Chapitre 2 : Lucius de Brem

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J'ouvre les grands rideaux de la chambre de mon maître et de sa femme. J'apprécie le matin car, quand elle est là, il ne me touche pas. Je laisse donc la lumière pénétrer la chambre, dévoilant la décoration riche et chargée des murs ainsi que le grand lit à baldaquin rouge. Le comte lâche un léger grognement pendant que je dépose le thé et les biscuits sur la table de chevet. De manière générale, j'essaie de ne pas trop m'éterniser dans cette chambre où j'ai l'impression de suffoquer. Il m'est arrivé, une fois, d'y rester jusqu'au réveil du comte, il m'avait alors entaillé le bras avec un couteau à confiture pour la seule raison qu'il était de mauvaise humeur. Je me presse donc de préparer les vêtements de Madame et de Monsieur avant de quitter la pièce. Les choses seraient beaucoup plus simple si je n'étais pas le seul à m'occuper du manoir mais il faut croire qu'un esclave coûte déjà cher, à moins que ce ne soit l'un de ses plaisirs sadique. Sans compter que dans le nord du pays, plutôt nostalgique de l'ancien royaume, c'est assez mal vu d'en avoir, même si cela reste légal. Je ne me souviens pas de ce qu'était la vie sous le roi car j'étais trop petit mais j'ai entendu certaines histoires, en allant au marché quelques fois. Par exemple, je sais que tout le monde était libre, il y avait plus de pauvreté mais aussi plus de petites joies quotidiennes, la capitale Beria était un bel oasis fleuri - alors qu'aujourd'hui elle est terne et dépourvue de végétation naturelle en dehors des jardins royaux - et le roi était bon et sage. Mais il faut croire que ce n'était pas au goût de tous car il y a eu un soulèvement, une guerre, et le roi Djamel VII à été remplacé par son ancien ministre Juan Hidal Blanco, qui est devenu le premier empereur de Rabiane. Voilà le peu que je connais sur l'histoire de mon pays. Étant devenu esclave à huit ans, je n'ai jamais pu aller à l'école et je ne sais donc presque pas lire et je ne connais pas l'histoire, ni la géographie du monde. La seule chose que l'on m'a appris c'est le calcul. J'ai dis que je ne savais presque pas lire car quelqu'un m'apprends en secret. Et je vais justement voir cette personne pour le réveiller. C'est le seul moment où je suis heureux dans la journée, lorsque je vais réveiller le fils de mon maître, Lucius. Il a toujours été très gentil avec moi et, comme il a deux ans de moins que moi, je le considère un peu comme un petit frère, même si c'est lui qui m'apprend tout.


Je toque à sa porte et entre. À ma grande surprise Lucius est déjà réveillé et m'attend assis sur son lit dans un grand sourire.

- Bonjour Esteban, comment vas-tu aujourd'hui ? Me lance-t-il.
- Bonjour, je vais bien monsieur merci. Mais vous comment allez-vous ? Vous n'avez pas bien dormi ?
- Si, ne t'en fais pas, je viens tout juste d'ouvrir les yeux.

Je me dirige vers les rideaux pour mieux illuminer la pièce et sort quelques vêtements de sa garde robe après avoir déposé le petit déjeuner.

- Qu'ai-je au programme aujourd'hui. Demande Lucius en débutant son repas.
- Vous avez un cours de flûte avec Madame Gomez à dix heures. Puis à midi vous déjeunerez avec vos parents qui irons en ville ensuite. Cependant vous ne pourrez les accompagner car à quatorze heures vous avez Danse avec Monsieur Mario. Vous aurez alors la fin de l'après-midi ainsi que la soirée pour vous divertir en attendant le retour de vos parents vers 22 heures.
- Voilà une journée bien ennuyeuse.

Je dépose les vêtements sur le lit et commence à habiller Lucius. Normalement je devrais aussi le faire pour le comte et sa femme mais ils préfèrent le faire eux-mêmes car, je cite, je ne suis "qu'un microbe insignifiant qui est trop petit pour habiller un noble". Ça ne me dérange pas parce que je n'ai aucunement envie de les habiller. Lucius me regarde avec un grand sourire comme à son habitude. Ses yeux d'un jaune ambré, ses beaux cheveux noirs qui frisent et son teint hâlé m'hypnotise chaque jour. Il a beau être plus jeune que moi il est quand même plus grand et plus musclé, sans pour autant avoir des formes trop marqués. Mais un détail me rend triste chaque fois que je l'habille, c'est sa jambe gauche. Il possède une grande cicatrice sur cette dernière depuis un grave accident de train peu de temps avant que je n'arrive. Mais, sachant ce que le comte me fait subir, il m'est arrivé plus d'une fois d'imaginer un autre scénario.

- Et toi que fais-tu aujourd'hui ? Accompagnes-tu mes parents ?
- Non je dois rester nettoyer le manoir. Ils ont engagé un valet d'un jour pour les accompagner à Sian Ravelio.
- Je vois. Tu sais ce que ça signifie ?
- Euh...
- Nous allons passer l'après-midi tout les deux. Me fait-il remarquer dans un grand sourire.

C'est vrai que je n'y avais pas pensé mais si nous ne sommes que deux, alors la journée sera bien meilleure. Que va-t-on pouvoir faire ? Va-t-il m'apprendre à jouer aux cartes ou me faire lire un nouveau livre ? J'ai tellement hâte. Je sens même un sourire illuminer mon visage.

- Ah bah voilà ! Dit-il soudain. Tu es quand même plus mignon avec un sourire aux lèvres.
- Je... Euh... Merci Monsieur.
- Rooh, nous sommes entre nous. Appelle-moi Lulu. Reprend-il avec un clin d'œil.

Je suis si gêné que je ne sais pas quoi répondre, ma condition d'esclave m'interdit ce genre de chose. Je me contente donc de hocher la tête avant de me relever pour faire le lit, sentant son regard sur mon frêle corps et mes habits de bonne.

- Si tu veux, tu pourra retirer cette horrible robe que mon père t'oblige à porter. Je ne comprendrais jamais pourquoi il fait ça.
- Désolé monsieur mais c'est impossible... si votre père me vois travailler sans cette tenue, il va...

Je sens ma voix se casser.

- Ne t'en fait pas, il n'en saura rien. Et puis je ne le laisserais plus te faire de mal. Il a déjà commis l'acte immonde d'acheter un être vivant, je ne vais pas en plus le laisser te tuer.
- Vous êtes trop bon. Dis-je en retenant une larme.

Lucius m'avait déjà dit plusieurs fois que s'il le pouvait, il me libérerait. Le problème c'est que je suis la propriété de son père et par conséquent, je ne peux être libéré que par le comte. En résulte que si mon maître ne meurt pas rapidement, je suis condamné à rester esclave pour un long moment.

- Je suis juste humain. Ce que semble avoir oublié cet imbécile.

Lucius se dirige vers sa porte afin de se rendre dans la salle de musique pendant que je termine de ranger et nettoyer la chambre. En tapotant son oreiller je me surprend à sourire en sentant l'odeur de mon jeune maître, un mélange de cannelle et de vanille très populaire chez les jeunes Rabians. C'est une odeur si agréable. Mais je dois cesser là ces pensées. Au fil du temps je me suis rendu compte que les hommes m'attirent bien plus que les femmes et cela m'effraie beaucoup car c'est interdit par la religion des disciples de Ravel, qui est pratiquée par chez nous. J'ai donc peur qu'en l'apprenant, mon jeune maître me fasse enfermé ou même pire, tuer. Mais Lucius est si beau, si gentil et si attentionné... On ne peux qu'aimer un être tel que lui, même s'il est inaccessible.


Je sors de la chambre avec un plateau vide me dirige vers celle du comte pour récupérer le second. Malheureusement sa femme est déjà partie. Je pensais passer une belle journée mais le sort s'acharne.

- Dépêche-toi de ranger tout ça ! Me hurle le comte en me montrant le plateau.

Je m'approche prudemment vers la table de chevet lorsque je sens ses mains se poser sur ma taille, me créant un frisson de terreur.

- Tiens donc, ta robe m'a l'air un peu usée. Et si tu la retirais, que je puisse en changer.

Ne pouvant pas tenir tête à mon maître je m'exécute, non sans crainte, me retrouvant presque nu devant lui. Dévoilant au passage quelques cicatrices, hématomes et traces de coups récentes.

- Bien et maintenant ramasse ça. M'ordonne-t-il en lançant une tasse par terre.

Je sais très bien ce qui va se passer ensuite mais je ne peux rien faire. Si je ne lui obéit pas il va me frapper et si je lui obéit... Je ramasse les petits bouts de verre lorsque que d'un coup une main puissante me pousse dessus, m'entaillant de toute part. À ce moment je sais que le cauchemar commence. Il termine de me dévoiler et commence à me violer, me giflant par moment pour que je cesse de pleurer.

C'est un monstre.

𝕭𝖔𝖞 𝖒𝖆𝖎𝖉 (en Réecriture) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant