Beauté Empoisonnée

XII

       

Boostée par les paroles de Marie, mais aussi de Rizwan, Hanna était bien décidée à mener une enquête sérieuse et profonde. Ils avaient tous les deux raison : cette démarche était en réalité capitale, pour la paix de son esprit, et celle de l'âme d'Ema. Elle avait pris le temps de réfléchir à ce qu'elle allait faire. Elle avait appris à faire des enquêtes au cours de sa formation, mais depuis le début de sa carrière, elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de mettre en pratique ce qu'on lui avait enseigné. Ces dernières années, elle était plus habituée à s'occuper de potins de stars plutôt que d'affaires criminelles. Bien sûr, comme beaucoup de gens, elle avait visionné des épisodes de ces célèbres séries télévisées policières. Mais la vie était bien différente de ces fictions. Il lui revint en mémoire ce que Karina lui avait dit un jour : il faut parfois plusieurs années avant de résoudre une affaire. Cela faisait carrément plus que les 45 minutes d'un épisode... Elle devait donc se préparer à un combat de longue haleine. Malgré tout, elle était déterminée à faire en sorte qu'il soit le plus court possible. Sa plus grande arme était sans conteste sa motivation. Ce qu'elle comptait entreprendre, cette enquête, c'était là la dernière chose qu'elle pourrait jamais faire pour Ema.

La première chose qu'elle avait à faire, le point de départ de sa mission, c'était se renseigner sur les causes exactes de la mort de sa meilleure amie. Elle allait devoir se confronter à ce qu'elle avait à tout prix évité jusqu'à présent. Il lui fallut un moment avant d'être prête à se jeter à l'eau et se sentir assez forte pour entendre les détails concernant ce crime, qui seraient peut-être sordides et crus. Le moment venu, elle se décida à contacter le lieutenant de police en charge de l'enquête. Elle lui avait déjà parlé juste après la découverte du corps. Il lui avait posé quelques questions, la routine dans ce genre de cas s'était elle dite. Il en avait fait de même avec tout l'entourage d'Ema. Elle savait que dans le cadre de son enquête, elle devrait sûrement en faire autant. La première fois qu'elle avait parlé à ce lieutenant, elle avait eu du mal à lui répondre tant le choc était grand. Aujourd'hui elle se sentait prête à creuser. Peut-être qu'en se présentant comme l'une des personnes les plus proches de la victime et en répondant de nouveau aux questions qu'il pourrait avoir à ce stade, il consentirait à partager les informations qu'il avait jusqu'ici. Elle était prête à tout, collaborer, fouiller, user de son charme...

Assise sur une chaise pas vraiment confortable, devant un bureau où la paperasse s'entassait en différentes piles, Hanna attendait. Elle avait réussi à obtenir un rendez-vous. Il faisait horriblement chaud dans ce bureau, un vrai four ! Elle se disait que si elle avait commis un méfait, avec la chaleur quasi infernale qu'il faisait, elle aurait sûrement craqué et tout avoué... Karina aurait détesté cet endroit, mauvais pour la tenue de son maquillage. Elle s'imaginait Marie assise à côté d'elle et râlant comme elle savait si bien le faire. Puis elle se mit à penser à Ema : elle, elle se serait sûrement levée et en chantant du Joe Cocker aurait retiré ses vêtements en dansant à la manière de Kim Bassinger dans 9 Semaines et Demie. Cette pensée la fit rire, car elle pouvait parfaitement s'imaginer la scène. Puis elle remplaça Ema par Rizwan dans son imagination... Ça, c'est quelque chose qu'elle aurait à coup sûr aimé voir ! Plongée dans ses délires, elle n'avait même pas remarqué la présence du Lieutenant de retour dans son bureau avec un verre d'eau qu'il lui tendait depuis une bonne minute. Confuse, elle le prit et le but d'un trait : il lui fallait bien ça pour se calmer et revenir à la réalité.

Le Lieutenant était un homme plutôt charmant, dans la quarantaine, blond aux yeux bleus. Il avait une petite cicatrice en forme de croix sur la joue, peut-être un cadeau d'une de ses missions. Il était assez détendu, et se montrait compatissant, ce qui plut énormément à Hanna. Elle avait eu peur d'avoir affaire à quelqu'un de brusque, mais ce n'était pour le moment pas le cas.