Beauté Empoisonnée

XI

— OK OK c'est bon je retire ce que j'ai dit tu sais twerker !

Rizwan s'arrêta et récupéra son sac à dos en riant, puis se remit à marcher. Hanna se dit qu'elle n'avait pas autant ri depuis la mort d'Ema. C'était d'ailleurs la première fois qu'elle repensait à cette tragédie depuis qu'elle était allée retrouver Riz au centre. Cela constituait un record pour elle. Il avait cette faculté à la distraire et lui faire relativiser les choses... Elle ne pouvait se l'expliquer, mais cela lui faisait beaucoup de bien. La phrase la vie continue prenait alors son sens.

Ils s'arrêtèrent un peu plus loin devant un pub qui passait de la musique latine. C'était l'endroit où Rizwan avait, semble-t-il, prévu de l'emmener, un endroit coloré et chaleureux. Ils s'installèrent à une petite table au fond.

Une fois bien installés, la première chose qu'Hanna tenu à faire était de s'excuser à nouveau. Riz lui répondit alors que ce n'était pas nécessaire.

— Ne t'inquiètes pas je comprends. Ce n'est pas facile ce que tu vis... Je sais très bien que ce n'est pas n'importe qui que tu as perdu. J'ai bien vu à quel point vous étiez proches...

— Oui, mais tu as été vraiment sympa avec moi, tu m'as amené à manger et tout. J'aurais dû répondre et ouvrir, ne serait-ce qu'une fois pour te remercier...

— Tu l'as fait là, c'est bon, ça me suffit, répondit Riz en souriant.

Hanna lui raconta à quel point elle était touchée par la mort d'Ema, qu'elle n'était pas sortie, ne se douchait plus, ne mangeait que peu, jusqu'à ce que sa collègue vienne la tirer de sa torpeur.

— J'ai connu ça aussi, lui dit Riz.

— Ah bon ? s'étonna Hanna.

— Oui. J'ai perdu l'un de mes meilleurs amis quand j'avais 22 ans, répondit-il.

— Toutes mes condoléances... Qu'est-ce qu'il lui est arrivé si ce n'est pas trop indiscret ? demanda-t-elle.

— Accident de voiture, son frère et lui sont morts sur le coup. Perdre deux enfants comme ça, ça a été dur pour la famille...

— J'imagine...

— À ce moment-là, j'étais jeune, mes potes et moi on aimait faire les fous sur la route. Ça nous a calmés tout de suite. J'ai été triste et en colère pendant longtemps.

— À quel moment la douleur a fini par passer ?

— Tu sais, quand tu perds quelqu'un de vraiment proche, la douleur ne passe jamais... Tu apprends juste à vivre avec. C'est plus dur à des dates symboliques, mais le reste du temps tu arrives plus ou moins à la contrôler. À un certain moment, tu ne penses plus qu'aux bons moments passés ensemble et ça te fait sourire. 

Enfin quelqu'un d'honnête se dit Hanna. Pour une fois on ne lui avait pas servi le fameux couplet de « ça passera avec le temps, la vie continue ». Le visage de Riz s'était quelque peu assombri. Il fixait un coin de la table, l'air perdu dans ses pensées. Puis il se mit à raconter des anecdotes, des choses marrantes qu'il avait faites avec son ami décédé. Cela rappela à Hanna des bonnes tranches de rigolade qu'Em et elle s'étaient payées, souvenirs qu'elle partagea avec Riz. Toutes ces histoires provoquèrent des fous rires à la chaîne. Mais avec toute cette nostalgie, Hanna ne put éviter de laisser échapper une larme qui coula le long de sa joue. Rizwan la vit et l'essuya d'un geste de la main, telle une caresse, sans rien dire. Bien qu'elle passait un excellent moment en compagnie de Riz, Hanna ne put s'empêcher d'être soudainement triste : qu'est-ce qu'Ema lui manquait...