Chapitre 42 - A fleur de peau

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A travers le hublot de jet, les nuages défilent dans une lenteur troublante. Comment peuvent-ils se mouvoir à l'allure d'un escargot alors que nous fendons les airs à des centaines de miles par heure ? Cette interrogation me taraude l'esprit, allant jusqu'à froncer mes sourcils tandis que je contemple d'un air concentré le ciel. Si Avianna était là, j'aurais pu lui demander. Je ne me vois pas poser cette question farfelue à l'homme élégamment habillé à quelques mètres de moi qui possède mon avenir musical entre ses mains.

J'abandonne la quiétude du paysage et m'enfonce dans le fond du siège. J'ai du mal à réaliser que je suis en route pour New York, cette mégalopole bien plus grande et impressionnante que Toronto. J'ignore ma réaction lorsque je serai au milieu des gratte-ciels de Manhattan. Vais-je les trouver étouffants ? Ou bien respirable tel que ceux de Denver ? Est-elle autant dynamique qu'on le prêtant ? Une ville qui ne dort jamais c'est impossible, non ?

Tandis que je me torture l'esprit avec mes questions, je réalise que ma jambe droite bouge nerveusement. Je m'empresse de poser ma main dessus afin qu'elle cesse tout mouvement, mais c'est trop tard, Billy l'a remarqué.

— Nerveux à l'idée de signer un contrat ? me demande-t-il d'un sourire taquin.

— Un peu, admis-je d'une voix incertaine.

— Tu sais Shawn, j'ai rencontré un tas d'artistes dans ma carrière. Mais toi, tu es particulier.

— Pourquoi ?

— Parce que ta musique est authentique, tu as un style pur sans fioriture et ça, le monde musical en est manque ces dernières années. Entre les nouveautés comme Billie Eilish, ou les poidslours déjà présent comme Arianna Grande et Harrys Styles, on a perdu le côté authentique.

— Mais ce sont des artistes talentueux qui ont gagné de nombreuses récompenses. Je les admire beaucoup.

— Je suis d'accord, mais ils font du commercial. Il n'y a plus cette chaleur que tu ressens quand t'es dans un bar de la Nouvelle Orléans ou du Tennessee et qu'un groupe super sympa te joue un morceau. On a besoin de se sentir comme à la maison et ce n'est pas les artistes que je t'ai cité qui y parviennent.

— Vous croyez tant que ça en moi ?

— Évidemment, je nourris de très grands espoirs pour toi.

— Merci.

— Ne me remercie pas car tout ce qui t'arrive tu ne le dois à toi et uniquement à toi. Quand on a du talent, qu'on bosse dur, qu'on est motivé et passionné, « l'American Dream » réalisera tous tes rêves, m'explique-t-il d'une tape sur l'épaule.

Ses mots me touchent, ils m'encouragent et me donnent un espoir que je ne pensais pas permis. Je croyais faire partie de ceux pour qui le rêve américain était impossible, ce mythe dont tout le monde rêve, mais qui paraît si irréalisable. C'est un tunnel qui est long, sombre, humide et froid. Au fur et à mesure que nous avançons à l'intérieur, notre espoir s'amenuise jusqu'à ce que nous demandions si nous avons bien fait d'y entrer. Et puis la lumière apparait enfin, le tunnel se termine et nous trouvons un monde bien plus beau à la sortie : c'est notre rêve qui s'est réalisé.

Après plusieurs heures de vol, nous arrivons enfin à destination. Mes premiers pas dans la mégalopole se passent à l'abris dans une grosse berlingue noire. Derrière ma vitre, j'observe la skyline de Manhattan se dessiner à l'horizon. Il y a tellement d'immeubles, tous plus hauts les uns que les autres. Et puis tous ces gens, ces voitures, ces camions de pompiers déboulant de nulle part les gyrophares allumés et les sirènes au maximum, j'en ai le tournis. Pour une personne comme moi qui hais les grosses villes, New York semble être un avant-goût des Enfers. Je ferme les yeux jusqu'à ce que nous arrivions au pied des locaux du label musical.

A fleur de peau [SM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant