaute lorsque quelqu'un vient lui taper sur l'épaule. Il se décale d'un bon pour s'écarter de l'intrus, ce qui fait rigoler son interlocuteur. Julien relève alors les yeux, et dans un soupir de soulagement, il murmure :

« Ah, Alexandre, C'est toi...
- Ouais, J'ai reçu ton message, répond Alexandre, mort de rire. »

Puis il sort des clés de sa poche et ouvre la porte du gymnase, avant de lancer, toujours hilare :

« Après vous, très cher. »

Voyant que ce dernier ne répond pas, il ajoute :

« Bah allez, entre !
- Pas tant que t'as pas arrêté de te foutre de moi, répond Julien en boudant.
- D'accord, d'accord. Répond Alexandre, en réprimant un nouveau rire. J'arrête. Désolé, mais ta réaction était vraiment trop drôle.
- Oui bon bah ça va hein, marmonne Julien en esquissant tout de même un léger sourire. »

Ils entrent tous les deux dans la grande salle, et Alexandre referme derrière eux. Comme la dernière fois, ils installent le matériel dont ils ont besoin, et sans plus attendre, Julien agrippe les première prises et commence à monter. Une fois à une hauteur suffisante, à savoir la hauteur maximale à laquelle il peut monter sans être assuré, il lance à Alexandre, qui est toujours en bas en train de l'observer :

« Qu'est-ce que t'attends ? Tu me rejoins ?
- Haha, je parie que je suis là-haut en 30 secondes.
- C'est ce qu'on va voir... »

Sur cette phrase, Alexandre commence à grimper, tandis que Julien compte les secondes. Et finalement, deux minutes plus tard, II arrive au niveau de Julien.

« Alors ? 30 secondes, hein ? Lance Julien.
- Oui bon bah c'est bon... »

Voyant Julien rigoler, il ajoute :

« Arrête sinon je recommence à me moquer de ton bond de trois mètres.
- Ouais, C'est ça. Concentre-toi plutôt sur le placement de tes pieds, ça t'évitera de glisser.
- Oui monsieur le prof. »

Ils rient tous les deux avant de redescendre et de chacun se laisser tomber sur le tapis. Ils restent en silence plusieurs minutes, avant au'Alexandre ne le brise en disant :

« Tu sais, j'en rigole, mais c'est pas la première fois que t'es à deux doigts de partir en courant parce que je te surprends. »

Là, Julien comprend. Il comprend qu'Alexandre n'est pas bête, et qu'il a vu que ses réactions n'étaient pas anodines. Et cette fois-ci, il ne peut pas fuir la discussion, puisqu'il est enfermé ici avec lui. Il est donc obligé de parler...

« Bah tu m'as fait peur, c'est tout.
- Non, sérieusement. »

Alexandre se tourne vers lui et continue :

« Il y a quelque-chose qui te fait peur. Mais quoi ? Qu'est-ce qui te fait peur ?
- Quoi ? Mais non, rien, j'ai peur de rien, qu'es-ce que tu racontes ?
- T'as le droit d'avoir, peur tu sais ? Et puis comme je te l'ai déjà dit, c'est pas moi qui vais te juger... On a tous peur d'un truc, je veux dire, je connais personne sur cette planète qui n'a même pas peur, genre, du noir ou des araignées.
- Toi, T'as peur de rien. La preuve, on est dans le gymnase du lycée, qui est interdit à l'accès des élèves en dehors des cours. T'es un bad boy, dit Julien en gloussant.
- C'est pas parce que je me donne des airs de bad boy que j'ai peur de rien. Je suis une mauviette en vrai, dit-il en gloussant à son tour.
- Peut-être... Mais j'y crois pas. Je suis sur que t'es le genre de personne qui garde le sang froid dans toutes les situations.
- Peut-être. Mais ça nous dit toujours pas de quoi t'as peur. »

Julien inspire un grand coup. Il faut qu'il lui dise. Il lui fait assez confiance pour ça.

« Bon, c'est un peu compliqué...
-J'ai tout mon temps, et il me semble que toi aussi d'ailleurs... Alors je t'écoute.
- Bon. En fait, j'étais pas dans ce lycée là l'année dernière. C'est pour ça que tu me connaissais pas, commence-t-il. »

Alexandre hoche la tête, alors il continue :

« J'étais dans le lycée à côté de chez moi. Un lycée de banlieue, avec pas mal de racailles, et beaucoup de mauvaises fréquentations, tu vois. Et le truc c'est que moi, je suis pas une racaille, et j'ai pas de force, pas de muscles et je sais pas me défendre. Alors rapidement, je me suis fait marcher dessus. Au début, c'était des remarques dans le couloir, je laissais faire, même si ça m'atteignait quand même. Et après, ça s'est aggravé... »

Alexandre retient sa respiration, concentré sur le récit de Julien.

« Ils... Ont commencé à me bousculer dans les couloirs. Mais je voulais pas faire d'histoires, parce que je savais que ça serait encore pire, alors je disais rien. Je laissais passer, dans l'espoir qu'ils se lassent. Mais de fil en aiguille, ça a été de pire en pire... Ils m'attendaient à la fin de mes cours pour... me tabasser. Et si j'avais le malheur de me retrouver seul dans un couloir... je ressortais rarement sans une égratignure. Tout ça, ça a créé une sorte de traumatisme chez moi... c'est pour ça que je réagis comme ça... »

Seul, perdu et anxieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant