Chapitre 10 : Arrêter de fuir

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Toutoum toutoum. Le vacarme incessant de ce train m'énerve fortement. Nous ne sommes partis que depuis deux heures pourtant, mais ce mélange de bruit et de mouvement saccadé me dérange. Heureusement qu'il y a une fenêtre pour prendre un peu d'air frais dans le couloir longeant la cabine individuelle, dans laquelle Éva et Lulu discutent. Le paysage est vraiment magnifique. Nous avons quitté les grandes étendues enneigées des monts alouette autour de la capitale et désormais c'est une immense forêt de conifères qui nous entoure avec ses sapins, épicéas et autres cèdres ; je fais le malin mais je ne le sais que parce que Lucius l'a expliqué tout à l'heure. Notre destination est Derryn, l'actuelle chef-lieu du duché de Pemster, qui est apparemment le duché le plus riche et influent du pays, c'est là-bas que vit toute la famille d'Éva, les Aleister. C'est une famille de grands miliciens dont presque tous les descendants sont devenus des officiers important. D'après Évangéline, sa famille serait aussi l'une des plus anciennes du pays, ce qui leur permet de bénéficier d'une sympathie de la royauté. C'est vraiment étrange de penser à tout cela alors que deux mois plus tôt je passais ma journée a laver un manoir immense en subissant des viols récurrent. Tout a changé si vite. Au début de notre fuite je n'avais qu'une envie, faire souffrir le comte comme il m'a fait souffrir mais... Plus le temps passe, plus je me dis que l'idée de Lucius, une révolution profonde du système, serait une meilleure idée. Je suis un peu trop bête pour vraiment tout comprendre mais si cela peut sauver des milliers d'esclaves alors je veux faire cette révolte.

Après avoir repris une bonne inspiration je décide de retourner à l'intérieur de la cabine dont la porte est légèrement entrouverte.

-... Esteban ...

J'ai entendu mon nom ? Ils parlent de moi ? Je tend discrètement mon oreille

- Promettez-moi de ne pas lui en parler... S'il vous plaît... Je dois assumer et le lui dire moi-même. Demande Lucius la voix fébrile
- Oui ne t'en fait pas. Répond Éva. Et je tiens toujours parole.

De quoi parlent-ils ? Ils me cachent quelque chose ? Je dois en avoir le cœur net. je toque et entre dans la cabine.

- Alors de quoi parliez-vous ? Toujours dans vos discussions philosophiques ?
- Oui on peut dire ça. Dit Lucius un peu gêné. Tu as réussi a trouver les toilettes ?
- J'ai mis un peu de temps mais j'ai fini par les trouver dans le wagon restaurant. L'eau qui sortait de ces étranges bac de cuivre m'a fait peur, c'est incroyable de pouvoir laver une bassine aussi rapidement dans un train en mouvement.
- Oui, c'est une des merveilles technologiques gardés bien au chaud dans ce pays.

Lucius n'a pas l'air de vouloir évoquer leur discussion. C'est très étrange tout de même. Je n'aimes pas trop les secrets, surtout depuis que j'ai appris que même mon père, pour qui j'ai toujours eu de l'admiration, en avait. Mais ce n'est pas grave... S'il ne veux pas m'en parler il doit avoir une bonne raison.

Après six heures de voyage nous sommes enfin arrivés a Derryn. La ville est entièrement construite dans une vallée le long d'une grande rivière. Chaque maison bourgeoise possède un petit accès à cette dernière dans leurs jardins, leur maisons se trouvant le long de l'eau. Le reste de la populace vit dans les hauteurs, vers la forêt, dans des maisonnette imbriquées les unes dans les autres. Au centre de la ville, surplombant la rivière, se dresse un grand rocher surmonté d'un manoir immense en pierres jaunes, ainsi que d'un petit sanctuaire, dédié au culte des trois déesses. Il n'y a pas a dire, cette ville est vraiment magnifique.

Nous quittons la gare et montons jusqu'à la grande demeure. Je commence alors à paniquer légèrement, j'espère que la famille d'Éva va nous accepter. Je crois que je ne suis pas le seul inquiet car Lucius tremble comme une feuille. J'attrape sa main, chaude comme toujours, et la serre.

𝕭𝖔𝖞 𝖒𝖆𝖎𝖉 (en Réecriture) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant