J'attends Charlotte devant l'entrée de la patinoire. La météo est polaire, la température frôle les abysses et pourtant la neige tombe abondamment. Je me transforme en Olaf, la carotte en moins. Mon amie sait choisir ses moments pour se faire désirer. Heureusement , toujours prévoyante , j'ai sorti mon bonnet, mon écharpe et mes gants. J'ai plongé mes pieds dans la fourrure de mes Hugs. Je suis équipée pour une expédition aux pôles.
Surprise par l'immense foule qui tente de se frayer un passage jusqu'au guichet, je cherche à comprendre ce qui se passe. De nombreux adolescents et étudiants tentent d'obtenir une place pour entrer dans la patinoire. Au dessus de leur tête une affiche expose une patineuse en justaucorps. Elle porte une écharpe de miss en bandoulière . On peut y lire en gros caractères argentés : « élection de miss patinoire le dix décembre ». Je consulte mon téléphone : c'est aujourd'hui. Voilà qui explique l'affluence.
Rien n'arrive par hasard. Je suis persuadée que si le destin a décalé notre venue à la patinoire, c'est pour qu'on participe à ce concours. J'essaie d'en convaincre Charlotte qui vient de pointer le bout de son nez. L'idée ne la séduit pas immédiatement. Ses yeux plissés mi consternés, mi résignés, me demandent en silence dans quelle aventure je l'embarque.
- Allez chouquette, on se fou du résultat, on s'inscrit pour se marrer, la supplie je en réunissant mes mains sous mon menton.
Charlotte hésite. Je sais qu'elle est douée en patinage. Ce doit être le public qui l'effraie. Ignorant tout de la timidité, j'oublie que cette malédiction peut être un vrai handicap. Naïvement, j'ai toujours extrait le positif du regard des autres . La scolarité alternative que j'ai suivi n'y est certainement pas étrangère. Je lui propose qu'on se renseigne sur les conditions avant de prendre une décision.
J'interroge alors le groupe de nanas qui font la queue juste derrière nous. Elles gloussent tellement fort que j'ai compris en suivant leur conversation qu'une de leur amie s'est inscrite. Elles nous apprennent que trois défilés sont prévus, un en tenue libre, un autre en robe et le dernier, le traditionnel défilé en maillot de bain.
- Hey ! T'entends, il n'y a même pas de discours à faire. Tu défiles juste, tu suis le mouvement et c'est tout, aucun blabla, rassure je Charlotte.
- Oui ça c'est bien, mais heu... en maillot de bain sur la glace, on va se geler les fesses.
- C'est ça qui va être drôle, je rigole. Allez Chachou fait pas ta coincée, j'ajoute.
Ma pique semble faire mouche. Je sais très bien que Charlotte déteste que je mette en doute son audace. C'est trop simple de l'influencer là dessus. Après une courte réflexion, elle embrasse l'idée du concours et paraît même enthousiaste.
- Allons-y, dit-elle conquérante.
On quitte la file des spectateurs pour gagner l'entrée des participantes. Je m'accroche à sa taille et la suis en coulisse, une pointe d'adrénaline parcoure mon échine. Trois défilés pour la nouvelle fenêtre de mon calendrier, de quoi satisfaire mon goût pour l'exhibition.
Pour l'occasion, le club de patinage artistique a mis à disposition un lot d'anciens costumes dans lesquels on peut piocher. Il y a de tout, du sexy, de l'excentrique, de l'exotique, de la fourrure, des paillettes, du dénudé et encore bien plus. Je repère de loin une robe moulante, mais je dois d'abord passer au guichet des inscriptions.
Je remplie un formulaire que je remets à l'accueil avec ma carte d'identité. Par précaution mes papiers d'identité se trouvent toujours dans mon portefeuille qui obéit à un schéma de rangement précis . Majeure depuis déjà quatre ans ma candidature est acceptée sans embûches. Une dame m'enfile alors un badge autours du cou qui me donne accès à toute la patinoire et me permet de consommer gratuitement.
Charlotte qui n'a pas prévu le coup est contrainte de recopier et signer une attestation de majorité sur l'honneur, ce qui lui prend un paquet de temps. Quand elle finit par me rejoindre, j'ai déjà choisi mes tenues que je lui montre. J'ai aussi mis de côté des choses qui pourraient lui plaire. Elle valide tout, tant mieux car notre inscription de dernière minute ne nous offre pas le luxe de chipoter.
La robe moulante que je convoitais est déjà partie mais j'ai trouvé mieux. La robe noire en dentelles pour laquelle j'ai opté est mille fois plus classe. Quant au maillot de bain, on a pas le choix, c'est le même pour toutes les participantes. Un deux pièces doré très sobre.
On se maquille à outrance, comme des danseuses de cabaret. De près, l'épaisse couche de fard à paupières qui surligne nos yeux est excessive, mais sur la piste avec les lumières du show, elle ne sera pas de trop pour mettre en avant nos regards. J'ai opté pour le noir et charlotte pour l'argenté afin de se marier avec nos costumes libres. On enfile nos tenues et on se dirige vers la glace.
Assise sur un banc, on prend le temps de nouer nos patins, pendant que le présentateur chauffe la salle. La clameur qui s'échappe des gradins est monumentale. Aucun siège n'est resté vide. Les spectateurs font la olla, chantent et frappent dans leurs mains entraînés par un orchestre de cuivre. Leur impatience et leur curiosité s'envolent des tribunes, jusqu'à nous.
Les doigts de Charlotte tremblent, l'empêchant de serrer correctement ses lacets. Je m'agenouille devant elle et réalise deux forts doubles noeuds à sa place.
- Ne t'inquiète pas chouquette, tu es magnifique et tu patines divinement bien, je la rassure. Tu ne serras pas seule. On est un duo. Toi et moi sur la glace, ajoute-je.
Charlotte me prend les mains et me broie les doigts. Je sens son pouls cogner rapidement dans son poignet.
- J'ai vraiment trop peur Sandra, je ne suis pas sure d'arrivé à y aller. Comment tu fais toi ? Se confit-elle
A vrai dire j'ignore pourquoi la trouille ne m'envahit pas. Je ressens évidement une appréhension à l'idée de m'exposer au regard du public, mais cette anxiété est masquée par l'adrénaline. Je suis surexcitée. Je prend Charlotte dans mes bras et embrasse son front.
- Le plus dur ce sont les premiers pas, après tu vas adorer. Crois moi. Arrêtes de réfléchir.
De toute façon on a plus le temps. Le présentateur annonce le premier défilé en tenues libres. La cinquantaine de candidates, nous y compris, se mettons en branlent pour gagner la glace. La ferveur de la salle est immense. Chaque entrée d'une nouvelle candidate donne lieux à son lot de sifflets, d'exclamations et de commentaires plus ou moins forts mais toujours plutôt bon enfant.
Je fais une dernière accolade à Charlotte, puis nous pénétrons ensemble dans la patinoire. Alors que chaque fille entrent séparément une par une, laissant une distance calculée entre elles, Charlotte et moi plongeons en même temps dans l'arène. Elle est déguisée en ange et moi en diablesse. Notre entrée en duo fait l'unanimité au sein du public qui fait exploser les décibels.
Main dans la main, nous suivons le parcours tracé au sol. Les lumières éblouissantes ne nous permettent pas de distinguer des visages dans la foule, on perçoit seulement des silhouettes. On marque un temps d'arrêt devant les juges en prenant soin de prendre des pauses sensuelles, puis on se dirige vers la sortie. La crispation de charlotte
laisse place à l'allégresse.- wooo, c'était génial ! C'est passé trop vite putain, s'esclaffe t-elle.
On se dépêche d'enfiler nos maillots de bain. Aucun haut n'est à ma taille. Je comprime ma poitrine pour la faire tenir dans un modèle trop petit. L'effet push-up est incroyable.
Cette fois ci nous défilons séparément Charlotte et moi. La lumière est plus douce que pour le premier passage. La foule est moins flou, on visualise les personnes et on peut même capter des sourires. Les visages des juges deviennent nets et leurs expressions faciales visibles. Leurs examens insistants sont amusants et je me plaît à soutenir
leurs regards.C'est alors que je le vois. Ronald est installé au deuxième rang, juste derrière le jury, une place de choix. Il me détaille intensément et semble apprécier le spectacle. Une blondinette appuie sa tête sur son épaule, sa main droite poser sur la cuisse de rouquin, de MON rouquin.
La colère me submerge. Un sentiment inconnu diffuse son venin dans mes veines. Je crois que c'est ce que les gens appellent la jalousie. Merde, je suis jalouse. Pourquoi suis-je jalouse ?
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Calendrier du hard
RomanceCette année les festivités de Noël n'ont pas beaucoup de saveurs pour Sandra. Toujours imprégnée par la relation toxique avec son ex, les fêtes lui semblent fades. Alors lui vient une idée, un calendrier de l'avent érotique. Un plaisir charnel par...