Acacia (Philippine Tome 3)

Chapitre 22 - Bond. James Bond.

J'ai les orteils qui croustillent. Est-ce seulement possible ? Je découvre des parties de mon corps qui s'éveillent sous la douleur et je me demande comment j'ai été conçue pour avoir mal là. D'ailleurs, je ne sais pas ce qui est le pire, le mal de dos que je me tape ou mes pieds qui croustillent. Cette impression d'avoir le pied enfermé dans une chaussure depuis 3 jours sans l'avoir enlevée et de sentir des "ploc ploc" partout. C'est horrible. J'ai sûrement des ampoules aussi. Peut-être deux ou trois.

- Tiens Acacia, tu peux t'occuper de me trier ces documents ? C'est un bordel monstre. Merci, tu seras bien mignonne.

Et ma main dans ta gueule, elle est mignonne aussi ?

Je déteste travailler. Je déteste le monde de l'entreprise encore plus. Pourquoi est-ce qu'on est obligé de "bien s'habiller" ? Pourquoi les talons existent ? Qui est l'abruti qui a inventé ces armes du diable ? Certainement pas un homme. Ils pleureraient eux dedans. À longueur de journée on les entendrait gindre. Mais ça ne peut pas être une femme non plus. Une femme normale ne tolère pas ce genre de choses à longueur de journée. Quoi que, quand tu vois que Beyoncé est capable de faire la chorégraphie de "Single Ladies" en talons...Sans compter cette femme dans "Jurassic World" qui se fait poursuivre par des dinosaures dans la forêt...Mais en talons ! Elle court en talons la nana ! EN TA-LONS ! Je me dis qu'y'a vraiment des tarés dans ce monde quand même. Perso si un dino doit poursuivre, je cours sois pied nu soit non. Je me laisserais bouffer juste par flemme.

- Acacia on se réveille ! Le papier ne veut pas se trier tout seul.

- La seule chose qui s'est trier tout seul c'est ton fond de teint vu comment il s'étale sur ton visage.

- Pardon ? Tu as dit quelque chose ?

- Moi ? Non.

Depuis que j'ai décroché ce petit boulot dans cette boîte, je passe clairement pour la stagiaire de service. Je fais les petites mains pour beaucoup de secrétaires qui me relèguent chacune tous leurs dossiers, je fais le café, je trie le courrier, je réponds au téléphone et récemment j'ai acquis la capacité de groom : "Quel étage ? 4ème ? Merveilleux, j'y vais aussi." J'ai clairement élargi mon éventail de compétence et je pourrais alors compléter mon CV.

- Oh les filles vous avez vu ? Quentin de la compta ? Il a changé son statut Facebook pour "en couple" !

- Ce n'est pas vrai ? Le seul mec intéressant de cette boite vient de se caser ?

- Apparemment.

- Avec qui ? Une fille d'ici ? Quel service ?

Ma vie ce télé-film français du samedi après-midi.

En quoi ça les regarde la vie des autres ? Elles ne peuvent pas s'intéresser à autre chose ? À leurs propres vies par exemple ? Non, au lieu de ça, elles sont trois ou quatre réunies autour de la machine à café dans la sale de repos à discuter potins et scoops. Génial. Vachement productif. Et pendant ce temps, qui fait tout le boulot ? C'est Bibi !

Je me sens comme Cendrillon avec ses horribles belles soeurs, sauf que là, j'en ai quatre à mater.

" Pauvre Acacia ! Dès qu'elle peut se reposer, les harpies se mettent à brailler ! Acacia ! Acacia ! Patati et patata toute la journée ça n'arrête pas."

- Imprimer. Copier. Agrafer. Imprimer. Copier. Agrafer.

Le bruit de la photocopieuse, de l'horloge suspendue au mur juste devant moi et les rires hilares des secrétaires dans mon dos, tout ça combiné me donne déjà des envies de meurtre.

"Hakuna matata" Acacia...Penses-y. Penses-y fort à ça et "Quand le monde te persécute, tu te dois persécuter le monde", Timon mon idole d'enfance parmi tant d'autres.

- Excusez-moi mesdames ?

- Et c'est là que Valérie est arrivée et m'a dit "Non, mais Joséphine, tu t'es prise pour la reine d'Angleterre" cette pauvre fille croit encore qu'elle a toute l'autorité ici, mon Dieu !

- Oh ! Joséphine ange gardien écoute moi ! crié-je au milieu de la conversation.

Tous les regards se braquent sur moi. J'aime attirer l'attention, certes c'est une chose, mais là, c'est différent.

- Écoutez, je suis stagiaire et en tant que tel j'ai signé un contrat de stage définissant explicitement mes tâches qui se résument à ne pas faire votre sale boulot. Vous faites des pauses café toutes les deux heures et discutez une heure dans cette petite salle au lieu de faire vos dossiers qui n'avancent pas. Je ne les traiterais pas. Ce n'est mon job de le faire d'ailleurs. Alors au lieu de piailler ici, vous pourrez peut-être employer la même énergie à faire votre travail non ? Votre VRAI travail, parce que même si vous avez un doctorat toutes autant que vous êtes en médisances et commérages, je ne....

- Et qui tu es au juste ? Rappelle-le-moi...Je n'entends rien. Ah ! La stagiaire ! C'est ça ! Écoute chérie, ici tu as autant d'importance qu'une agrafe. Tu devrais t'estimer heureuse d'avoir été prise chez nous. Plusieurs personnes se battraient pour avoir ta place. Les gens se l'arrachent !

- Comme votre chemisier s'arrache de votre fausse poitrine siliconée ? À ce que je sache, vous n'êtes pas mes patronnes, ni même mes référantes de stage, donc je n'ai aucun compte à vous rendre et je ne vais certainement pas laisser une bande de harpies m'intimider. Je pense que vous n'avez pas bien saisi la "raison" de ma présence. Si votre employeur prend des jeunes comme moi, c'est parce que vous êtes incompétentes. Rien de plus, rien de moins.

- Pardon ?!

- Et sourde visiblement, mais je vais mettre ça sur le compte de l'âge, hein.

- J'irais me plaindre de ton comportement désinvolte au responsable des ressources humaines !

- Faites donc, si vous vous perdez, sachez que c'est la première porte au bout du couloir sur votre droite, hein ! N'hésitez pas à donner mon nom également.

- Et on peut savoir quel est-il ?

Tu n'as pas idée de qui je suis ville croûte, mais je vais te l'apprendre ne t'en fait pas. Je vais faire en sorte que tu te le graves sur la peau telle Dolores Ombrage.

- Tagliani. Acacia Tagliani.

Bond. James Bond.