De retour dans la rue, la tête me tournait. Mes jupes collaient à mes cuisses et mes muscles me portaient à peine. Je m'appuyai sur un mur un instant, pour reprendre mes esprits. C'est alors que je découvris le panneau d'affichage. Je ne savais pas lire, mais j'aurais pu reconnaître entre mille le blason composé des idéogrammes de son nom chéri. Calaf. J'attrapai par la manche le premier passant venu.
— Excusez-moi, Monsieur. Vous pouvez me déchiffrer ce texte ?
— C'est un avis de recherche, une tête mise à prix. Un opposant à l'empire bai.
Le quidam me scrutait d'un air suspicieux. Je le remerciai et m'éloignai rapidement. La tête de Calaf, mise à prix ? Mon cœur bondit de joie. Il était en vie ! Mes forces revinrent d'un coup, je me hâtai vers la rivière pour me rafraîchir avant de courir annoncer la nouvelle à Taïzu.
Je retirai mes vêtements souillés et me plongeai dans l'eau claire. Ce salaud de pharmacien avait bien profité de mon corps pour arranger ses propres commerces. J'en gardais un goût amer dans la bouche, mais rien ne pouvait plus altérer mon bonheur, savoir Calaf recherché, quelle joie et quelle inquiétude ! Pourvu qu'ils ne le trouvent pas avant nous.
Assise sur un chaud rocher, je laissais sécher mon corps au soleil lorsque Siam parut.
— Salutations, princesse. Tu sembles bien guillerette, les combines de l'herboriste t'ont donc menée au Ciel ?
Ce n'était pas faux, mais je protestai pour la forme.
— Ce fourbe avait invité un ami.
— Tu étais très excitante avec ce sac sur la tête.
Je le fixai, ulcérée.
— Quoi ? Tu... c'était toi ?
Il éclata d'un rire qui résonna dans les rochers.
— Moi ? Elle est bien bonne !
Puis il sortit de son habit une poche de tissu et me la tendit.
— Tiens, voici ta part.
Je soupesai avec étonnement la bourse pleine de sapèques.
— Je ne comprends pas.
— J'ai supposé qu'en prévision de ton rendez-vous, l'herboriste aurait envoyé femmes et domestiques régler quelques affaires à l'extérieur et que tu le tiendrais bien occupé. J'ai pu visiter l'étage et le délester de sa monnaie.
Je blêmis.
— Mais il va me soupçonner !
— Il ne pourra pas en être certain. Et tu l'imagines porter plainte ? Ça l'obligerait à des confessions honteuses, qui saliraient aussi son « invité ».
Il avait raison. Je me détendis un peu, mais Siam poursuivit, très enthousiaste.
— Que penses-tu de notre association ? On devrait visiter quelques bourgeois de la sorte ! Moi j'augmente mes chances d'opérer discrètement et toi tu doubles tes revenus.
L'idée me séduisit aussitôt.
— De cette façon, j'aurai tôt fait de réunir la somme pour acheter un cheval et un chariot pour rejoindre Dali.
— J'ai déjà deux pigeons en vue. Le premier, c'est un armurier. Tu situes la grosse maison près du temple de la sincère félicité ? Elle sent la richesse à plein nez.
— Je le connais, il vient parfois me rendre visite, dans la ruelle derrière l'auberge de La cigogne.
— Il faudra que tu trouves un moyen de le voir chez lui.
— Et le deuxième ?
— Un Baron, tu lui plais beaucoup.
Je le regardais sans comprendre. Il entretenait le suspense en mâchouillant un brin de trèfle.
— Tu ne devines pas ? T'as pourtant pris sa bite dans le cul pas plus tard que tout à l'heure.
Je rougis violemment. Siam continua sans s'occuper de mon trouble.
— On sait qu'il apprécie tes charmes, qu'il aime les trios scabreux et souhaite rester incognito. À l'aide de ces informations, tu vas pouvoir lui proposer un programme alléchant sur mesure.
Il m'attira vers lui.
— On fête ça ?
Je le repoussai doucement. La fatigue avait envahi mes reins et des courbatures s'annonçaient dans mes cuisses, et avec la nouvelle sur Calaf... Siam prenait trop de place dans ma vie.
— Si nous devons nous associer, je préfère être honnête avec toi. Nous ne serons jamais un couple. J'aime un autre homme. Les événements nous ont séparés, mais mon père et moi sommes à sa recherche.
Siam continuait de sourire, l'air figé, et sa voix sonna d'un ton artificiel.
— Association professionnelle. Ça me convient, princesse.
Je lui embrassai la joue et mon désir de lui revint aussitôt. Si je ne retrouvais pas Calaf bientôt, la situation risquait de se compliquer.
Je me levai pour prendre congé et disparus en me frayant un chemin entre les herbes hautes.
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Liù, esclave impériale
Historical FictionRoman érotique historique. (les 40 premiers chapitres) Yunnan, fin du IXe siècle. Liù est née au service de Taïzu, dernier roi du Nanzhao. Son statut d'esclave l'empêchera-t-il de séduire le prince héritier ?