Septembre 1939 - Mayday

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- Mayday -

Avec : Un avion défectueux - Une usine de garçons - Un poème ou une fessée, partie II - et ce qui se cache sous le lit de Harry


    L'année suivante, en septembre, Harry finit d'assembler son propre avion télécommandé; il était fin prêt pour son premier décollage. En effet, il avait tellement confiance en son propre travail qu'il était persuadé qu'il n'avait même pas besoin de l'essayer à l'intérieur de la maison. Un matin ensoleillé, il tira une chaise en bois de la cuisine et la plaça sous la grande fenêtre  ouverte. Il s'agenouilla dessus, la télécommande à la main et l'avion en équilibre sur le rebord de la fenêtre. Ses parents étaient assis à la table autour de leur petit-déjeuner inachevé. Ariel appuyait son menton sur ses doigts croisés, et Karla jouait anxieusement avec un bouton de la radio, tâchant de garder le volume au minimum. Quiconque était surpris à écouter la BBC était certain de passer un excellent quart d'heure, gracieuseté de la Gestapo. Ariel et Karla savaient qu'ils ne pourraient plus jamais faire confiance à la station allemande de Gleiwitz après le sale coup de Himmler, qui avait voulu faire croire au monde entier que la Pologne les avait attaqués en premier.

« Ici Londres. Vous allez maintenant entendre une déclaration du premier ministre ... Je vous parle depuis la salle du Cabinet située au 10, Downing Street. Ce matin, l'ambassadeur britannique à Berlin a remis au gouvernement allemand une note finale dans laquelle il déclarait que si nous ne recevions pas l'information avant 11 heures, selon laquelle ils étaient prêts à retirer leurs troupes de la Pologne, un état de guerre existerait entre nous. Je dois vous dire maintenant qu'aucun engagement de la sorte n'a été reçu, et que par conséquent, ce pays est désormais en guerre avec l'Allemagne. »

   Harry planifia visuellement une trajectoire sécuritaire pour son avion ; de la fenêtre jusqu'au toit de l'immeuble voisin. Il jugea qu'il l'avait construit suffisamment performant pour se rendre à une telle distance, une telle hauteur, et demeurer en l'air.

« Vous pouvez sans doute imaginer quel coup amer cela représente pour moi ... Mon long combat pour gagner la paix a échoué. Pourtant, je ne peux pas croire qu'il y ait quelque chose de plus ou de différent que j'aurais pu faire et qui aurait eu plus de succès. Jusqu'à la toute fin, il aurait été tout à fait possible de parvenir à une entente pacifique entre l'Allemagne et la Pologne. Mais Hitler ne voulait rien entendre. Il s'était de toute évidence décidé à attaquer la Pologne quoi qu'il arrive. La France et nous allons aujourd'hui, dans le respect de nos obligations, à l'aide de la Pologne qui résiste avec tant de courage à cette attaque brutale contre son peuple. »

   Il fronça les sourcils, vérifia une dernière fois l'état des hélices et appuya sur deux boutons.

« Nous avons la conscience tranquille. Nous avons fait tout ce que tout pays pouvait faire pour instaurer la paix.  »

   L'avion décolla et son cœur se mit à battre à toute allure ; il ne l'avait encore jamais testé. Les hélices tournaient à toute allure, synchronisées, et il volait, il volait enfin au-dessus de la rue bondée de monde. Il volait par-dessus des couples dont les au revoir sonnaient amèrement comme des adieux, il volait par-dessus les enfants du voisinage qui faisaient la course à vélo le long de la rue en criant « Mort aux Anglais ! », il volait par-dessus les chapeaux, les bérets, les casquettes en tweed et les casques militaires.
    Ces années passées à le construire et à tout calculer portaient finalement leurs fruits.

« Que Dieu vous bénisse tous. Et puisse-t-il défendre la justice, car ce sont des choses perverses contre lesquelles nous devrons nous battre. De la force brute, de la mauvaise foi, de l'injustice, de l'oppression et de la persécution. Et contre elles, j'en suis certain, la justice prévaudra.»

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