Chapitre 3 : Rabiane

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C'est dans un silence pesant, perturbé uniquement par des bruits de couverts, que mes maîtres mangent. Comme toujours lors des repas, je suis dans un coin de la salle avec une cruche de vin pleine que je peine à tenir avec mes mains fraîchement mutilées et mal bandées. Je ne suis pas très doué pour soigner mes blessures ce qui explique en partie le grand nombre de petites cicatrices sur mon corps. Je me trouve très repoussant à cause de cela mais de toute façon, de part ma situation, jamais je ne me marierai, jamais je ne ferais d'enfants, jamais je ne connaîtrai l'amour. Et tout ça c'est à cause du comte mais pas seulement, c'est aussi à cause de l'empereur et de sa fichue constitution des droits de noblesse; dans laquelle il est dit qu'un noble peux réduire en esclavage une personne endettée ou une personne logeant illégalement sur ses terres. Mon cas est le second car je me suis retrouvé à dormir sur le quai de la famille Corven, lors de ma fuite, et ces derniers en ont profité pour me vendre à un bon prix. Je me demande parfois comment serait ma vie aujourd'hui si mon père n'avait pas recueilli cet homme dont je ne me souviens même plus du nom mais qui a réduit à néant ma petite vie paisible. Enfin , ce qui est fait est fait. Je ne sais pas ce que sont devenus Évangéline et mon père mais je me doute que je ne dois pas avoir de faux espoirs, ils sont sûrement morts depuis longtemps. Et si mon père avait réellement un secret comme le suggérait mon "sauveur" il est sûrement mort par la torture.

Je reste encore quelques minutes perdu dans mes pensées avant de prendre conscience que le comte m'appelle depuis déjà plusieurs secondes.

- Oh l'avorton, tu veux être puni ? Sers moi du vin, immédiatement !
- t-tout de suite !

Je m'avance prudemment mais rapidement vers le comte pour remplir son verre. Je sens alors sa main glisser sous ma jupe pour caresser mes cuisses. Il n'hésite même plus à le faire en présence de sa femme et de son fils. Madame détourne le regard, le visage emplit de dégoût. Elle me hait déjà énormément mais ces petits gestes n'arrangent rien. Je ne comprends pas pourquoi elle ne dénonce pas son mari si elle le trouve si répugnant, la seule chose qu'elle devrait alors abandonner en échange c'est sa richesse et sa place dans la société, ce qui pour elle doit être primordial. Je tourne la tête vers Lucius qui se lève en déposant ses couverts.

- Père, arrêtez ! C'est totalement indécent. Vous nous faites honte ! Rugit-il en lançant un regard sombre.
- Reste à ta place gamin, je suis le chef de cette maison et je fais ce que je veux. Qu'il n'y en ai pas un qui en parle hors de cette demeure car sinon... Ah... Un accident est si vite arrivé.

Dans un geste bref, le fils du comte pose sa main sur sa cuisse gauche avant de s'asseoir en silence. Monsieur de Brem à une nouvelle fois réussi à démontrer qu'il est un monstre, comme s'il fallait une preuve de plus. Il m'oblige à m'asseoir sur ses genoux et termine le repas ainsi dans un silence plus que malsain.

À la fin du repas je nettoie la table et pars en cuisine pour tout laver. De grosses larmes commencent à couler le long de mon visage de manière incontrôlée. J'ai beau y être habitué depuis dix ans, c'est toujours dur de servir de jouet et de souffre douleur à un homme pareil. Au moins lorsque je fais la vaisselle je suis tranquille, il ne met presque jamais les pieds en cuisine. Mais soudain j'entends un bruit de porte et je découvre l'origine du bruit avec une crainte qui s'envole dès que je vois que c'est Lucius s'approche de moi en prenant un chiffon.

- Je suis désolé, je n'ai pas su te défendre. C'est difficile de défier mon père, car même s'il est horrible, il reste mon géniteur.
- Il ne faut pas vous en vouloir monsieur. Cela m'a fait plaisir...

Je détourne le regard, gêné par les paroles qui viennent de sortir de ma bouche.

- Je peux t'aider ? Me demande-t-il alors
- Quoi ! Mais ! Vous ne pouvez pas, vous êtes un noble... Vous n'avez pas besoin de faire ces basses besognes.
- Arrête donc, je déteste ce système de caste sociale. Si je pouvais je ferais tout pour changer ce pays et mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Laisse moi t'aider s'il te plaît.
- A...alors vous pouvez... Sécher ces assiettes et ces verres.
- pas de problème, lâche-t-il dans un grand sourire.

𝕭𝖔𝖞 𝖒𝖆𝖎𝖉 (en Réecriture) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant