Mai 1945 - Der Reisende, der von weit her kam

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— Le voyageur qui venait de loin —

Avec : Un fantôme — Une histoire près du feu — Des mots suspendus — Et une pluie qui n'en finit plus.


Note: Il est fortement recommandé de relire le prologue afin de se remémorer comment tout a commencé ; ça remonte à assez longtemps, donc voilà. Relisez le prologue, et vous comprendrez assez vite que ceci est la suite (et encore loin d'être la fin) ♥
Enjoy, ladies.


* * *


    Louis fut extirpé de son sommeil par l'arrêt du train et tous les bruits qui accompagnent une nouvelle horde de voyageurs qui entrent et qui sortent. Il ouvrit les yeux, battant des cils jusqu'à ce que sa vision soit nette, puis se rassit correctement. Il ignorait combien de temps s'était écoulé depuis qu'il avait sombré dans un sommeil des plus régénérateurs, mais il savait qu'il n'était pas encore à Berlin. Il regarda par la fenêtre et aperçut le quai de la station. L'homme qui partageait son compartiment était toujours là. Cette fois-ci, il était réveillé. Il était debout, lui faisait dos et récupérait sa valise au sommet de l'étagère. Il enfila son long trench-coat marron, enfonça sa casquette sur sa tête et se rua vers la porte du compartiment pour sortir. Sa valise heurta la jambe de Louis et il ne s'arrêta même pas pour s'excuser.

— Vraiment ? s'offusqua Louis.

    L'homme lui jeta un regard rapide. Cela ne dura qu'une fraction de seconde, avant qu'il ne disparaisse. Son voisin de compartiment était jeune, beaucoup plus jeune que ce qu'il pensait. Ce qui frappa Louis fut le vert foudroyant, presque électrique, de ses yeux. Il sortit de la cabine, poursuivant son chemin dans l'étroite allée, laissant Louis seul et ahuri sur le banc. Si ses espoirs n'avaient pas déjà été ternis par les années, il aurait juré que c'était lui. Louis avait appris à restreindre son optimisme au maximum.

     Il y eut un temps, quelques mois plus tôt, où Louis fut plongé dans une sorte de folie post-traumatique où il voyait Harry absolument partout. Tous les garçons correspondant approximativement à son gabarit et à ses traits faciaux devenaient automatiquement un potentiel Harry, revenu à la vie comme par magie.

    Harry était mort, asphyxié dans une chambre à gaz ou fusillé. C'était tout. Cela faisait mal, chaque fois qu'il s'en rappelait. Les efforts vains du pays pour cacher la vérité sur ce qui était vraiment arrivé aux déportés étaient si offensants, si indignes d'humanité et Louis l'avait bien ressenti, comme une énorme pression contre son torse, le soir où il s'était caché dans les toilettes d'un motel à Francfort pour écouter la BBC au volume minimal, histoire d'entendre les récits des victimes.

    Malgré la réalité évidente des choses, Louis ne put se résoudre à faire taire cette petite partie de lui qui lui criait de se lever et de rattraper cet homme. Il lui fallait une simple excuse et il se lèverait. L'excuse, il la trouva rapidement. Elle s'était présentée sous la forme d'un petit livre jaune sur le banc. La couverture représentait le dessin d'un homme courant après un lion. Louis lut le titre: Das Abenteuer des Werner Quabs, écrit par Hans Fallada. La voilà, l'excuse. Il fit descendre sa valise, attrapa le livre et sortit du compartiment. Il poursuivit l'homme dans l'allée jusqu'à ce qu'ils sortent du train tous les deux et arrivent sur le quai, puis l'interpella en voyant qu'il s'éloignait rapidement.

Plus Haut (if they could fly)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant