Chapitre 6 : voyage

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La nuit est tombée sur la baie de Ravel que nous survolons. Les étoiles se reflètent sur la mer si belle et si vaste dans une magnifique lumière. La lune vient se poser en plein centre et éclaire le joker de sa clarté extrême. Rien n'est plus beau que ce spectacle qui, pour moi, symbolise la paix et la tranquillité. Une chose me tracasse pourtant, je n'ai toujours pas demandé à Lucius de m'expliquer ce qu'il s'est passé avant notre fuite. Je devrais peut-être le lui demander maintenant, nous sommes seuls sur un petit balcon à l'arrière de la frégate, bien installés dans un grand sofa rouge et il s'est assoupi à mes côtés, en regardant le ciel. Je n'ose pas le réveiller. Il est si beau quand il dort, et il paraît si serein. Je viens poser ma main dans ses cheveux et joue avec quelques mèches rebelles. Dire qu'il y a quelques jours à peine je n'aurais même pas osé le toucher, tout est allé si vite. Lucius commence à bouger et il ouvre les yeux. Je retire ma main en vitesse.

- Tu peux continuer tu sais. Me dit-il en étirant ses bras dans un grand sourire. J'ai dormi longtemps ?

Je recommence à passer ma main dans ses cheveux avant de répondre.

- Une heure ou deux tout au plus.
- Merci d'être resté ici. Répond-il toujours aussi souriant. Ça me fait plaisir.
- C'est normal... Enfin...
- J'adore voir ta gêne quand je dis ce genre de chose.

Il se met à rire en me regardant ce qui me fait instantanément rougir. Je ne vois pas pourquoi ma gêne l'amuse.

- Lucius... Je voulais vous demander quelques chose.
- Tout ce que tu veux Banito !
- C'est quoi ce surnom ?
- Ça ne te plaît pas ? Je devrais peut-être en trouver un autre.
- Non c'est pas ça... mais...
- Ne t'en fais pas, tu t'y fera à cette vie de liberté. Tu t'es toujours senti inférieur mais je vais te faire monter. Et pour ça il faut passer par des petits gestes comme un surnom, ou le fait de passer ta main dans mes si tu le souhaite. Dit-il d'un ton plus sérieux.
- D'accord.

Un sourire se forme enfin sur mon visage qui, habituellement, reste fermé.

- Tu voulais me demander quoi ?
- Ah oui ! Je voulais savoir ce qu'il s'était passé au manoir... Avant que votre père...
- Ah, c'est vrai que je ne t'ai toujours pas expliqué. Ça va être assez long.
- Ce n'est pas grave, je suis tout ouïe.
- Alors je vais remonter jusqu'au jour où mon père t'as acheté.

Lucius vient poser sa tête sur mes épaules et commence son récit.

- Mon père disait depuis que je suis tout petit qu'il voulait profiter de la "bonté" de l'empereur pour s'occuper du manoir sans avoir a débourser un sous. Et c'est il y a dix ans qu'il est arrivé avec toi, Esteban, un jeune garçon nu et enchaîné dont il ne savait rien. Tu pleurais et tu avait un bandage légèrement ensanglanté au bras à cause de ta marque récente. Lorsque je t'ai vu, privé de vie à cause de mon père, pour la seule raison que tu ne lui coûterait que le prix d'achat j'ai commencé à haïr mon père. Et quand je l'ai surpris trois ans plus tard, en train de te... Enfin tu m'as compris... J'ai senti une haine encore plus viscérale monter. Tu n'avais que deux de plus que moi, toi aussi tu étais un enfant et pourtant tu vivais plus d'horreur qu'un prisonnier ou qu'un soldat en tant de guerre. J'ai alors commencé à vouloir détruire cet empire qui prive les hommes et les femmes de leur humanité. Mais à neuf ans... Je ne pouvais rien faire.

Lucius se crispe un peu.

- Quelques temps plus tard, j'ai compris quelque chose. Même si viser l'Empire était encore un peu trop élevé pour moi, je pouvais au moins t'aider toi. J'ai donc commencé a t'apprendre à lire et à écrire, ainsi qu'à compter. Je me disais qu'avec le temps je trouverais un moyen de me débarrasser de mon père pour te libérer et qu'à ce moment là tu pourrais vivre comme n'importe quel érudit. Mais tout s'est accéléré durant le cours de géographie d'il y a deux semaines, lorsque tu m'a dit qui était ton père. À ce moment là je me suis dit que c'était une chance inouïe. Pour viser l'empereur il me fallait quelque chose qui attise la colère du peuple ou quelqu'un. Et quoi de mieux pour inciter un peuple à détrôner son dirigeant que le fils d'un héros qui à été exécuté par ce même dirigeant. Je sais ce que tu vas te dire : que je n'aurais fais qu'utiliser ton image et celle de ton père. Mais c'est faux, si tu ne voulais pas de tout ça, j'aurais laissé tombé ce pays maudit et nous serions juste partis ailleurs pour vivre en paix.
- Je ne vais pas vous en vouloir. Vous avez toujours fait en sorte de me rendre la vie moins pénible et vous m'avez libéré. Même si je dois vous avouer que je ne m'intéresse pas vraiment à toutes ces histoires de rébellion... Mon père aurait sûrement bien voulu t'aider, enfin je suppose.
- Merci... Et désolé de t'avoir caché tout cela.
- Mais que s'est-il passé entre le cours de géographie et ce matin ?
- Et bien...

𝕭𝖔𝖞 𝖒𝖆𝖎𝖉 (en Réecriture) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant