Chapitre 1 : Esteban

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Six heures du matin. Je dois comme toujours nettoyer le grand salon et dresser la table. Je retire les poussières derrière chaque tableaux, chaque statues, chaque meubles. La table est cirée et j'y dépose une nappe d'un blanc immaculé, ouvrant par la suite les fenêtres pour apporter de l'air frais. Puis je dépose des chandeliers sur la table, ainsi qu'une corbeille de roses rouges. Tous les matins c'est la même rengaine. Et ce n'est que le début de ma longue et fastidieuse journée. Après cela je dois encore laver le linge, préparer le petit déjeuner et partir réveiller mes maîtres.

    Vers sept heure, je dispose de quelques minutes pour me reposer dans ma petite chambre, froide et sombre, avant ce long programme. Le petit miroir brisé accroché au mur me renvois une image d'horreur : je me vois, moi, Esteban, pas très grand, brun, yeux sombres et teint pâle. Le reflet que je perçois est maigre à en paraître maladif et donne presque l'impression de n'avoir que la moitié de ses dix-huit ans. Mais le pire c'est cet accoutrement ridicule de bonne, une chemise blanche surmontée d'une grande robe noire et d'un petit tablier blanc, volonté étrange du comte de Brem, mon maître. Cela fait presque dix ans qu'il m'a acheté lors une vente d'esclave pour assouvir tout ses fantasmes. Depuis dix ans je dois m'occuper seul du ménage, du lavage et de la cuisine quand je ne suis pas obligé de le laisser me violer ou me frapper. Pourquoi en suis-je arrivé là ?

***

- Papa, Papa ! Dis-je en courant.
- Qu'y a-t-il Esteban ? Fais attention de ne pas tomber.
- Regarde, j'ai trouvé de belles fleurs blanches !

    Je lui tend les-dites fleurs.

- Oh ! Mais ce sont des Lys, je n'en avais pas vu depuis des années. Tu as vu ça Évangéline ?

    Une très belle femme blonde, de faible constitution, lève les yeux de son livre pour nous regarder mon père, un grand brun, barbu et bien bâti, et moi.

- Ces fleurs sont magnifiques ! Dit-elle dans un grand sourire. Et si elles poussent c'est qu'il reste de l'espoir dans ce pays.
- Oui. Répond mon père dans un sérieux impressionnant. Cette guerre a ravagée nos terres mais le royaume va se reconstruire rapidement, j'en suis sûr.
- Chéri fais attention ! Si l'on te surprends à prononcer le mot royaume, je ne donne pas cher de notre peau.

    La femme observe autour d'elle comme pour être sûre de ne pas être écoutée alors mon père se lève pour l'enlacer.

- Ne t'inquiète pas Éva, jamais je ne laisserai ces monstres de l'Empire vous faire du mal à toi ou à Esteban. Je t'en fais la promesse.

    Il passe sa main dans mes cheveux et nous rentrons chez nous. Nous habitons dans une petite ferme en pierre, dans les montagnes, au nord du nouvel empire de Rabiane. La vie y est calme depuis que la guerre est finie mais nous n'avons pas toujours la chance de pouvoir manger. C'est dur des fois mais je ne dis rien parce que je sais que papa fait tout pour nous protéger Évangéline et moi. Éva est très gentille avec moi, comme je n'ai pas connu ma maman c'est elle qui s'est occupée de moi. Elle m'a appris plein de choses sur son pays de naissance et c'est elle aussi qui m'a appris à faire de bon petit plats avec très peu de choses. Je l'aimes comme si c'était ma vrai mère. Je ne sais pas comment papa et elle se sont rencontrés mais je sais qu'ils sont inséparables. On s'amuse bien tous les trois à la ferme... enfin on s'amusait bien.

    Un jour, un homme est venu frapper à notre porte. Il saignait et hurlait "à l'aide". Mon père l'a soigné, nourri et caché dans l'étable. Je ne comprends pas pourquoi il reste encore avec nous mais il m'a dit une fois qu'il avait été attaqué par des méchants soldats impériaux. On en avait d'ailleurs vu plusieurs passer depuis qu'il était ici mais mon père avait réussi à cacher notre invité. Il vient vers moi avec un grand sourire.

𝕭𝖔𝖞 𝖒𝖆𝖎𝖉 (en Réecriture) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant