18.

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Une fois encore, son cauchemar avait été fidèle au rendez-vous de la nuit. En s'éveillant, Baekhyun se sentit épuisé. Il s'emmitoufla dans sa couverture et alla préparer son petit déjeuner. Il s'installa dans le fauteuil que Chanyeol occupait la veille et jeta un coup d'œil au dépliant touristique qu'il avait laissé sur la malle.

Roses, fleurs d'oranger, jasmin, rien qu'en feuilletant les pages, il avait l'impression de distinguer chacun de ces parfums. Il s'imagina dans les ruelles du grand bazar, chinant parmi les étals d'épices, humant les senteurs délicates de romarin, de safran, de cannelle, et ce rêve éveillé ravivait ses sens. Il soupira en reposant le dépliant, son thé lui parut soudain bien fade. Il s'habilla pour aller frapper à la porte de son voisin. Il lui ouvrit en pyjama, retenant un bâillement.

— Vous ne seriez pas un tantinet matinal, par hasard ? demanda-t-il en se frottant les yeux.

— Il est sept heures.

— C'est bien ce que je disais, à dans deux heures, dit-il en refermant sa porte.

Baekhyun frappa à nouveau.

— Qu'est-ce qu'il y a encore ? interrogea Chanyeol.

— Dix pour cent, annonça-t-il.

— De quoi ?

— Dix pour cent de mes rentes si je trouvais en Iyaphill la formule d'un parfum original.

Chanyeol l'observa, impassible.

— Vingt ! répondit-il en refermant sa porte, que Baekhyun repoussa aussitôt.

— Quinze, proposa-t-il.

— Vous êtes un monstre en affaires, dit Chanyeol.

— C'est à prendre ou à laisser.

— Et en ce qui concerne mes tableaux ? demanda-t-il.

— Là, c'est comme vous voudrez.

— Vous êtes blessant, mon cher.

— Alors disons la même chose, quinze pour cent sur la vente de toutes les toiles que vous peindrez là-bas, ou à votre retour si elles sont inspirées de notre voyage.

— C'est bien ce que je disais, un montre en affaires !

— Arrêtez de me flatter, ça ne prend pas ! Finissez votre nuit et venez me voir quand vous serez vraiment réveillé pour que nous discutions de ce projet auquel je n'ai pas encore dit oui.

Chanyeol se présenta chez Baekhyun à midi. Il portait un costume, s'était coiffé et parfumé. Il invita son voisin au pub pour discuter en terrain neutre, précisa-t-il. Mais, en arrivant au bout de la rue, Chanyeol l'entraîna vers sa voiture.

— Nous n'allons plus déjeuner ?

— Si, répondit Chanyeol, mais dans un vrai restaurant, avec nappe, couverts et mets délicats.

— Pourquoi ne pas l'avoir dit tout de suite ?

— Pour vous en faire la surprise, et puis vous auriez probablement encore discuté et j'ai envie d'une bonne viande.

Il lui ouvrit la portière et l'invita à prendre le volant.

— Je ne crois pas que ce soit une très bonne idée, dit-il, la dernière fois, les rues étaient désertes.

— Je vous ai promis une deuxième leçon, je tiens toujours mes promesses. Et puis qui sait si, en Iyaphill, nous n'aurons pas de la route à faire. Je ne veux pas être le seul à devoir conduire. Allez, fermez cette portière et attendez que je sois assis pour mettre le contact.

Chanyeol fit le tour de la voiture. Baekhyun était attentif à chacune de ses instructions, dès qu'il lui indiquait de tourner, il marquait l'arrêt pour s'assurer de ne croiser la route d'aucun autre véhicule, ce qui avait pour effet d'exaspérer Chanyeol.

— À cette vitesse, nous allons nous faire doubler par un piéton ! C'est à déjeuner que je vous invite, pas à dîner.

— Vous n'avez qu'à conduire vous-même, vous êtes agaçant à râler tout le temps, je fais de mon mieux !

— Eh bien, continuez en appuyant un peu plus sur la pédale d'accélérateur.

Peu après, il pria Baekhyun de se ranger le long du trottoir, ils étaient enfin arrivés. Un voiturier se précipita vers la portière.

— Mais vous m'emmenez où ? demanda Baekhyun, inquiet de tant d'attentions.

— Dans un restaurant ! soupira Chanyeol.

Baekhyun fut subjugué par l'élégance des lieux. Les murs de la salle étaient habillés de boiseries, les tables alignées dans un ordre parfait, recouverts de nappes en coton et elles comptaient plus de couverts en argent qu'il n'en avait vu de sa vie. Un majordome les escorta vers une alcôve. Dès qu'il se retira, un maître d'hôtel vint leur présenter les cartes, escorté par un sommelier qui n'eut pas le temps de conseiller Chanyeol, ce dernier ayant aussitôt commandé un château margaux 1929.

— Qu'y a-t-il encore ? demanda Chanyeol en congédiant le sommelier. Vous avez l'air furieux.

— Je suis furieux ! chuchota Baekhyun pour ne pas attirer l'attention de ses voisins.

— Je ne comprends pas, je vous emmène dans l'un des restaurants les plus fameux de la ville, je vous fais servir un vin d'une finesse rarissime, une année mythique...

— Justement, vous auriez pu me prévenir. Vous vous êtes en costume, votre chemise est d'un blanc à faire pâlir la meilleure des blanchisseuses et moi, moi je suis attifé comme un enfant que l'on emmène boire une limonade au bout de la rue. Si vous aviez eu la courtoisie de m'informer de vos projets, j'aurais au moins pris le temps de me coiffer. Les gens autour de nous doivent se dire...

— Que vous êtes un homme ravissant et que j'ai de la chance que vous ayez accepté mon invitation. Quelle personne perdrait son temps à observer votre tenue vestimentaire alors que vos yeux peuvent à eux seuls accaparer toute l'attention du monde. Ne vous inquiétez pas et, par pitié, appréciez ce que l'on va vous servir.

Baekhyun regarda Chanyeol, dubitatif.

— Vous n'êtes pas en train de flirter avec moi, Chanyeol ?

Chanyeol manqua de s'étouffer.

— En vous offrant de vous accompagner en voyage à la recherche de l'homme de votre vie ? Ce serait une drôle de façon de vous faire la cour, vous ne trouvez pas ? Et puisque nous allons nous associer, soyons honnêtes, nous savons tous les deux ne pas être le genre de l'autre. C'est bien pour ça que je peux vous faire cette proposition sans la moindre arrière-pensée. Enfin, presque...

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Le VoisinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant