Les mondes se sont croisés

Watari /I/

Watari passa par l'ouverture qu'il venait de créer et, d'un pas aussi silencieux que celui d'un hobbit, entra dans la chambre d'hôtel. 

À première vue, rien d'alarmant ne s'y était produit : les meubles étaient tous à leurs places habituelles, les ordinateurs fonctionnaient aussi bien que d'ordinaire... Il ne manquait qu'un détail : L ne se trouvait pas dans son fauteuil.

Watari traversa silencieusement la pièce principale et pénétra dans la petite chambre annexe, celle qui contenait le coffre-fort avec le Cahier des Ténèbres.

Ce qu'il redoutait s'était bel et bien produit : le Death Note gisait par terre, grand ouvert, et un nom y était inscrit en noir :

"Light Yagami"

Horrifié et terriblement triste, le vieil homme balaya la pièce du regard : son protégé ne s'y cachait pas. Mais Watari savait où il allait pouvoir le trouver.

Depuis qu'il le connaissait, c'est-à-dire depuis qu'on l'avait recueilli dans son orphelinat, âgé alors de trois ans, le petit Lawliet avait besoin de solitude dans ses moments difficiles, et appréciait alors de se percher dans des endroits en hauteur, inaccessibles aux autres enfants. À présent, même à son âge, il recherchait toujours de l'altitude lorsqu'il avait besoin de gérer des émotions trop violentes pour qu'il puisse les masquer ou les ignorer.

Watari arriva sur le toit de l'immeuble. L Lawliet s'y tenait, debout, contemplant le paysage urbain s'offrant à ses yeux. Il n'avait pas l'air spécialement ému, mais lorsqu'il se tourna vers le vieil homme, celui-ci put lire dans son regard toute la détresse qui l'animait intérieurement.

"Qui a réussi à survivre ? demanda-t-il d'une voix absente.

- Ces morts n'ont pas à alourdir ta conscience, répondit l'autre d'une voix douce. 

- Light Yagami alourdit ma conscience."

Ils se turent pendant un moment.

"Je me suis abaissé au même rang que Kira."

Nouveau silence.

"Je ne peux rien faire de ce point de vue là pour toi, murmura finalement Watari. La conscience est une chose précieuse, cependant : et c'est bien elle qui fait la différence entre le vulgaire meurtrier et le justicier animé des plus bonnes intentions. Si tu éprouves des remords face à ton acte, c'est que tu es une bonne personne, Lawliet."

Le jeune homme sursauta en entendant son vrai nom. C'était la première fois depuis des années que quelqu'un le prononçait à voix haute.

"J'ai... réagi instantanément, bafouilla-t-il. Je me suis refusé le temps même de réfléchir, de peser le pour et le contre. C'était...

- C'est ce qu'on appelle perdre le contrôle de soi. 

- Oui... oui, c'est probablement ce qui est arrivé. Je... je ne suis pas autant coupable que ça, il y a eu des circonstances atténuantes..."

L semblait vouloir se persuader soi-même de son innocence, mais à l'évidence, il n'y parvenait pas.

Une faible pluie s'était mise à tomber.

"L, commença doucement Watari, je ne sais pas si c'est le moment le plus approprié pour t'en parler... mais je crois que si, l'occasion ne se présentera pas de sitôt. Il faut que je te révèle quelque chose... d'extrêmement important. C'est aussi en rapport avec les pouvoirs surnaturels du... du Death Note."

Le jeune homme écarquilla les yeux, interloqué. Que pouvait bien savoir de plus que lui le vieux Watari à ce sujet ?

" Eh bien voilà : le monde, ce monde, cette planète qui nous abrite, est depuis longtemps régie par deux grands pouvoirs. Le premier, tu le connais bien : ce sont toutes les forces physiques, qui commandent les grands mouvements mécaniques de notre Univers. C'est à ce pouvoir que la grande majorité des gens se réfèrent pour expliquer ce qui les entoure.