Il n'y avait pas mon nom, sur la liste.
Gemma se tenait près de moi et elle cherchait encore, elle passait son doigt sur les listes de toutes les filières, au cas où il y aurait une erreur. Autour de moi, ça crie, ça hurle, ça pleure, ça se prend dans les bras. Je suis au milieu de tous ces gens et je vois très bien que mon nom n'est pas là. Je sais que c'est logique, qu'il n'y a pas à contester parce que j'assume complètement. Mais pas Gemma. Elle n'est pas d'accord. Elle pousse carrément des gens pour mieux voir. Elle a vu la conseillère d'orientation qui félicitait des élèves et elle est allée la voir.
« Madame. »
« Oui »
« Y'a pas son nom sur la liste. Harry Edward Styles, TL1. »
La dame s'est approchée, elle a regardé les noms de ma filière, puis elle a regardé Gemma.
« Mais c'est parce qu'il n'a pas eu son bac, mademoiselle, enfin... »
« Mais il est quand même admis en rattrapage, non ? »
« Si ce n'est pas écrit sur la liste, non. »
« Ah si, si, si, vérifiez. Sur votre propre liste, là. Vous l'avez entre vos mains. »
« Mademoiselle... »
« VÉRIFIEZ, j'ai dit. M'énervez pas, c'est mieux. »
Elle a soupiré, elle a remis ses lunettes sur son nez et elle a regardé la liste avec Gemma.
« Ah ! Voilà. Y'a son nom. »
« Oui, mais c'est écrit non-admis, mademoiselle. Sa moyenne était trop faible pour aller en rattrapage. »
J'ai agrippé Gemma par le bras et je l'ai traînée vers sa voiture pour éviter qu'elle lui explose le crâne. Elle a protesté, mais je ne voulais rien entendre.
« Oublie, Gem. On y peut rien. Je l'ai pas eu, je l'ai pas eu, c'est bon. »
« Quoi ? Mais... Qu'est-ce que tu vas faire ? T'es sérieux ? »
« Et toi, tu vas faire quoi ?! Tu vas l'engueuler jusqu'à ce qu'elle m'envoie en rattrapage? »
« ...Oui ! Harry, laisse-moi faire. »
« Non. Je veux même pas le faire, de toute façon. On rentre. »
« Tu sais conduire ? »
« Non. »
« Alors on part pas. Tu sais, il y a toujours un moyen. Je vais leur parler, on va... »
« Mais ta gueule, putain ! Tu m'casses les couilles, j'veux pas le refaire ! »
« Tu me parles autrement Harry, j'suis pas ta copine, tu m'entends ? »
Je sais que quand je suis en colère, je me mets à insulter tout le monde sur mon chemin, qu'ils soient responsables de ma frustration ou pas. Donc pour éviter les dégâts, il fallait que je parte. C'est ce que j'ai fait. Elle me criait de revenir, je ne l'ai pas écoutée.
Dans le bus, sur le siège vide près de moi, il y avait un journal. Le grand titre: "Premiers atteints, premiers à mourir" : les associations s'emparent de la Pride du 20 juin à Paris.
J'ai ouvert le journal et j'ai lu rapidement le début de l'article. Je n'allais rien apprendre que je ne savais pas déjà.
La traditionnelle Gay Pride, qui a lieu tous les ans depuis 1979 de la place de la Bastille à la place du Palais-Royal à Paris, a rassemblé, samedi 20 juin, plusieurs milliers de personnes.
Tout l'après-midi, les homosexuels ont défilé. Le triangle rose du "sidaique", fièrement arboré au revers du blazer, élégamment porté sur une chemise Lacoste ou négligemment agrafé sur un tee-shirt, est devenu le signe de ralliement de la manifestation. "Nous n'avions encore jamais mentionné de mot d'ordre clairement politique, affirme Vincent Pelletier, responsable du comité d'organisation, mais cette année la journée de la "fierté gaie" était l'occasion de répondre aux attaques de Pasqua et de Le Pen. Les menaces d'interdiction qui ont pesé sur Gai Pied et les propos inacceptables sur les sidaiques sont pour nous de véritables agressions."
Dans le cortège, les allusions au leader du Front national ne manquent pas : quelques masques de Le Pen défiguré par le badge sidaique, des slogans repris ici et là....

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Partenaires Particuliers
General FictionC'est les années 80 en France. Harry Styles, dix-sept ans et la tête pleine de questions en tout temps, vit une vie des plus simples. Il est un peu perdu et cherche encore à savoir qui il est vraiment, lorsqu'il fait la rencontre de Louis, un jeune...