13.

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La semaine passa, interminable. Baekhyun n'avait plus de fièvre, mais il était incapable de se remettre au travail, il sentait à peine le goût des aliments. Chanyeol ne s'était plus manifesté. Baekhyun avait frappé plusieurs fois à sa porte, l'appartement de son voisin restait invariablement silencieux.

Seulgi lui avait rendu visite entre chacune de ses gardes, lui apportant des provisions et les journaux qu'elle chapardait dans la salle d'attente de l'hôpital. Un soir, elle était même restée dormir, trop épuisée pour traverser dans le froid de l'hiver les trois rues qui la séparaient de chez elle.

Seulgi avait partagé le lit de Baekhyun, et avait secoué son ami de toutes ses forces au milieu de la nuit, pour le réveiller d'un cauchemar qui occupait désormais presque tous ses sommeils.

Samedi, alors que Baekhyun se réjouissait de se retrouver à sa table de travail, il entendit des pas sur le palier. Il repoussa son fauteuil et se précipita à la porte. Chanyeol, rentrait chez lui, une petite valise à la main.

— Bonjour Baekhyun, dit-il sans se retourner.

Il fit tourner la clé dans la serrure et hésita avant d'entrer.

— Je suis désolé, je n'ai pas pu vous rendre visite, j'ai dû m'absenter quelques jours, ajouta-t-il toujours le dos tourné.

— Vous n'avez pas à vous excuser, je m'inquiétais simplement de ne plus vous entendre.

— Je suis parti en voyage, j'aurais pu vous laisser un mot, mais je ne l'ai pas fait, dit-il le visage collé à sa porte.

— Pourquoi me tournez-vous le dos ? demanda Baekhyun.

Chanyeol se retourna lentement, il avait une mine blafarde, les paupières cernées, les yeux rouges et humides.

— Ça ne va pas ? demanda Baekhyun, inquiet.

— Si, moi ça va, répondit Chanyeol, mon père en revanche a eu la fâcheuse idée de ne pas se réveiller lundi dernier. Nous l'avons enterré il y a trois jours.

— Venez, dit Baekhyun, je vais vous faire du thé.

Chanyeol abandonna sa valise et suivit son voisin. Il se laissa choir dans le fauteuil, en grimaçant. Baekhyun tira le tabouret et s'installa en face de lui.

Chanyeol contemplait la verrière, le regard perdu. Baekhyun respecta son silence et resta ainsi presque une heure sans dire un mot. Puis Chanyeol soupira et se leva.

— Merci, dit-il, c'était exactement ce dont j'avais besoin. Je vais rentrer chez moi maintenant, prendre une bonne douche et, hop, au lit.

— Juste avant le hop, venez dîner, je préparerai une omelette.

— Je n'ai pas très faim, répondit-il.

— Vous mangerez quand même, c'est nécessaire.

Chanyeol revint un peu plus tard, il portait un pull à col roulé et un jean troué, les cheveux toujours en bataille et les yeux cernés.

— Pardonnez mon apparence, dit-il.

— Vous êtes ravissant, répondit Baekhyun en l'accueillant chez lui.

Ils dînèrent devant la malle, Baekhyun avait ouvert une bouteille de gin, Chanyeol buvait volontiers, mais n'avait aucun appétit. Il se força à manger un peu d'omelette, par pure courtoisie.

— Je m'étais juré, dit-il au milieu d'un silence, d'aller un jour m'entretenir d'homme à homme avec lui. De lui expliquer que la vie que je menais était celle que j'avais choisie. Je n'avais jamais jugé la sienne, il y aurait pourtant eu tant à en dire, et j'attendais de lui qu'il fasse de même.

— Même s'il s'interdisait de vous le dire, je suis certain qu'il vous admirait.

— Vous ne l'avez pas connu, soupira Chanyeol.

— Quoi que vous pensiez, vous étiez son fils.

— J'ai souffert de son absence pendant trente ans, je m'y étais résolu. Et maintenant qu'il n'est plus là, étrangement, la douleur semble plus vive.

— Je sais, dit Baekhyun à voix basse.

— Hier soir, je suis entré dans son bureau. Ma mère m'a surpris alors que je fouillais les tiroirs. Elle a pensé que je cherchais son testament, je lui ai répondu que je me moquais bien de ce qu'il pouvait me léguer, je laissais ce genre de préoccupations à mes frère et sœur. La seule chose que j'espérais trouver était un mot, une lettre qu'il m'aurait laissée. Ma mère m'a pris dans ses bras et m'a dit : « Mon pauvre chéri, il ne t'en a écrit aucune. » Je n'ai pas réussi à pleurer alors que son cercueil descendait en terre ; je n'avais pas pleuré depuis l'été de mes dix ans, lorsque je m'étais sérieusement ouvert le genou en tombant d'un arbre. Mais, ce matin, alors que la maison où j'ai grandi disparaissait dans mon rétroviseur, je n'ai pu retenir mes larmes. J'ai dû m'arrêter sur le bord de la route, je n'y voyais plus rien. Je me suis senti si ridicule dans ma voiture à pleurer comme un gosse.

— Vous étiez redevenu un enfant, Chanyeol, vous veniez d'enterrer votre père.

— C'est drôle, voyez-vous, si j'avais été pianiste, il en aurait peut-être tiré une certaine fierté, peut-être même serait-il venu m'écouter jouer. Mais la peinture ne l'intéressait pas. Pour lui, ce n'était pas un métier, au mieux un passe-temps. Enfin, sa mort m'aura donné l'occasion de revoir ma famille au grand complet.

— Vous devriez peindre son portrait, retourner dans votre maison et l'accrocher en bonne place, dans son bureau par exemple. Je suis certain que, d'où il est, il en serait bouleversé.

Chanyeol éclata de rire.

— Quelle horrible idée ! Je ne suis pas assez cruel pour faire un coup aussi vachard à ma mère. Trêve de pleurnicheries, j'ai suffisamment abusé de votre hospitalité. Votre omelette était délicieuse et votre gin, dont j'ai aussi un peu trop abusé, encore meilleur. Puisque vous êtes guéri, je vous donnerai une nouvelle leçon de conduite quand je serai, disons, en meilleure forme.

— Avec plaisir, répondit Baekhyun.

Chanyeol salua son voisin. Lui qui se tenait d'ordinaire si droit avait le dos un peu voûté, la démarche hésitante. Au milieu du palier, il se ravisa, fit demi-tour, entra à nouveau chez Baekhyun, saisit la bouteille de gin et repartit chez lui.

Baekhyun se coucha aussitôt après le départ de Chanyeol, il était épuisé et le sommeil ne se fit pas attendre.

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Le VoisinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant