Chapitre 12 - Quelques chiffres

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Réfugié dans la bibliothèque de l'université, j'attends les résultats de nos premiers examens de l'année avec sérénité. Je sais que je suis bon dans tous les domaines vus jusqu'ici, et que j'ai répondu à presque toutes les questions posées, je n'ai donc aucune raison d'être stressé. En revanche, Grant, Juan et Karlie ne peuvent pas en dire autant. Avec leur angoisse communicative, j'ai préféré m'éloigner d'eux afin de ne pas sentir mon estomac se nouer pour rien.

J'ouvre donc un livre sur la country, que je viens de trouver par hasard dans l'une des nombreuses étagères. Ce n'est pas mon style musical préféré mais lire quelque chose en rapport avec la musique ne me fera pas voir le temps passer. J'ai deux heures à tuer avant que les résultats ne soient affichés.

Je me laisse alors plongé dans l'univers des bottes en cuir de vache et des chapeaux en paille. Entre Hank Williams et Willie Nelson, je découvre un genre qui jusque-là me laissait indifférent. A mon âge, nous sommes davantage baignés dans des sons plus rock, pop ou électro.

— J'adore la country, s'enthousiasme une voix que je reconnais sur le champ.

Les yeux rivés sur une photo en noir et blanc de Brad Paisley et sa guitare, je ferme les yeux en soufflant longuement. Même au milieu de la bibliothèque, perdu entre des milliers de livres et des dizaines d'étudiants, elle arrive à me retrouver.

— Merci Avianna pour cette information inutile, maintenant si tu pouvais me laisser tranquille j'apprécierais, dis-je avec lassitude en continuant mon livre comme si de rien n'était.

— Oh pardon, je ne voulais pas t'embêter, s'excuse-t-elle. Ça ne te dérange pas si je reste là pour lire aussi ?

D'un coup d'œil rapide, je fais un tour de la salle et comptabilise au moins vingt places inoccupées, autre que celle se trouvant à ma table. Elle semble bien décidée à me pomper l'air jusqu'au bout. Moi qui n'étais pas angoissé à l'idée des résultats, me voilà tout de même l'estomac noué. J'ai peur, peur de finir par apprécier cette fille au passé qui me répugne tant. Sa gentillesse, ses douces paroles, son ton réellement désolé lorsqu'elle me présente ses excuses, tant d'éléments que j'apprécie tout autant que je déteste.

— Tu auras une plus belle vue au fond, près de la baie vitrée donnant sur le parc.

J'espère qu'elle comprend mon message caché. J'aimerais ne pas l'avoir face à moi durant les deux prochaines heures mais puisqu'elle s'est montrée courtoise avec moi, je tente d'en faire tout autant. Terminé les paroles blessantes, j'ai déjà dit que je voulais passer à autre chose.

— Oui mais je serais seule, bafouille-t-elle. J'en ai assez d'être seule.

Malgré la plus grande des volontés à ne pas la regarder, mes muscles ne m'obéissent pas. Ma tête se relève, abandonnant totalement le livre que je lisais, et contemple cette fille prétendant se sentir seule. Comment peut-elle connaitre un tel sentiment après tout ce qu'elle a fait ? Comment arrive-t-elle à ressentir la même chose que moi j'ai pu ressentir par le passé ? Nous sommes deux êtres opposés et pourtant quelque part, peut-être sommes nous les mêmes.

Cette simple idée de similitude me fait déglutir. J'avale ma salive bruyamment, rendant ma bouche pâteuse. Je ne veux pas être mis dans le même sac qu'elle, ça jamais. J'enfile alors ma carapace, celle qui est censée me protéger de cette fille à la chevelure cuivrée, et me lève de ma chaise.

— C'est ce qui arrive quand on opprime les autres, dis-je aussi froidement que je le peux.

J'attrape mon sac que je jette sur mon dos et prends mon livre sous le bras. Je lui lance un dernier regard glacial avant de m'installer à la place que je lui avais conseillée, celle face aux baies vitrées.

A fleur de peau [SM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant