[REIBERT] Recueil d'OS divers. [SNK]

SUJET ET SOUVERAIN.

Le comte se baffrait sans gêne, profitant de l'exceptionnel banquet qui était servi. Les plats fumants défilaient, accompagnés de pommes de terre et de légumes cuits. On pouvait reconnaître les trophées qu'attrapaient les chasseurs lors de leurs sorties en forêt.

- Père, demanda son voisin de table. Je vous en prie, ne pourriez-vous point faire preuve d'un peu de tenue devant les invités ?

- Tais-toi. Si tu oses encore une fois ouvrir la bouche, je t'offre l'écurie pour chambre à coucher. Tu as saisi ?

Le fils acquiesca en silence, les sourcils froncés. Il jeta un regard d'excuses à la demoiselle assise face à lui.

C'était une très belle fille, doté d'un joli corps sur lequel était posé un petit minois blond au yeux bleus. Son regard océan balayait l'environnement avec une curiosité sans précédent. N'importe quel homme aurait été heureux de savoir qu'il allait la posséder toute entière, de l'avoir comme épouse.

N'importe quel homme, sauf le fils Braun. Lui n'était pas ravi du tout.

Reiner était son prénom. Depuis sa naissance, sa vie avait été la pire qu'on puisse imaginer à un enfant. Il n'avait jamais goûté l'eau d'une rivière lors d'une promenade, jamais harpenté les plaines à cheval, jamais joué avec un ami. Tout ce qu'il avait connu, c'était les maîtres. Maître de français, de lecture, d'écriture, de philosophie, de mathématiques, d'histoire, de chasse, d'armes. On lui avait toujours imposé d'obéir à quelqu'un. Il ne connaissait aucune liberté, quelle qu'elle soit. Si bien qu'on le marierait dans une semaine, à l'héritière de la famille Reiss, alors qu'il n'avait que vingt ans. Les deux plus grandes seigneuries du conté allaient s'unir.

- Hep ! appela le père en claquant des doigts. Une autre cruche de vin, et que ça saute !

Un grand jeune homme, tout de noir vêtu, échangea le pichet vide contre un plein. Reiner ne put s'empêcher de le détailler comme il le faisait chaque fois. Ses cheveux foncés lui tombaient en mèches sur le front, et soulignait un regard émeraude tout à fait fascinant. Une carure fine et une grande taille lui donnait un air innocent et timide, mais il semblait tout de même assez sûr de lui. Depuis plusieurs années maintenant, les Hoover étaient parmi les sujets de la seigneurie Braun. Ils faisaient la plupart des tâches qui auraient pu encombrer la vie des plus riches. Voilà donc que Reiner observait son majordome chaque jour, sans jamais vraiment oser lui parler. La seule chose qu'il connaissait de lui était son prénom : Bertholdt. Il ne s'en rendait pas compte, mais la seule mention de ce nom l'obsédait.

Le lendemain, il se réveilla aux aurores, encore fatigué de la veille. Afin de donner bonne impression aux sujets, il avait dû faire danser sa promise durant de longues minutes qui lui avaient semblé une éternité. La jeune femme ne parraissait pas très motivée à l'épouser non plus. Elle lui glissa à l'oreille qu'en réalité, son seul amour était un fils de marchand, qui arpentait le pays sans cesse et qui la courtisait depuis son enfance. Bien sûr, cette information était confidentielle. Couvert par le vacarme de la musique, le blond lui avait assuré que jamais il n'agirait en époux si cela lui posait quelquonque réticence. Les larmes aux yeux, elle l'avait remercié pour sa clémence.

Il émergea donc pendant au moins une heure, ne voulant pas quitter la douce chaleur de ses draps. Ils avaient sans doute été lavés la veille, car l'odeur de lavande qui s'en échappait était encore assez présente, ce qui ne lui déplit pas.

On frappa à sa porte et entra. C'était sa mère. Une femme grande et autoritaire, toujours les lèvres pincées et le regard conquérant.

- Debout, feignant ! Le soleil est levé depuis longtemps ! Es-tu déjà trop vieux pour te lever seul ? Veux-tu que l'on amène une poulie, pour te soulever ?