Hanna fila chez son amie. Elle savait à quel point elle aimait ce chat, qui lui avait été offert par son frère Rayan après la mort de leurs parents. Il n'était alors qu'un chaton. Elle s'était accrochée à ce petit animal qui l'avait aidé à surmonter sa peine et la dépression dans laquelle elle était plongée après la perte de ses parents, à la suite d'un accident de la route. Perdre son père et sa mère à la fois est un choc brutal, surtout dans ces conditions-là. Hanna avait vu son amie habituellement si joyeuse sombrer dans une tristesse profonde. Elle était extrêmement proche de sa famille. Étant la petite dernière, elle avait été tellement choyée. Il ne lui restait à présent que son frère, qu'elle aimait plus que tout, mais qui vivait loin d'elle et qu'elle ne voyait donc qu'à l'occasion de fêtes ou lors des vacances. C'est pourquoi il lui avait offert cet animal (sur les conseils d'un thérapeute) qu'elle baptisa Kitty Kat, afin de lui tenir compagnie. C'était bien avant qu'elle ne rencontre Lucas. Elle avait donné aux filles les clés de chez elle afin qu'elles puissent venir le nourrir quand elle devait s'absenter. Ce chat était tout pour elle. Il représentait l'espoir, la guérison. C'était un membre de sa famille, son petit bébé...

          — Qu'est-ce qu'il s'est passé ?? demanda Hanna en enlaçant Ema.

          — Il...il...il est...mort, répondit Ema en sanglotant.

          — Comment ? Hanna priait pour que ce ne soit pas sur la route, car elle savait que cela rappellerait à son amie les heures les plus sombres de son passé.

          — Il...il...a dû...dû...s'étouffer...

          — Je suis vraiment désolée... Hanna la serra plus fort en essayant de sécher ses larmes. Elle attendait que son amie se calme un peu pour pouvoir en savoir plus. Apparemment, c'est le gardien de l'immeuble qui avait retrouvé Kitty Kat mort dans la cour, étendu de tout son long, les yeux révulsés. La mort était récente et le corps n'avait donc pas eu le temps d'entrer en état de putréfaction, une vision qui aurait totalement traumatisé Ema si elle avait été amenée à être celle qui l'avait découvert. Il avait conclu à une mort par étouffement ou empoisonnement après avoir retrouvé quelque chose coincé dans la bouche du pauvre animal.

          — Qu'est-ce que c'était ? demanda Hanna.

          — Une saloperie d'herbe ou de plante je ne sais pas. Pourtant il n'est pas du genre à manger n'importe quoi... Mais on ne sait jamais avec les animaux, ils sont comme les enfants...

          Le gardien s'était chargé d'enterrer l'animal au plus vite, afin d'éviter la peine de devoir se charger du cadavre à Ema dont il connaissait un peu l'histoire. Hanna prit soin de prévenir Karina qui rappliqua chez Ema aussi vite qu'elle put. Ema avertit Lucas via Skype de ce qu'il venait d'arriver. Il proposa de rentrer immédiatement, mais elle lui dit que ce n'était pas nécessaire, qu'il se devait de remplir ses obligations professionnelles. Elle insista là-dessus. Hanna et Karina avaient promis de s'occuper d'elle en attendant son retour. Depuis la perte de ses parents, Ema avait du mal à faire face à la mort, même lorsqu'il ne s'agissait que de fiction, comme lorsqu'elle regardait un film. C'était un sujet qui la rendait plus que sensible. Ses amies décidèrent donc de passer la nuit chez elle pour ne pas la laisser seule. Elles étaient toutes les trois, réunies, et soudées.

   ****

          Au petit matin Hanna avait dû, à contrecœur, s'en aller au travail. Ema, toujours dévastée par la perte de ce petit être cher, avait appelé son bureau afin de prévenir qu'elle ne viendrait pas travailler : elle n'avait pas le cœur à ça ni à rien d'autre d'ailleurs. Ce n'était pas son genre de « sécher », car elle aimait son travail, c'est pourquoi ses collègues comprirent l'importance de l'événement qui l'avait bouleversé et lui avaient assuré qu'il n'y aurait aucun problème à ce qu'elle prenne un peu de repos. Karina, ne voulant pas la laisser seule, annula tout ce qu'elle avait prévu de faire durant la journée. Ema avait bien essayé de l'en dissuader, assurant qu'elle pouvait et voulait (ce qui était totalement faux) rester seule, mais rien n'y fit. Rina pouvait être une vraie tête de mule quand elle le voulait. La décision était prise : elles passeraient toute la journée ensemble chez Ema, en pyjama, à engloutir des litres de glaces, gâteaux et autres douceurs peu conseillés pour la ligne, mais qui en temps de crise, allez savoir pourquoi, aidaient à panser les blessures du cœur. Ema était ravie d'avoir Karina à ses côtés durant cette épreuve. Tout dans l'appartement lui rappelait son Kitty Kat, ses croquettes, ses petites affaires décimés ici et là. À tout instant elle s'attendait à le voir apparaitre, bondissant vers elle, se frottant à ses jambes, mais il n'apparaissait pas... Rina l'avait bien senti, mais elle ne voulait pas prendre le risque de brusquer les choses en se débarrassant de toutes ces affaires. Il était encore trop tôt. Elle se contenta d'être là, d'être présente, et d'essayer de lui changer les idées en lui parlant de tout ce qui lui passait par la tête. Karina avait le don d'apaiser les gens par la parole, étant elle-même calme de nature, et d'une douceur qui semblait être à toute épreuve. C'était tout ce dont Ema avait besoin. Elle, qui peu de temps auparavant s'était plainte des absences répétées de son amie, l'avait à ce moment précis rien que pour elle. Elle était touchée par toutes les petites attentions auxquelles elle avait droit, et du fait qu'elle n'avait pas hésité à tout laisser tomber pour elle. Elle savait ce que cela signifiait. Karina vivait un moment important de sa vie et de sa carrière, un moment qu'elle avait longtemps espéré, attendu. Ema savait que le temps était venu pour Karina de surfer sur la vague, car on ne sait combien de temps elle vous portera, avant de venir mourir lentement sur le rivage, vous jetant sur le sable. Il ne reste alors que de l'écume. L'intérêt suscité sur les réseaux sociaux est tout aussi éphémère que l'existence d'une vague. Elle avait tout laissé tomber pour elle, la positionnant elle et leur amitié à la première place. Cela lui fit vraiment chaud au cœur.

Beauté EmpoisonnéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant