Chapitre 18 - L'ironie du sort

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Lorsque Thanksgiving approche, cela sonne le début des festivités de fin d'année. Très vite, Noël et le jour de l'an feront leur apparition dans une joie communicative. Les mois de novembre et décembre semblent ravir les gens, ils parviennent à leur donner un peu de bonheur malgré une année difficile. Peu importe nos vies, nos histoires, lorsque les fêtes arrivent tout est oublié. L'Homme s'accorde un temps de répit où les « mauvais ondes » sont chassées l'espace de deux petits mois.

Mais dans mon cas, la magie des fêtes ne m'a pas atteint. J'angoisse à l'idée de retourner à Toronto. Depuis plus de quinze minutes je suis tétanisé, je n'arrive pas à me rendre au comptoir d'embarquement. Mon passeport, dans lequel est glissé mon billet d'avion, est collé contre mon cœur qui bat la chamade. Je le tiens précautionneusement, comme si je ne voulais le donner à personne.

Une employée de l'aéroport, élégamment vêtue d'un tailleur gris et d'une chemise blanche, s'approche de moi. Elle replace une mèche tombée de son chignon derrière son oreille, et me sourit de toutes ses dents.

— Bonjour monsieur, vous avez besoin d'un renseignement ?

Je ne la regarde pas et continue à fixer l'écran sur lequel est inscrit « Air Canada », la compagnie avec laquelle je suis censé rentrer chez moi. Les lettres inscrites en rouge sur un fond bleu clair attirent toute mon attention. Elles me repoussent, me mettent en garde de ne surtout pas approcher.

— Monsieur ?

Non, je ne dois pas me rendre à ce comptoir ! Je ne veux pas retourner dans ce pays qui m'a brisé le cœur ! Pas même pour mes parents qui, je le sais, m'attendent avec impatience.

— Tout va bien ?

— Oui, finis-je par dire.

— Avez-vous besoin d'aide pour trouver votre zone où enregistrer vos bagages ?

— Non, c'est bon.

— Très bien, si vous avez des questions n'hésitez pas.

Je la gratifie d'un bref mouvement de tête avant de faire demi-tour. Je décampe loin de tous ces gens heureux d'aller retrouver leurs proches, quittant ainsi d'un pas pressé le terminal de l'aéroport. Les roues de ma valise noire claquent sur le sol irrégulier, le son de ma fuite raisonnant dans tout mon être. Je tourne le dos au pays qui m'a vu naitre, aux gens qui m'ont toujours soutenu et ça fait mal. Mais la souffrance est moins grande que de devoir y retourner. J'espère sincèrement que mes parents pourront comprendre cela.

Comme un idiot, je me retrouve à attendre un taxi. Je les regarde passer sans pour autant en appeler un. Peut-être devrais-je me faire violence et retourner dans le terminal ? Il n'est pas trop tard pour rebrousser chemin et affronter mes craintes les plus profondes. J'hésite durant de longues minutes à prendre mon vol, jusqu'à ce que mes yeux tombent sur une petite tête rousse. Au beau milieu d'un aéroport immense, bercé dans un flot incessant de voyageurs, il fallait que je la rencontre elle, Avianna. Le destin semble me jouer sa plus belle plaisanterie, je n'arrive pas à garder mon sérieux et finis par craquer. J'échappe de vagues rires nerveux à moitié étouffés par ma main que je plaque sur ma bouche. L'ironie du sort.

— C'est une blague, murmuré-je à moi-même, complètement désespéré de voir que même l'univers est contre moi.

Plusieurs dizaines de mètres nous séparent, entre lesquels des passants montent et descendent des taxis avec leurs grosses valises claquant sur le béton du trottoir. Avianna est pensive, la tête levée vers les avions décollant dans le ciel. Son bagage rouge, immanquable par sa couleur aussi chatoyante que celle de sa chevelure, se tient à ses côtés. Elle sert la poignée d'une telle force qu'on dirait qu'elle a peur que quelqu'un la lui vole. Dans sa petite jupe verte, agrémentée de collants noirs affinant davantage ses longues jambes fines, ce n'est certainement pas sa valise que l'on risque de kidnapper.

A fleur de peau [SM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant