Juillet 1937 - Asche unter dem Teppich

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— Des cendres sous le tapis —

Avec : Hermann Teller et ses coups calculés — Une bagarre — et les loups de Bavière


— Ton tour, Lou, lui fit remarquer Lotte en secouant sa main devant son visage.

    Louis, perdu, jeta un coup d'oeil à son jeu de cartes puis regarda par-dessus son épaule pour observer son père, assis à son bureau un peu plus loin derrière. Il tapait rapidement sur sa machine à écrire, exécutant automatiquement des retours en arrière à intervalles réguliers, à mesure que la feuille sortait. Son cœur rata un battement dès qu'il croisa son regard pendant une fraction de seconde, puis il recentra son attention sur le jeu. Il se sentait malade et était certain qu'il finirait par vomir là. Lotte s'impatientait et se plaignit qu'il prenait trop de temps pour jouer. Frieda posa une main sur son épaule.

— C'est ton tour, mon chéri.

— Je sais, rétorqua-t-il sèchement.

    Frieda retira sa main et haussa les sourcils, surprise. Elle décida de l'ignorer et de continuer à lire son livre en se balançant sur son fauteuil, une main posée contre son ventre rond. Louis posa ses cartes par terre. Lotte se mit à rire.

— Je les vois toutes, Dummkopf !

    Louis n'en tint absolument pas compte et réussit à établir le plus long contact visuel avec Harry jusqu'à présent. Celui-ci détourna rapidement les yeux et reprit son poste d'assistant-coiffeur d'Elsa et ses poupées.
    Ils ne s'étaient plus adressé la parole depuis le matin, lorsque le père de Louis les avait surpris. Ils avaient décidé de jouer la carte de sécurité toute la journée et de ne plus s'approcher ni se parler. La nuit tombée et le quasi-silence dans la maison ne rendaient les choses que plus tendues et il y avait un malaise évident entre eux. Harry craqua en premier et marmonna qu'il allait se coucher. Louis fit un mouvement pour se lever mais repensa à son père et décida de demeurer assis et de finir sa partie avec sa petite sœur.

— Elsa, Lotte, allez dormir, ordonna Herr Teller, sans jamais lever les yeux des touches du clavier.

    La plus jeune commença à ranger ses poupées sans faire d'histoire mais Frieda n'était pas de cet avis:

— Hermann ? s'indigna-t-elle. Enfin, laisse-les jouer, il n'est que...

— Qu'elles aillent au lit.

— Alles gut, Mutti, murmura Lotte en rangeant tout. J'aiderai Elsa à se préparer et puis on ira au lit.

— ... Comme vous voulez, les filles.

— J'y vais aussi, annonça Louis, en pointant la chambre avec son pouce.

    Son père s'y opposa presque instantanément.

Non, toi, tu restes là.

    Ce fut à cet instant précis que Louis commença à sérieusement craindre pour sa vie.

***

    La nuit ne fut qu'un épais brouillard, froid et désagréable. Ce n'était qu'un petit baiser, ce n'était rien de grave. Du moins, c'était ce que Harry avait tenté de se dire pour dédramatiser.
Ce joli mensonge s'estompa assez vite lorsqu'il entendit des voix étouffées au loin. Une dispute. Il reconnut la grosse voix de Herr Teller — qu'il n'entendait jamais d'habitude, et celle plus faible de Louis, qui craquait quelque fois, alors qu'il s'acharnait à protester pour se défendre.

    Louis ne rentra dans la chambre qu'une demi-heure plus tard, après que les éclats de voix ont cédé leur place à un silence assourdissant dans toute la maison. Le bruit de la porte qui claque perça la nuit. Harry ne le voyait pas, mais savait qu'il était là et qu'il gravissait les échelons pour atteindre le lit supérieur. Il entendait son souffle irrégulier et sa respiration entrecoupée de sanglots qu'il tâchait de garder silencieux.

— Lou ? tenta Harry, après un moment.

— Oh, toi, ça va, grogna-t-il. Dors.

— Mais...

— Dors, j'te dis.

    Étrangement, Harry se tut, en dépit de ses nombreuses interrogations et de son envie de monter là-haut pour le consoler. Il entendit ses sanglots étouffés pendant une bonne partie de la nuit, se demanda ce qui avait bien pu lui briser le cœur à ce point, et s'endormit avec l'étouffante impression de porter tout le blâme.
    Le lendemain, nous étions le premier juillet.
    Lorsque Harry ouvrit les yeux, il n'allait pas mieux. Ce fut la première fois qu'une nuit de sommeil ne réglait rien. Il s'assit au bout de son lit, frotta son œil droit avec la paume de sa main et laissa son regard s'attarder sur le plancher de bois, alors que ses pensées s'évadaient vers d'autres endroits un peu plus sombres.

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