sept.

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Quand sa veste ne sentait plus rien, je la lui ai redonnée. C'était la mi-mars.
Je l'ai rejoint dans les vestiaires après l'EPS. Il se changeait après la douche, entouré de quelques gars. Je suis venu comme ça, tout habillé, parce que je séchais un cours. On m'a toisé quand je suis entré, et lui aussi, il m'a mal regardé. Je me suis arrêté devant lui, j'ai hésité pendant quelques secondes, et je lui ai rendu sa veste. Il l'a regardée, puis m'a regardé, moi.

« T'oses ? »

« Écoute, tu la prends, tu la prends pas, ça me fera rien. »

   Il l'a reprise. Tout doucement. J'aurais peut-être dit ou fait quelque chose, si les gens ne nous regardaient pas. Et puis ça avait l'air tellement suspect, cet échange.

« C'est quoi, votre délire ? » Un grand gars à la peau un peu matte, Xavier, a lancé sans aucune gêne.

« Rien. » Louis a répondu.

« Vous échangez vos vêtements ? C'est un truc de fille, ça, non ? »

« Tu dis quoi, toi ? » Je me suis emporté ; je ne m'y attendais pas, c'est sorti tout seul.

« Bah, j'sais pas, vous êtes là à agir bizarrement, j'ai le droit de poser des questions. Soit vous êtes collés, soit vous êtes en froid, on dirait des nanas. C'est quoi, vous êtes pédés?»

« Va poser des questions à ta mère, nous fais pas chier. »

   Xavier s'est énervé, et moi encore plus. On s'est poussés, rien de super violent, mais quand même assez pour anticiper une bagarre. D'habitude, j'évite ce genre de truc. Sauf que là, je ne me contrôle pas. C'était clairement une attaque, et je ne comprends pas comment Louis peut regarder la scène, impassible comme il est. D'ailleurs il s'est éloigné avec précaution, parce qu'il ne voulait rien à voir avec ça. Il a fini de se changer en silence. J'imagine qu'il est trop habitué à se faire traiter comme de la merde. Pas moi.

« Vas-y, j'vois pas pourquoi tu t'énerves si t'as rien à te reprocher ! »

« J'ai rien à me reprocher, pauvre con, c'est toi qui m'agresse.  »

« Harry, doucement. » Louis est intervenu, fermement, de loin.

« Trop adorable. » Xavier a souri. « Il te parle comme ça quand vous baisez aussi ? »

  J'ai pris sur moi. J'ai trop de problèmes, je ne peux pas le taper ; ça le rendrait trop heureux et moi je serai seulement dans la merde.

« Pourquoi t'as largué Florence Valcourt ? C'est parce que t'aimes les mecs, c'est ça? »

« Mais de quoi je me mêle, putain ? »

« Alors c'est vrai ? Et tu crois que j'suis le seul à le dire ? »

J'étais trop paumé pour m'énerver davantage. J'avais oublié que les rumeurs circulaient vite dans une communauté aussi fermée que le lycée. Qu'ils n'avaient rien à foutre de leur vie minable qu'il leur fallait s'occuper de celles des autres. C'est tellement pathétique de ne pouvoir se sentir vivant qu'en faisant ce genre de chose.
Alors j'ai pris sur moi. J'ai pris sur moi tellement fort, mais il cherchait trop la merde. Il a fait allusion à la maladie de Louis, il a dit que c'était nous, le genre de personnes responsables de cette épidémie, que j'étais le prochain, ce genre de truc. Peu importe, je ne m'en souviens plus, je l'ai éclaté contre le casier jusqu'à ce qu'il se retrouve par terre et j'ai tracé ma route. Les autres mecs qui étaient dans les vestiaires étaient un peu choqués, mais ils rigolaient entre eux. Ils ne savaient pas trop où se mettre. Je suis sorti calmement, et Louis m'a suivi. Je l'ai ignoré, mais il ne m'a pas lâché. J'ai vu une petite éraflure sur mes jointures, la peau est un peu déchirée.

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