AUTOROUTE PLUVIEUSE.

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Je pousse davantage ma voiture sur l'autoroute. J'atteins les 140 à l'heure, soit beaucoup plus que la limite autorisée pour un jeune conducteur. Quelque chose me brûle les yeux et dégringole mon visage, mais je n'y fait pas attention. Je refuse d'admettre que je pleure, que je suis faible. Je me sens vide, je veux partir.

Il y a une raison pour laquelle j'en suis arrivé là. Cette raison a un nom, un visage, un caractère. Elle s'appelle Reiner Braun. Elle m'a complètement détruit.

La pluie s'écrase sur mon pare-brise et j'actionne les essuis-glace, agacé. j'ai horreur de ce temps pourri. Je m'appelle Bertholdt Hoover et j'ai 19 ans. Ces derniers mois on été les plus beaux de ma vie. Je suis devenu quelqu'un d'autre. Cette soirée est la pire de ma vie.

Je fixe la bouteille de Jin sur le siège passager.

Reiner a détruit ma vie. Il a balayé tout ce que j'avais construit.

J'accelère encore et double plusieurs voitures à la suite.

Je l'ai rencontré en terminale, alors qu'on fréquentaient tous les deux l'option musique du lycée. Il était juste venu s'amuser avec sa bande de copains, alors que moi je prenais vraiment plaisir à chanter et jouer. Il n'a jamais rien compris à l'art, de toute manière.

Il fait nuit, les lampadaires se sont allumés. Leur éclat jaunâtre éclaire la route comme des lucioles fatiguées.

J'ai commencé à le fréquenter réellement quand j'ai accepté de l'accompagner au cinéma. Je l'appréciais vraiment, il était différent des autres garçons avec qui j'étais sorti. Je n'étais pas son esclave, et il n'était pas le mien. Je pouvais vivre ma vie, et lui la sienne. Je l'aimais sincèrement, mais avec liberté.

La vue clairement brouillée, je décide de ralentir et de sortir pour rejoindre une aire de repos. Je descend de mon véhicule et gagne la petite boutique. Il n'y a aucun client et l'endroit est assez glauque. Sans dire bonsoir à l'unique employée, je rentre dans les toilettes des hommes. L'odeur est mauvaise mais je n'en tient pas compte quand je plonge ma tête dans le lavabo le plus proche. J'ouvre le robinet et laisse couler l'eau fraîche sur mon visage et dans mes cheveux, me remettant les idées en place. Mon reflet me regarde bizarrement, comme si c'était celui de quelqu'un d'autre. Celui d'un martyr.

Notre relation durait depuis plusieurs mois et tout allait bien. Je commencais à vraiment tomber amoureux de Reiner, et nos brèves étreintes s'intensifiaient en nuits interminables. Il lui arrivait même de dire "je t'aime", ce que je n'étais jamais parvenu à formuler devant lui, bien que je l'eu pensé. Oui, il était mon premier vrai amour..

Je sors des toilettes, les yeux gonflés. Je regagne ma voiture et renverse la tête en arrière, le souffle court et le corps secoué de sanglots incontrôlâbles. Cette immense tristesse me fait taper sur le volant avec force, les poings serrés. Après plusieurs minutes, je tourne à nouveau la clé pour mettre le contact. Le moteur rugit furieusement et les pneus crissent sur la chaussée mouillée.

On avait une bande d'amis très bien. Ils n'étaient pas homos, et c'était parfait. Je n'avais pas à le surveiller, et lui non plus. De toute manière, je n'avais d'yeux que pour lui. C'était le seul qui eut jamais compté pour moi, et j'étais prêt à tout pour le garder.

La nuit défile, tout comme mes pensées sombres. Je ne me suis jamais senti aussi mal. L'estomac et la gorge noués, j'ai le sentiment que le monde s'effondre sans que je ne puisse rien y changer. Cette position de spectateur est si frustrante, c'est assomant. Je retire ma cravate que je jette à l'arrière, puis ouvre les premiers boutons de ma chemise. Je vais éttoufer sinon.

Quelques heures avant l'incident, nous nous sommes rendus à l'anniversaire de la seule personne que je détestait au monde : Jean Kirschtein. C'est uniquement pour faire plaisir à Reiner que j'avais répondu présent. Après tout, ça n'allait pas être si terrible étant donné que toute la bande serait là. Ils avaient organisé la fête dans une salle des fêtes car le cheval avait vu les choses aussi grandes que son complexe de supériorité. Tout allait bien jusqu'au moment où j'ai eu envie de pisser. Me rendre dans les toilettes à cet instant fut la pire décision, le pire timing. Je poussai la porte et découvrai ce que je ne devais pas voir. Une vision inimaginable, que je ne souhaite même pas à mon pire ennemi. C'était Jean et Reiner qui s'embrassaient langoureusement, et mon blond ne semblait pas repousser Kirschtein. L'enfoiré venait de briser mon cristal, de souiller l'amour de ma vie, de me voler mon précieux. Il touchait ce que j'avais touché, embrassait les lèvres que je connaissais par cur, effleurait les cheveux d'or que j'avais vu scintiller mille fois.

J'éclate de rire, un rire faux, grave, effrayant. Il se prolonge, comme les méchants dans les films d'horreur. Je n'en reviens pas. Je n'en reviens toujours pas. Très vite, mes yeux me brûle à nouveau, mais je me concentre sur la route.

Je suis sorti en claquant la porte, alors que, toujours comme dans les films, il s'est mit à me pourchasser en criant mon nom. Je ne prit pas la peine de récuppérer mes affaires et me dirigeait immédiatement vers ma voiture. Sur le moment, je me suis dit "mince, je devais le ramener". J'étais encore en train de penser à son confort, malgré le poignard que j'avais dans le dos. Très vite ma déception à prit le dessus et j'ai regardé droit devant moi. Alors que j'allais démarrer, il se mit à toquer à mon carreau. J'ai ouvert, les yeux plein de mépris. Il m'a supplié de rester, que c'était un malentendu, qu'il allait s'expliquer et que ça allait s'arranger. Je ne l'avais jamais vu si triste. Je l'aurai bien achevé si j'en avais eu le courage. Il venait de me tuer.

J'ai dit les mots que je n'aurais jamais pensé devoir formuler un jour. Oui, je sais que tu sais ce que c'est. J'ai dit "C'est terminé". Et je suis parti sans me retourner.

Je suis bientôt à court d'essence. D'ici trente minutes je devrais m'arrêter. Je ne pensais pas que ce serait si dur. Si dur de dire adieu à ce qu'on a le plus aimé. D'être arraché à notre repère sans ménagement. D'être trahi aussi ouvertement. Mon téléphone ne fait que de sonner, mais je n'y prête plus attention. Plusieurs fois, j'ai hésité à décrocher, mais me suis ravisé. C'est terminé.

J'arrive à la station essence et fait le plein en vitesse. Le compteur monte, monte, et continue de monter. J'insère ma carte bancaire dans la machine et paye 47 euros. Je m'apprête à regagner mon siège mais quelque chose me stoppe. Je ne peux plus bouger, le souffle haletant. Aucun doute. Il est là, je le sens. Je peux ressentir sa présence. C'est désagréable, je me sens épié. J'ai conscience de sa présence mais je ne parviens pas à le voir. Devrais-je partir ou attendre ?

Je sens son regard sur moi, ce regarde brûlant, insistant, qui me paralyse. Comme prit dans un filet, je suis incapable de faire le moindre geste. Je ferme les yeux et souffle un bon coup. Lorsque je fais volte-face, je le vois. Il est de l'autre côté de ma voiture. Il est trop près, seul la largeur du véhicule nous sépare. Je ne dis rien, me contentant de détailler ses yeux éclatés et son visage tiré par la peine, et sans doute la culpabilité. Je me surprends à espérer qu'il dise quelque chose. Ce qu'il fait. Pendant au moins trois minutes où mon esprit est perdu dans ses yeux, il déblatère des excuses, des explications, d'autres promesses. Mais je n'écoute rien. Je n'ai plus envie de l'entendre. Mais sa voix se déchire finalement et il éclate en sanglots.

- Si tu me quittes, j'en mourrais, Bertholdt. Je ne peux pas vivre sans toi.

Un rictus barre mon visage. Je ressens une étrange satisfaction à le voir dans cet état. C'est jouissif.

- Et bien meurs. Meurs, Reiner.

[ Bon, je sais pas ce qui est passé dans ma tête quand j'ai écrit ce court OS, mais j'avais envie de faire un truc sans long dialogues, avec des phrases simples, simplement des pensées lancées comme ça.

Les prochains coups, je pense qu'on retrouvera le Reibert mignon qu'on connaît (et que j'avoue préférer !).

Bonne année 2019 ! J'espère que vous avez passé de bonnes fêtes et que la nouvelle année commence bien pour vous ! Je vous souhaite de réaliser vos objectifs !]

[REIBERT] Recueil d'OS divers. [SNK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant