Les mondes se sont croisés

Watari /I/

"Est-ce que tout va bien, L ?"

Watari avait posé cette question au moins une centaine de fois depuis les cinq jours qu'ils étaient là, le jeune Lawliet et lui. Et, à chaque fois, la réponse était...

"Oui, oui, je pense que oui, ça va."

Prononcé distraitement par le détective.

Et, comme à son habitude, ce dernier était plongé corps et âme dans la lecture d'un vieux grimoire poussiéreux. 

C'était comme s'il tentait perpétuellement de noyer ses remords dans cette connaissance nouvellement acquise.

Malgré son profond déchirement psychologique, L faisait des progrès extraordinaires dans le domaine de la méditation, de la projection astrale et même de la magie. Des progrès si fulgurants, d'ailleurs, que cela avait commencé à sérieusement inquiéter l'Ancien.

"On ne peut pas le laisser acquérir ainsi tous ces nouveaux pouvoirs sans qu'il ne guérisse sa conscience", avait-elle une fois glissé à l'oreille de Watari. "J'ai peur qu'il ne finisse par mal tourner".

Watari, pourtant, défendait l'orphelin qu'il avait connu depuis toujours :

"Je pense qu'on devrait le laisser faire ce qu'il croit être juste, pour l'instant. Son esprit ne fonctionne pas comme celui des autres gens, lui laisser une totale liberté de réflexion me semble pour l'instant être l'attitude la mieux adaptée."

Bien évidemment, Watari ne pouvait pas savoir ce que l'Ancien avait appris au sujet du Death Note et de son nouveau possesseur...

En ce jour-là, donc, Lawliet était absorbé par ses lectures. La bibliothèque du temple étant immensément vaste, il avait tout le loisir de lire les ouvrages sles plus divers concernant la magie et tout ce qu'il avait considéré comme paranormal ou impossible avant d'arriver ici.

Watari l'observa tristement pendant quelques secondes, se désolant de son inaptitude à gérer l'équilibre mental de l'orphelin, quand soudain, à son grand étonnement, ce dernier leva ses grands yeux sombres et calmes vers lui et lui fit signe de venir le rejoindre. 

C'était à peu de choses près sa première tentative de communication avec autrui depuis qu'il avait tué Kira.

Profondément surpris, le vieil homme se hâta d'aller vers sa petite table adossée à une colossale étagère pleine à en craquer d'anciens ouvrages.

Il jeta un coup d'œil à ce que lisait L : le Kartkuthi, un grimoire traitant de tout ce qui concernait les formes astrales.

"Je viens de me rendre compte de quelque chose, Watari, fit L de son habituelle voix neutre et posée. Enfin, il serait plus juste de dire qu'une somme d'indices glanés dans divers de ces livres ont pu me mener à cette conclusion, mais maintenant est un moment approprié pour vous en parler, étant donné que personne ne se trouve actuellement dans la bibliothèque. 

- Je t'écoute, L.

- Merci. Quelque chose me laisse fortement à croire qu'il existe, ici même, quelque part, un artefact puissant permettant de voyager dans le temps."

Watari demeura sans voix, sidéré. L'Ancien avait raison : il aurait mieux valu ne pas laisser toutes ces informations à la disposition de L, car l'esprit de déduction de celui-ci avait fini par percer à jour l'un des plus grands secrets du temple : à savoir, l'existence cachée de l'Œil d'Agamotto.

"Et je pense également pouvoir affirmer, continua L comme si ne rien n'était, qu'il existe, ailleurs dans l'univers, quelques autres artefacts semblables, bien que de natures diverses : a priori, il y en aurait six en tout, à savoir respectivement pour les notions d'esprit, de pouvoir, de réalité, de temps, d'espace et... d'âme."

Sa voix avait un peu tremblé au dernier mot, mais Watari ne s'en aperçut pratiquement pas : comment L avait-il pu deviner, déduire les Gemmes de l'infini, ainsi que leurs propriétés, à partir de simples ouvrages sur la magie terrienne ? Et surtout, que devait-il lui répondre, à présent ?

"Vous avez tout-à-fait raison, jeune détective."

Ce n'était pas Watari qui avait parlé ; c'était l'Ancien. Elle était arrivée si discrètement que L sursauta violemment en l'entendant parler.

"Et c'est pour cela que je pense que vous êtes beaucoup trop dangereux, ici."

Avant que qui que ce soit ait pu faire quoi que ce soit, l'Ancien avait, d'un geste incroyablement rapide, créé un portail dimensionnel sous la chaise de L, qui y tomba, et l'avait refermé encore plus vite.

"L est en sécurité, ne vous souciez pas de lui, tonna-t-elle sévèrement à Watari. Préparez plutôt vos armes : nous allons nous battre."

De toutes manières, le vieux sorcier n'avait pas le choix. Au moins l'Ancien l'avait-elle rassuré quant au sort de son ami.

"Que se passe-t-il ? parvint-il tout juste à balbutier.

- Le Maître nous attaque."

Watari ignorait qui était le Maître, mais étant donné la sombre intonation dans la voix de l'Ancien, il ne doutait pas une seule seconde que ce fût un ennemi redoutable. Il tressaillit de peur, malgré lui.

"On se retrouve sur le Perron".

Le Perron du temple était l'endroit qui permettait le plus stratégiquement de préserver le temple conte un assaut. Watari hocha la tête, résigné, créa un portail et se retrouva à sa position de défense attribuée. Tous les autres sorciers et apprentis s'y trouvaient déjà.

"Mesdames, messieurs, clama la voix de l'Ancien, je n'ai pas beaucoup de temps pour mon discours, mais sachez que parmi ceux qui nous attaquent, certains utilisent de la magie de type trois : à savoir, contrairement à nous, leurs pouvoirs ne découlent pas du recueillement sur soi et de la compréhension de l'univers, mais d'une lignée de sang, génétiquement transmise depuis des siècles. Ils se servent donc principalement de l'énergie magique contenue en eux naturellement, et sont donc plus rapides que nous pour lancer des sorts, car ils n'ont pas à se concentrer aussi profondément sur leur savoir pour avoir accès à leur pouvoir. Ainsi, soyez vigilants..."

Elle avait pratiquement fini, mais fut tout de même interrompue par un bruit fracassant provenant de la porte. Quelqu'un tentait de l'enfoncer.

Presque aussitôt, une dizaine d'individus d'apparences hétéroclites apparurent ici et là dans de petits "pop !" magiques, et tirèrent presque immédiatement de fines baguettes de bois. 

La bataille magique s'était engagée.