dix.

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On m'avait prévenu que le bac, ça n'allait pas être une affaire facile. Mes parents me l'ont dit, Gemma me l'a dit. Elle, tous ses efforts ont payé, parce qu'elle a eu la mention très bien avec félicitations du jury. Avant les examens, son prof de chimie lui avait dit qu'elle n'avait aucun espoir de réussir, allez savoir pourquoi. Elle lui a dit, dans ces mots : Non seulement j'aurai le bac, mais j'aurai la meilleure mention, les félicitations du jury, et bientôt je saurai faire tout ce que vous faites et plus encore.

Et je suis d'accord. Les filles, elles peuvent tout faire. Sauf pisser debout. Et encore, si elles voulaient, elles le feraient, ça aussi. C'est les mecs qui sont cons. De toute façon, moi, je suis nul, donc je m'incline devant elles.

Ma sœur, c'est Wonder Woman.

Moi, j'en ai chié. C'est l'oral d'anglais aujourd'hui. J'attends près de la porte, assis sur l'une des trois chaises. Je suis le suivant. J'ai fait le vide dans ma tête et je n'ai rien avec moi. Je regarde l'heure sur la montre que j'ai eue à mon anniversaire, je regarde l'aiguille des secondes qui bouge. C'est le silence total dans le couloir. Les portes sont fermées, il n'y a absolument aucun bruit.

Puis j'ai entendu des talons. Une fille est venue s'asseoir à côté de moi, mais je regardais toujours ma montre. Elle sentait bon le parfum Giorgio. Je connaissais bien cette odeur, ça s'était retrouvé dans mes draps, sur mes vêtements, contre mon oreiller et ma peau. Et puis c'était logique. Son nom suit le mien sur la liste. Je l'ai regardée du coin de l'œil, mais pas elle. Elle a sorti ses fiches de révision, je l'ai entendue lire, pas très fort.

Florence ne m'avait plus adressé la parole depuis l'autre jour, au téléphone.

Mais aujourd'hui, elle a dû le faire.

« Euh...pardon.. » Elle a chuchoté en me montrant sa feuille. « Comment tu prononces ce mot ? »

Je l'ai regardée, pour m'assurer qu'elle me parlait bien à moi, qu'il n'y avait pas un autre mec qui était venu s'asseoir de mon côté, ou un truc du genre. Mais non. Elle me regardait, moi, avec ses grands yeux noisette un peu appréhensifs.

« S'il te plaît. »

J'ai vu le mot : thoroughly. Alors je lui ai dit comment ça se prononçait en anglais. Elle l'a répété, mal, alors je l'ai redit, et elle l'a eu.

« Merci beaucoup. »

Et c'est tout. Elle m'a ignoré pendant les cinq minutes suivantes, puis quand la porte de la classe s'est ouverte et qu'on a annoncé que c'était mon tour, elle m'a reparlé.

« Bonne chance, Harry. »

Elle m'avait souri.

***

Si j'avais dû donner un nom à cette période de ma vie, je l'aurais appelée : « Tout Seul ». Parce que je suis vraiment, vraiment tout seul. Tout seul face à mes copies, tout seul face aux examinateurs, tout seul face au jury, tout seul chez moi, tout seul dans le bus, tout seul à midi, tout seul la nuit. J'ai vu Louis aux toilettes après l'épreuve d'histoire-géographie. Je lui ai dit qu'il me manquait, il m'a dit que je lui manquais aussi, mais que j'étais sa pire distraction après la musique, alors il devait faire grève de moi. J'ai rigolé, parce que c'était drôle, mais la nuit je ne rigole pas. Quand je me réveille tout seul, j'ai froid et il me manque quelque chose.

Au moins, mon père était content de me voir travailler. Et ça me va. Donc j'allais éviter lui dire que je m'étais endormi au milieu de l'épreuve de philosophie et qu'on m'avait laissé là. J'avais déjà écrit trois ou quatre pages, donc je ne m'inquiète pas trop.

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