Chapitre 3 - (2-2) Calme et volupté

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Aucun de nous deux ne brisa le silence. On entendait Naomi et Isaac chahuter dans l'eau. Pendant ce temps, je serrai mes genoux contre ma poitrine et regardai le paysage qui s'offrait à moi.

— « Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté », murmurai-je.

Les mots de Baudelaire m'échappèrent. J'avais suivi des cours de littérature française en option, la langue de Molière m'avait toujours intrigué, surtout à l'écrit. J'avais eu ma dose de la littérature anglaise et c'était un plus pour mes futures études.

— Oui, c'est aussi ce que je pensais, répliqua-t-il, le regard vers mon visage.

Je restais surprise de sa réponse.

— Très drôle !

— OK, je vois, tu n'aimes pas les compliments.

— Heu... OK, je constate que tu es le genre de personnes à faire des compliments.

— Pas spécialement, dit-il, même pas du tout en fait. Jolie citation, de qui c'est ? m'interrogea-t-il pour changer de sujet.

Il avait le don de souffler le chaud et le froid en un instant. Il avait le don de ne pas être gêné par les silences et moi bien sûr, je ne supportais pas ça et sortais des passages de poésies pleins de sous-entendus. Je lui expliquai ma passion pour la littérature française, il m'écouta avec plaisir même s'il ne maîtrisait pas du tout.

— Et toi, ça fait longtemps que tu es dans un groupe ?

Je changeai de sujet, j'avais envie d'en savoir plus sur lui aussi.

— Oui, depuis le lycée, on se connaît depuis l'enfance avec Mila, Joe et Damon.

— C'était vraiment bien, je veux dire, vous jouez super bien. Quel est le nom de votre groupe ?

Je restais curieuse et avide de le connaître. Je n'avais même pas entendu quand la chanteuse l'avait dit le jour du concert, bien trop occupé à scruter le mystérieux saxophoniste.

— « Wandering Souls ». Au festival, nous avons travaillé des reprises, « Paint in Black » des Rollings Stone et « Knockin' on Heaven's Door » de Bob Dylan, des adaptations plus jazz, soul.

— Je ne connaissais pas les versions originales, mais j'ai été touchée par votre singularité. Ce n'est pas commun comme instrument le saxophone.

Il rit.

— Quand j'étais plus jeune, il y a fort longtemps...

Je souris, j'aurais pu faire la blague moi. OK, Ash, il remettait également de la distance entre nous, pas de soucis...

— Les parents de Damon écoutaient souvent du jazz. Monsieur Sauders m'a fait découvrir Maceo Parker. Damon et Joe pratiquaient déjà respectivement de la guitare et de la batterie et Mila chantait et jouait de la basse avec son père et ses frères. Quant à moi, j'ai demandé à mes parents un saxo pour mes quinze ans. Ils n'ont pas trop compris. Mais voyant avec le temps que mon désir ne changeait pas, ils me l'ont offert. Ensuite, j'ai traîné dans le sous-sol de Damon et le groupe est né comme cela.

— Quel âge as-tu ? osai-je murmurer.

J'aurais dû lui dire que les paroles de leur chanson étaient plutôt sombres, j'aurais pu lui dire tellement de choses à cet instant, mais je voulais savoir. Quoi ? C'était vrai, on se posait, tous, la question, non ? Même si sa réponse me faisait particulièrement peur.

Il sourit encore, décidément...

— J'ai vingt-trois ans, Sofia.

Mon « moi profond » effectua un salto arrière, sûrement raté vu ma dextérité. J'étais souple grâce à ma pratique récente du yoga, mais quand même. Cinq ans, ça aurait pu être pire... Mon Dieu, Sofia, qu'est-ce que tu vas t'imaginer ? Nous ne demeurions plus au moyen âge non plus et puis sérieusement, comment un homme comme lui voudrait-il être avec une gamine bien trop curieuse ?

Cette nuit et celle d'après (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant