quatorze - fin.

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Je ne voulais pas sortir, ce soir, Louis a insisté. Il m'a dit que je n'étais pas en position de lui refuser une faveur parce que c'était son anniversaire, et que de toute façon, demain, je travaillais toute la journée. Il n'a répondu à aucune des questions que j'ai posées sur sa mère. Je lui ai demandé pourquoi il lui avait dit qu'il était dans la merde, pourquoi elle tenait vraiment à lui parler, pourquoi elle se mettait à lui dire qu'elle était désolée, et j'ai l'impression qu'il me prend pour un con quand il se tait comme ça. Et ça me blesse aussi. Combien de fois je lui ai fait savoir que j'étais là pour l'écouter, pour le soutenir, que je n'allais pas le quitter, peu importe ce qui arrive ? Il ne veut jamais m'inclure complètement dans sa douleur et c'est ce qui me dérange. Parce que moi, quand je vais mal, il est toujours là. Il m'écoute, il me parle, il me fait rire quand j'en ai besoin, mais quand il s'agit de lui, il se renferme et il lui en faut énormément pour qu'il craque.

À cette soirée, j'y ai vu Gemma. Elle était avec un garçon qui avait l'air d'avoir son âge. Ils parlaient seulement, ils buvaient aussi. Elle est jolie, Gemma, et elle est très confiante, ça semble facile, pour elle.

   Gemma et Louis se ressemblent beaucoup sur plusieurs aspects. Ce sont deux personnes très, très fortes qui m'inspirent un peu tous les jours. J'ai beaucoup appris grâce à eux. Mais j'ai appris aussi que ça, ce n'était qu'une façade. Qu'ils étaient tous les deux aussi vulnérables que n'importe qui. Qu'ils savaient juste mieux gérer, c'est tout.

   J'ai présenté Louis à Sophie, à sa grande soeur Solange, à d'autres gens que je connaissais. On discutait tous ensemble à table, dehors dans le grand jardin, on mangeait, on fumait, on se racontait nos vies. Je buvais sans trop compter. Les gens s'intéressaient à moi, à Louis, à nous deux. C'était agréable. Pendant une heure, j'ai eu l'impression que tout allait bien. Mais quand le groupe a commencé à parler du bébé qu'attendait Solange et que l'attention n'était plus sur Louis ni sur moi, j'ai compris que ce n'était pas le cas. Il regardait son assiette vide, pensif, et il n'a même pas réagi quand Partenaire Particulier est passée à la radio. J'ai exactement quatre minutes et six secondes pour le convaincre de se lever et danser, avant que la chanson se termine. J'ai touché son coude avec le mien, il est sorti de ses pensées et m'a regardé. Quand il a réalisé, il a eu un petit sourire.

« Tu viens ? » J'ai demandé, doucement.

« Mh. Pas trop envie. »

Louis, pas trop envie de danser. Ce n'était que le début de la fin.

« On sort de table alors, au moins. »

  J'ai bien fait de suggérer qu'on quitte à ce moment là.

Ángel était à la soirée. Il s'est approché de la table, nos regards se sont croisés rapidement et il est allé rejoindre les autres.

  J'ai emmené Louis le plus loin possible de ce coin-là. Il s'est adossé à un arbre dont les guirlandes lumineuses décoraient les branches, a sorti une cigarette, en a tiré une latte. Je la lui ai prise pour la fumer à sa place. Il n'a pas protesté, il s'est contenté de contempler mes lèvres comme il le fait toujours quand j'ai quelque chose dans la bouche. Sauf qu'il n'avait rien derrière la tête. Il est ailleurs et distant depuis qu'il a raccroché au nez de sa mère. C'est égoïste, mais je n'aime pas quand il est comme ça. Je sais que je ne pourrais pas toujours avoir le Louis souriant, blagueur et extravagant que j'aime tant, et pourtant je m'acharne à vouloir le ramener. C'est un peu bête de toujours vouloir essayer de remonter le moral aux gens en les faisant rire, sourire, en les distrayant. Ce n'est pas toujours la solution. Quelques fois, il faut les laisser ressentir pleinement ce qu'ils ressentent. Parce que c'est important, aussi, d'être triste. Je crois qu'on a besoin d'éprouver ces choses-là. Je sais que si ma soeur avait essayé de me changer les idées, la nuit où j'avais craqué, je n'aurais pas supporté. Elle était restée là, seulement, à mes côtés, pour me rappeler que je n'étais pas seul.

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