Beauté Empoisonnée

XVIII

       

            — C'est Rina... C'est Rina... Rina, répétait Hanna tel un disque rayé. Voir cette photo sur laquelle Karina apparaissait toute souriante, le visage rayonnant, portant la fameuse veste lui provoqua un véritable choc.

— Tu te souviens quand on s'était croisé dans la rue, avant d'aller acheter ta voiture, et que je t'avais dit que j'avais cru te voir la veille, je suis sûr que c'était elle en fait ! De loin et en brune vous vous ressemblez ! Je n'avais pas pensé à elle, parce que lorsque je l'avais vu au magasin la première fois avec toi, elle était blonde ! Elle devait se rendre dans la boutique de produit de beauté ou en ressortir... Elle a volé la veste d'Ema et mis des lunettes de soleil pour cacher son visage ! Elle en avait aussi au rassemblement après la mort d'Ema ! Rizwan était tout retourné.

— Elle n'a pas eu à la voler, on se prêtait nos affaires tout le temps... Hanna réfléchissait. Le jour où l'on a pris cette photo, elle était resplendissante et je me suis dit waouh c'est le fait de repasser au brun. Le jour où l'on m'a dit que son nombre d'abonnés sur les réseaux sociaux avait grimpé en flèche, tout comme le nombre de vues sur ses tutos, je me suis dit génial son changement de look et son talent ont payé. Alors qu'en réalité... elle utilisait une foutue plante ?

— L'histoire de l'ami de Lucas qui quitte une soirée au bras de la princesse Blanche-Neige et se réveille au côté de Chuky la poupée qui tue, ça ne te rappelle pas quelque chose ? Un certain médecin devenu maire par exemple...

— Sa popularité n'a fait que de grandir. Elle croule sous les propositions, dit Hanna en fixant un coin du mur, comme si sur celui-ci apparaissaient toutes les réponses aux questions qu'ils s'étaient posées jusque-là.

— Elle ne fait pourtant rien d'extraordinaire. Au lieu de maire elle est devenue reine, des réseaux sociaux, communauté des internautes. Très XXIe siècle tout ça...

— On n'a pas retrouvé de Litsooí ici parce que c'est elle, pas Lucas, elle. Elle doit l'avoir chez elle, ou sur elle, dit Hanna en se parlant à elle-même.

C'est comme si le ciel lui était tombé sur la tête. Imaginer que Lucas pouvait être le meurtrier était déjà très choquant pour elle. Mais Lucas avait été un élément ajouté à leur petit groupe, tandis que Karina, elle, était le groupe ! Karina, Ema et elle avaient tout partagé durant des années, leurs joies, leurs peines, leurs rêves, leurs affaires... Elles étaient comme des sœurs nées d'autres mères, devant qui chacune pouvait se mettre émotionnellement à nue sans risquer de voir ses épanchements être pris comme des signes de faiblesse ou utilisés contre soi. Elle criait à qui voulait l'entendre que leur amitié était tout ce qu'il y avait de plus solide, et avait toujours considéré que c'était ce qu'elle avait de plus précieux. Elle se souvint tout à coup de la conversation qu'elle avait eue avec Marie, où justement, elle avait fait l'éloge de cette si belle amitié dans laquelle une confiance totale régnait. Marie lui avait alors répondu une phrase qui résonna dans sa tête à plusieurs reprises : de la confiance nait la trahison. Elle était en plein dedans ! Marie n'avait jamais aimé Karina, la qualifiant constamment d'intrigante. Hanna pensait qu'elle n'adhérait tout simplement pas au personnage, comme cela peut arriver parfois. Mais il semblerait qu'elle avait en réalité su voir quelque chose que ni Ema ni elle-même n'avaient vu. Karina avait-elle feint tous ses bons sentiments ? Ou avait-elle tout simplement changé au fil du temps, sans qu'elle puisse vraiment s'en apercevoir ? Marie avait-elle vu à travers le masque ou avait-elle était visionnaire ? Dans tous les cas, la trahison de Karina était bien réelle : elle avait craché sur son amitié avec Ema, son amitié avec Hanna, sur la confiance de Lucas, et même sur son humanité. Hanna se disait qu'il fallait être dépourvu d'âme pour ôter la vie à une personne qui vous aurait donné le monde sans concessions. Elle avait également froidement ôté la vie à un pauvre animal sans défense.