J'ai clairement l'impression d'être une boule de nerf en ce moment. Vous savez, ce genre de moment où vous êtes en colère pour absolument tout, que vous ne pouvez même plus cadrer le roucoulement du pigeon d'à côté, que la moindre phrase à votre égard peut faire sortir le monstre qui est en vous. Je suis une boule de nerf. Pas un de ces petits trucs mignons que l'on console à coup de câlins et de friandises non, mais plutôt un de ces trucs agressifs et sauvages qui peut vous trancher la gorge au moindre mot de travers.
J'aimerais mettre ça sur le coup des hormones, parce qu'ils ont bon dos et que généralement c'est ce que l'on fait quand on ne va pas bien. On les accuse et c'est facile. On entend souvent le "T'as tes règles ou quoi?" Pour expliquer cet état d'énervement. J'aimerais vraiment accuser la chimie se passant dans mon corps, mais ce n'est pas ça le problème. Pourquoi ? Parce que je les ai eus la semaine précédente déjà, donc ça ne peut pas être ça. Ça doit forcément être autre chose.
Parfois toute cette colère que je refoule en moi, j'ai la vois comme une sorte de pouvoir maléfique et c'est dans ce genre de situation que je rêverais d'être le Docteur Banner et dire : "Vous voulez savoir mon secret ? Je n'ai jamais cessé d'être en colère" et ainsi me transformer en Hulk et massacrer tous ceux et celles se trouvant sur mon passage.
Sauf que je ne suis pas Hulk et je ne suis pas toute verte non plus.
Sinon, dans le pire des cas, je peux toujours jouer à "Docteur Jeckyll et Mister Hyde" et ainsi accuser mon double maléfique de sortir quand il l'entend. Je pourrais dire ça, ouais, ça me paraît bien.
Mais que c'est propre à l'humain de chercher un bouc émissaire plutôt que de reconnaître ses propres fautes.
Je suis rentrée sur le campus et me suis directement enfermée dans ma chambre pour ne pas être dérangée. J'ai fermé la porte à double tour en me disant que si quelqu'un avait le malheur de la franchir, j'en ferais forcément mon quatre heures et lui collerait tous les malheurs du monde sur le dos. Mon malheur.
J'ai réellement besoin de faire une pause. De souffler. De décompresser.
Ma chambre, justement, parlons-en. La seule fenêtre que j'ai donne sur l'ensemble du campus et même si les étudiants me paraissent aussi gros que des scarabées vus d'en haut, il y en a un, que je ne peux pas louper.
Gaston.
Même de dos que je le reconnaîtrais.
Gaston est donc assis là, sur un banc et à force de le regarder, j'en viens presque à culpabiliser pour mon comportement tout à l'heure. J'aurai dû être contente pour lui, je sais qu'il se donne énormément de mal en cours, car il est loin de l'élève brillant, mais il est loin d'être mauvais aussi. Dans de rares moments, je me demande comment un type comme lui peut s'intéresser à une fille comme moi...Après tout...nous ne sommes pas un couple, ni rien dans ce genre-là. C'est juste que jouer au chat et à la souris, ça nous va. Le "Je t'aime moi non plus". Je ne sais même pas si j'aime Gaston, je n'ai jamais été précise sur ce que je ressentais pour lui. De l'amour, de l'affection, de la tendresse, je suis incapable de faire la différence dans mon mixeur d'émotions et de sentiments. Je sais seulement que ma vie sans lui dans les parages, serait bien moins colorée.
Parfois, je le déteste pour me faire ressentir tout ça. Pour faire de moi une personne indécise et perdue.
Faisant le tour du bâtiment, j'arrive en face du banc et n'essaye même pas de le surprendre tandis que je le vois assis juste là.
"- Hey."
Il ne répond pas. M'en veut-il ?
Je passe devant et m'aperçois qu'il a les yeux fermés. Il n'y a que Gaston March pour être capable de dormir assis.
Un soupir m'échappe alors tandis que je m'assois à côté de lui, épaule contre épaule et, comme s'il me sentait dans son sommeil, son corps tombe progressivement, glisse le long du banc, jusqu'à ce que sa grosse tête de rouquin tombe sur mes genoux.
"- Prête-moi tes jambes pour dix minutes.
- Si tu veux. Mais dix minutes pas plus.
- Compte pour moi."
Gaston a cette capacité unique qu'ont les enfants de bas âge à s'endormir rapidement, sans se poser de questions, tandis que moi, je fais partie de l'autre groupe de personnes contraintes de jouer tout un scénario dans leur tête avant de pouvoir dormir. Le Netflix du sommeil ! Je l'envie, vraiment.
J'ai su qu'il était endormi quand j'ai vu sa main tombant le long de son corps et se balançant légèrement à ras du sol.
"- Chanceux."
Pour autant, ça ne m'empêche pas de jouer avec ses cheveux dans son sommeil. Ils sont doux et lisses. Je suis limite jalouse. Les miens, ils ont plus de fourches qu'une meule de foin. C'est horrible.
Ça me donne même des idées !
J'attrape mon crayon noir dans la poche avant de mon sac et commence à colorier le bout du nez de Gaston, puis à lui faire des moustaches de chat sur les joues et un cœur au milieu front. Après tout, n'est-ce pas bientôt Halloween ?
Gaston sera le chat noir et moi la sorcière.
En finissant, je prends une photo de mon œuvre d'art, ça peut toujours servir si un jour j'ai besoin de lui ruiner sa réputation, et le "clic" de l'appareil photo semble le tirer des bras de Morphée.
"- Ça fait déjà dix minutes, non ?"
Il s'étire et baye aux corneilles tandis que je me pince les lèvres pour cacher un rire irrépressible.
"- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Rien, rien...
- J'ai dit des choses bizarres dans mon sommeil ? Je sais que j'ai tendance à parler...
- Nooooon !
- Je t'ai bavé dessus ? Non, ça m'étonnerait sinon tu m'aurais démoli.
- Non, tu as été sage, pas de soucis.
- Alors pourquoi tu me regardes comme ça ?
- Je n'ai pas le droit d'admirer ta beauté légendaire ? Bon ! Ce n'est pas tout ça, mais je dois aller finir un devoir.
- Et moi il me reste encore un cours...Merde...
- Bon courage hein ! Amuse-toi bien."
Je file avant qu'il ne se rende compte de ma supercherie. Après, on parle de Gaston, il est roux ou blond vénitien, donc le temps que l'information monte au cerveau, j'aurai le temps de quitter le campus en vitesse.
J'ai juste hâte de voir sa tête quand il croisera tous les étudiants de sa promo.
Ne dit-on pas : Qui aime bien châtie bien ?
VOUS LISEZ
Acacia (Philippine Tome 3)
HumorIl est commun de croire que la pomme ne tombe pas bien loin de l'arbre et cela est d'autant plus vrai pour le cas d'Acacia. Elle arrive à un âge où tous les défis de la vie s'imposent à nous tel un parcours d'obstacle et c'est dans une course effr...