Chapitre 9 - Secret

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« I'm off the deep end, watch as I dive in
I'll never meet the ground
Crash through the surface, where they can't hurt us
We're far from the shallow now
»

Ce refrain tourne en boucle dans ma tête depuis tout à l'heure. A cause de lui, ou plutôt du fait de cette voix si envoutante qui le chante, je n'arrive pas fermer l'œil. J'ai beau me tourner sur le flanc droit, le gauche, j'ai même essayé le ventre alors que je déteste avoir la tête enfouie dans l'oreiller, rien n'y fait. La fatigue n'est pas décidée à pointer le bout de son nez cette nuit.

— Fais chier !

Dans un élan de colère, mon oreiller innocent devient un projectile terminant sa course à l'autre bout de ma chambre. Avant de se retrouver par terre, comme si le mauvais sort était contre moi ce soir, il culbute le seul objet posé sur la commode en métal gris sur laquelle est inscrit des noms de grandes villes. Résigné à ne pas dormir, j'allume la petite lampe de chevet jaune et pose mes pieds nus sur le sol en parquet. Assis au bord de mon lit, je me penche un peu en avant et observe le sac en papier se trouvant par terre. Je crois que je viens de casser le cadeau d'anniversaire que ma mère m'a offert.

D'un soupire, je me lève du matelas moelleux qui ne m'a pourtant pas permis de sombrer dans les bras de Morphée. Dans la chambre simplement éclairée de ma petite lampe de chevet, j'attrape du bout des doigts le sac contenant ce fameux cadeau inconnu. Il est peut-être temps de l'ouvrir.

Face à ce présent, m'interrogeant sur ce que cela peut bien être, je regagne le bord de mon lit sans le lâcher des yeux. Est-ce un livre ? Un cd ? Peut-être un objet décoratif ? Quoi qu'il en soit, cette petite chose ne semble pas avoir été altérée par la chute. Je la sens dans ma paume, elle n'est pas très grosse ni lourde. Cela m'intrigue davantage. Je ne perds guère plus de temps et enfouis mon autre main dans le sac, espérant en sortir quelque chose qui me ferait changer d'avis sur les cadeaux.

Entre mes doigts, aussi flamboyant qu'un vrai, un micro noir apparait sous mes yeux. Je déglutis lorsque je réalise qu'il s'agit du mien, celui avec lequel j'adorais jouer plus jeune. L'enfant que j'étais passait ses journées à chanter des chansons dans le vaste salon de notre propriété. Insouciant, des rêves pleins la tête, croyant naïvement que la vie me souriait, je donnais de la voix sur des airs de Dolly Parton ou de Michael Jackson.

Faisant tourner l'objet entre mes doigts, je passe délicatement mon pouce sur les quelques lettres gravées au niveau du manche.

— Leoshow, murmuré-je.

J'ai choisi ce nom de scène à l'âge de huit ans. Étant de signe lion, j'avais une envie irrépressible d'y faire référence dans le nom qu'allait scander mes fans lors de mes concerts. Le « show » était pour rendre le tout « magique », comme si je saupoudrais des paillettes qui m'aideraient à m'élever parmi les étoiles qui me faisaient tant rêver. A cet âge puéril, je croyais réellement en l'avenir de « Leoshow ». A mes oreilles, c'était le nom parfait. Onze ans après, je me rends compte que c'est complètement ridicule. Un artiste avec un tel pseudonyme ne ferait pas long feu sur la scène musicale. Je ne sais même pas s'il existerait un jour.

Repensant à mon époque juvénile, je me surprends à apprécier le cadeau de ma mère. Sans être présente, elle a tout de même réussi à me décocher un sourire. Elle a toujours été très doué pour cela et je ne peux que m'en vouloir davantage de l'avoir fait souffrir à ce point. Elle qui tentait désespérément d'illuminer mon visage, je m'efforçais pour ma part à ternir le sien. C'était cruel, j'étais cruel.

Fixant le micro de mon enfance, ressassant des souvenirs honteux, je suis surpris par le bruit d'un poing rencontrant ma porte d'entrée. Aussitôt, je lâche par mégarde l'objet se tenant entre mes mains.

A fleur de peau [SM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant