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— Si j'ai bien compris, dit-il faussement contrarié, il vous faudrait croiser la route de six personnes avant de pouvoir enfin rencontrer l'homme de votre vie ?

— Celui qui comptera le plus dans ma vie, précisa-t-il.

— C'est la même chose, j'imagine. Et vous ne lui avez posé aucune question concernant cet homme, son identité, l'endroit où il pouvait bien se trouver ?

— Non, elle m'a juste affirmé qu'il était passé derrière moi alors que nous parlions, rien d'autre.

— C'est bien peu de chose en effet, poursuivit Chanyeol, songeur. Et elle vous a parlé d'un voyage ?

— Oui, je crois, mais tout cela est absurde, je suis ridicule de vous raconter cette histoire à dormir debout.

— Mais cette histoire à dormir debout, comme vous dites, vous a tenu éveillé une bonne partie de la nuit.

— J'ai l'air si fatigué

— Je vous ai entendu faire les cent pas chez vous. Les murs qui nous séparent sont vraiment faits de papier mâché.

— Je suis désolé de vous avoir dérangé...

— Bien, je ne vois qu'une solution pour que nous retrouvions tous les deux le sommeil, je crains que le Noël de nos canards ne doive attendre jusqu'à demain.

— Pourquoi ça ? questionna Baekhyun alors qu'ils arrivaient devant chez eux.

— Montez vous chercher une bonne écharpe, je vous retrouve ici dans quelques minutes.

« Quelle drôle de journée ! » se dit Baekhyun en grimpant l'escalier. Cette veille de Noël ne se déroulait pas du tout telle qu'il l'avait imaginé. D'abord ce petit déjeuner impromptu avec son voisin qu'il supportait à peine, ensuite leur conversation plutôt inattendue... et pourquoi lui avoir confié cette histoire qu'il jugeait absurde et inconséquente ?

Il ouvrit le tiroir de sa commode, il avait dit une bonne écharpe, il eut un mal fou à en choisir une qui s'accordait bien.

Il se regarda dans le miroir, remit un peu d'ordre dans ses cheveux, et renonça à faire d'autres changements, puisqu'il ne s'agissait là que d'une simple promenade de courtoisie.

Il sortit enfin de chez lui, mais, quand il arriva dans la rue, Chanyeol n'était pas là. Peut-être avait-il déjà changé d'avis ; après tout, l'homme était plutôt original.

Deux petits coups de klaxon, et une Austin 10, couleur bleu nuit, se rangea le long du trottoir. Chanyeol en fit le tour pour ouvrir la portière passager à Baekhyun.

— Vous avez une voiture ? dit-il, surpris.

— Je viens de la voler.

— Sérieusement ?

— Si votre voyante avait prédit que vous alliez rencontrer un éléphant rose dans la vallée du Pendjab*, vous l'auriez crue ? Évidemment que j'ai une voiture !
*région du sous-continent indien

Merci de vous moquer de moi aussi ouvertement, et pardonnez mon étonnement, mais vous êtes la seule personne que je connaisse qui possède sa propre voiture.

— C'est un modèle d'occasion et c'est loin d'être une Rolls, vous le constaterez très vite aux suspensions, mais elle ne chauffe pas et remplit honorablement sa mission. Je la gare toujours quelque part aux carrefours que je peins, elle est présente dans chacune de mes toiles, c'est un rituel.

— Il faudrait qu'un jour vous me montriez ces toiles, dit Baekhyun en s'installant à bord.

Chanyeol bredouilla quelques mots incompréhensibles, l'embrayage craqua un peu et la voiture s'élança sur la route.

— Je ne voudrais pas vous paraître curieux, mais pourriez-vous me dire où nous allons ?

— Où voulez-vous que l'on aille, répondit Chanyeol, à Jijoula bien sûr !

— À Jijoula ? Pour quoi faire ?

— Pour que vous interrogiez cette voyante et lui posiez toutes les questions que vous auriez dû lui poser hier.

— Mais c'est totalement dingue...

— Nous y arriverons dans une heure trente, deux heures si la route est verglacée, je ne vois rien de dingue à cela. Nous serons rentrés avant le crépuscule et, quand bien même la nuit nous surprendrait sur la route du retour, les deux grosses boules chromées que vous apercevez devant vous de chaque côté de la calandre, ce sont des phares... Vous voyez, rien de bien périlleux ne nous attend.

— Monsieur Park, auriez-vous l'extrême amabilité d'arrêter de vous moquer de moi à tout bout de champ ?

— Monsieur Byun, je vous promets de faire un effort, mais ne me demandez tout de même pas l'impossible.

Ils quittèrent la ville, Chanyeol demanda à Baekhyun de bien vouloir prendre la carte routière dans la boîte à gants et de localiser Jijoula, quelque part au sud. Baekhyun lui indiqua de tourner à doite, puis de faire demi-tour, car il tenait la carte dans le mauvais sens. Après quelques errements, un piéton les remit sur le bon chemin.

Plus tard, Chanyeol dut ralentir l'allure, la campagne était blanche, le pare-brise givrait et la voiture dérapait dangereusement dans les virages. Une heure plus tard, ils avaient si froid qu'il leur était impossible de tenir la moindre conversation. Chanyeol avait poussé le chauffage à fond, mais le petit ventilateur ne pouvait lutter contre l'air glacial qui s'engouffrait sous la capote. Ils firent une halte à une auberge et s'y réchauffèrent un long moment, attablés au plus près de la cheminée. Après une dernière tasse de thé brûlant, ils reprirent la route.

Chanyeol annonça que Jijoula n'était plus très loin. Mais n'avait-il pas promis que le voyage ne durerait que deux heures au plus ? Il s'en était écoulé le double depuis leur départ.

Lorsqu'ils arrivèrent enfin à destination, les attractions foraines commençaient à fermer, la longue jetée était déjà presque déserte, les derniers promeneurs rentraient chez eux pour se préparer à fêter Noël.

— Bien, dit Chanyeol en descendant de la voiture et sans s'inquiéter de l'heure. Où se trouve donc cette voyante ?

— Je doute qu'elle nous ait attendus, répondit Baekhyun en se frictionnant les épaules.

— Ne soyons pas pessimistes et allons-y.

Baekhyun entraîna Chanyeol vers la billetterie ; le guichet était fermé.

— Parfait, dit Chanyeol, l'entrée est gratuite.

Devant le kiosque où il avait la veille fait cette étrange rencontre, Baekhyun ressentit un profond mal-être, une inquiétude soudaine qui lui serrait la gorge. Il s'arrêta, et Chanyeol, devinant son malaise, se tourna face à lui.

— Cette voyante n'est qu'une femme comme vous et moi... enfin, vous m'avez compris. Bref, ne soyez pas inquiet, nous allons faire le nécessaire pour vous désenvouter.

— Vous vous moquez encore de moi.

— Je voulais juste vous faire sourire. Baekhyun, allez écouter sans crainte ce que cette vieille folle a à vous dire et, sur la route du retour, nous rirons tous les deux de ses inepties. Et puis une fois chez nous, dans l'état de fatigue où nous nous trouverons, voyante ou pas, nous dormirons comme des anges. Alors, soyez courageux, je vous attends, je ne bouge pas d'un pouce.

— Merci, vous avez raison, je me conduis comme un gamin.

— Oui... bon... maintenant, filez, il vaudrait quand même mieux rentrer avant qu'il ne fasse nuit noire, ma voiture n'a qu'un seul phare qui fonctionne.

Baekhyun avança vers le kiosque. La devanture était fermée, mais un rai de lumière s'échappait des volets. Il fit le tour et frappa à la porte.

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Le VoisinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant