Calaf surgit dans le vestibule. Toute à ma peur, je ne l'avais pas entendu approcher. Je m'agenouillai prestement, mon plateau tendu par-dessus la tête. Il me considéra d'un œil surpris. Pensait-il que j'épiais les conversations du roi ? Mes mains tremblaient tellement que je renversai un peu de thé.
— Eh bien, qu'attendiez-vous là, derrière ce rideau ?
— Votre Altesse, c'est que je n'ose pas entrer.
La voix de son frère s'éleva soudain et couvrit mes explications.
— Votre Majesté le roi a toujours préféré son deuxième fils, mon frère Calaf, alors qu'il a tué la Reine notre mère.
À ces mots je courbai la tête. Comment feindre de n'avoir pas entendu ? Pauvre Calaf, les mots de Ping me broyaient le cœur. La reine avait trouvé la mort pendant l'accouchement et Calaf ne se le pardonnait pas. À la cour, on supposait que sa piété, son dur labeur, son sérieux contribuaient à racheter cet accident originel.
— La perfidie du fils héritier offense les Dieux, siffla Taïzu avec froideur. S'il a plu aux Dieux de rappeler la reine, de lui attribuer de nobles fonctions à Leurs côtés, comment un nourrisson pouvait-il s'opposer à leurs projets ?
Je n'osais lever les yeux sur le prince, mais il chuchota.
— Nous ne pouvons rester ici, ces propos ne nous sont pas destinés. Retournons dans le couloir. Je vais appeler le crieur pour me faire annoncer et vous suivrez avec le thé.
Je me redressai, surprise qu'il m'inclue dans sa solution, moi, l'esclave. Il avait dit « nous ». Mon étonnement l'amusa.
— Mon père déteste le thé froid, se justifia-t-il.
Peu habituée à une telle simplicité, je bégayai :
— Sa servante vous remercie.
J'attendais qu'il se dirige vers le couloir mais il ne bougeait pas. Malgré l'interdiction formelle de regarder un membre de la famille royale dans les yeux, je ne résistai pas et relevai la tête. Il m'observait sans ciller, ses larges pupilles noires posées sur moi avec bienveillance, son grand front calme, ses nobles pommettes. Un demi-sourire illumina ses lèvres. Je sentis fondre toutes les barrières du protocole, le rouge me monta aux joues. Il allait me murmurer quelque chose, mais Ping sortit en trombe des appartements du roi. Je crus qu'il allait s'étrangler. Nous trouver derrière le rideau fit flamber sa colère, il me tordit le poignet.
— Petit serpent, tu ne perds rien pour attendre. Regarde la longueur de mes ongles, ils représentent ma patience, qu'importe le temps, tu finiras par m'appartenir.
— Frère aîné, lâchez la servante de notre père, ordonna Calaf d'un ton sans réplique.
Ping s'écarta, peu pressé de confronter sa silhouette de dandy aux muscles de son frère, mais il continua d'aboyer.
— Retournez à vos écuries, vous ne connaissez rien aux femmes, celle-ci me désire ardemment.
Je tournai vers Calaf un visage affolé. Il n'allait quand même pas le croire !
Du menton, il me désigna le rideau.
Je m'y précipitai, confuse. Le thé, mon roi... ma place n'était pas au milieu de ces disputes de famille, seule l'exécution d'un service parfait comptait. J'avais déjà trop tardé à rejoindre mon souverain.
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Liù, esclave impériale
Fiksi SejarahRoman érotique historique. (les 40 premiers chapitres) Yunnan, fin du IXe siècle. Liù est née au service de Taïzu, dernier roi du Nanzhao. Son statut d'esclave l'empêchera-t-il de séduire le prince héritier ?